[Chronique] Les truismes de Jacques Cauda, par Jean-Paul Gavard-Perret

[Chronique] Les truismes de Jacques Cauda, par Jean-Paul Gavard-Perret

janvier 21, 2018
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[Chronique] Les truismes de Jacques Cauda, par Jean-Paul Gavard-Perret

Jacques Cauda, OObèse, Z4 éditions, janvier 2018, 112 pages, 14 €.

Jacques Cauda ose la profonde descente dans la nuit du sexe dont les érotiques à la petite semaine ne cherchent qu’à mimer le chemin de jouissance. Ici et dans un roman qui se revendique comme « pornographique », l’auteur ose un sacrilège éminemment parodique où la contre-consécration se superpose de diverses couches de gras et d’insanités farcesques. Cauda conserve écriture et pensées pornographiques qui sont des plagiats inversés des chants religieux.

Tout cela néanmoins au nom de la congélation amoureuse qui tient parfois d’un règlement de compte. Sentir parfois un souffle sur sa nuque et sur là où sa croupe se scinde fait tirer le diable obèse par la queue. Mais au gémissement d’extase fait place le gémir de la violence là où la femme fatale devient objet d’un héros adipeux.

Dès lors l’histoire d’OO n’a plus rien à voir avec celle de Pauline Réage, femme enamourée qui se glisse dans les fantasmes de son amant pour le revigorer. Ici par leurs excès ils deviennent ce qui annonce une perte. Mais elle est toujours jouée dans la verve outrancière, orageuse.

L’auteur ne tient jamais sa langue dans sa bouche, et invente des images hors de l’image. Ce qui s’ouvrait se referme, ce qui s’enrobe se dérobe suivant le vieil adage « il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée ». Et il suffit de la flamme d’une chandelle pour réchauffer, voire mettre le feu sur un fleuve noir et fétide, grouillant de démons entre la jouissance et l’horreur.

La dimension transgressive de l’érotisme devient chez Cauda la dynamique de l’inversion de l’inversion. Non seulement des valeurs du noble et de l’ignoble, de l’honnête et de l’obscène, du haut et du bas, mais aussi d’un envisagement beaucoup plus profond. L’auteur ne fait donc pas de la pornographie un hédonisme vulgaire qui caractérise habituellement les romans légers.

L’« écart sexuel » pour parler comme Bataille visite différents points de rupture de la conscience, de l’inconscient, du récit, de la peinture. Les deux dernières deviennent ici fiction de la fiction : l’extase et la transgression, le rire et l’horreur se trouvent directement et intimement associés. Les plaisirs de la chair prennent différents fléchages et la surcharge de lipide du héros au besoin s’en nourrit.

Son OObèse « baise ». Mais il fait plus et pire. Mais ce n’est pas là la débauche pusillanime qui laisse intacte – d’une façon ou de l’autre – quelque chose d’élevé et de parfaitement pur. Cauda ose tout et c’est d’ailleurs l’inverse qui serait surprenant. L’artiste et auteur situe l’expérience pornographique autant aux antipodes de la conception chrétienne de l’Amour que de celle de Bataille. Il n’existe là ni péché, ni rédemption. Mais du gras (au dessein cochon) et du « sangsuel » aux assises meurtrières. Du moins en ce qui demeure une facétie de l’obscène. Les cochons qu’on égorge n’y oublient pas certains « truismes ».

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rédaction

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