[Chronique] Danielle Mémoire, Les Auteurs, par Jean-Paul Gavard-Perret

[Chronique] Danielle Mémoire, Les Auteurs, par Jean-Paul Gavard-Perret

décembre 12, 2017
in Category: chroniques, Livres reçus, UNE
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[Chronique] Danielle Mémoire, Les Auteurs, par Jean-Paul Gavard-Perret

Danielle Mémoire, Les Auteurs, P.O.L, octobre 2017, 336 pages, 21 €, ISBN : 978-2-8180-4395-0.

Théorie des mots et des auteurs, le livre de Mémoire impose à nouveau sa masse hirsute et une expérience unique de l’écriture en des variations de possibilités, de registres, de statuts. La truculence littéraire et son ironie deviennent la contestation de ce qui est émis chaque fois dans un déroulement ou une ouverture inédite.

La vision de l’écriture représente une conjonction de fléchages et de reprises. Tout ressemble à la conduite d’un chantier avec des moments presque sans œuvre ou qui se suspendent en une suite d’échos. La fabrique suit son cours avec ses acteurs écrivant qui se marchent presque les uns sur les autres en une suite de séquences ou de rendez plus ou moins différés. Danielle Mémoire offre à la fois une présence et une distance dans des révélations diffractées.

Le livre se construit comme un ouvrage aux maçonneries et aux artisans  différents. Il prouve que toute formule est impossible et qu’il n’y a pas de règle. Sinon qu’à chercher trop de précision du « un », la vérité s’éloigne. Surgissent à sa place densités déviantes et décalages. Tout un travail – on s’en doute – préside à une telle ascension. Mais le livre donne l’impression d’un magistral coup de pied de l’âne. Celui-ci accorde au lecteur (forcément masochiste ou simplement lucide)  une jouissance rare.

Les mots s’accumulent dans cette dérive labyrinthique sans jamais étouffer ce lecteur.  Au temps du sacre de l’auteur succède le temps exclusif et inouï du verbe qui permet saillies et béances. S’y polit le fin mot plutôt que le mot fin. Grâce aux « auteurs » de Danielle Mémoire, là où la pensée d’un auteur va s’éteindre les traces bouillantes d’un autre apparaissent. 

Il y a donc ici de « l’ôteur », car si dans un certain nombre de figures la créatrice se revendique « auteur unique », une succession d’abîmes fait que la paternité ou maternité  demeure sous forme d’hypothèses presque vagues au sein d’un mouvement drôle et angoissant. Par des  révélations opposées sous apparence d’une logique implacable Danielle Mémoire lance son « yes we Kant » aussi dérisoire que sublime par le raffinement de l’écriture.

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rédaction

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