[Chronique - news] Jacquie Barral : le paysage du livre d'artiste, par Jean-Paul Gavard-Perret

[Chronique – news] Jacquie Barral : le paysage du livre d’artiste, par Jean-Paul Gavard-Perret

août 28, 2016
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[Chronique – news] Jacquie Barral : le paysage du livre d’artiste, par Jean-Paul Gavard-Perret

Aux éditions Fata Morgana, Pointe du crayon – Punta del Llapis, traduction de M.Ll. Sabater,
« Pointe du crayon – punta dell lapis », dessins et peintures de Jacquie Barral, Maison de la Catalanité, du 26 août au 7 octobre 2016.

Jacquie Barral a vécu son enfance dans diverses maisons remplies de livres. A l’origine, dessiner lui suffit puisque – et comme Soulages l’a précisé – le dessin est l’art premier. Il préside à tous les autres et aussi à l’écriture. Pour preuve, il suffit de donner à un tout jeune enfant un crayon et du papier : il se met à dessiner.

Avec l’écriture Jacquie Barral acquiert un autre langage qui la mènera jusqu’au doctorat, mais aussi à une écriture plus libre « comme une compensation, un rééquilibrage d’une activité d’écriture codée selon des principes scientifiques. »

Son premier travail littéraire fut un livre de contes (Les Arcanes majeurs). Son « il était une fois » répond d’une souveraine commande à elle-même qui se transforme dans le plaisir de faire des mots un carnaval. La créatrice joue avec, les bouscule. Pour autant le dessin n’est pas oublié. Certes, ils ne vont pas forcément de pair avec le dessin : mais les deux langages alternent.

Mais l’auteure et artiste découvre bientôt le « livre d’artiste ». Chez Fata Morgana, elle publie Les saisons de l’humilité d’Hölderlin (traduit par Butor) qui lui permet de joindre texte et dessin. Depuis, elle dessine pour des écrivains ou écrit pour des artistes. Ce double mouvement est devenu presque indispensable à l’équilibre de Jacquie Barral.

Elle trouve là l’occasion de faire du livre « un objet à toujours réinventer ». Passant de l’invention à la méthode, elle crée dans son université de rattachement un master 2 professionnel « édition d’art-livre d’artiste ». Parallèlement, elle « théorise » le rapport du livre et de l’art, dirige des ateliers sur le livre d’artiste. Elle continue bien sûr à travailler avec artistes et écrivains : Michel Butor (Monologue de la Momie, Fata Morgana), Jean-Pierre Faye (le superbe Le Grand Danger, Passage d’encres), Bernard Noël (avec le non moins prestigieux Tapis de Cendres, Fata Morgana), ou encore Yves Peyré , Jean-Noël Blanc,  Jaccottet,  G. Badin, Dezeuze, par exemple.

Si pour la créatrice le livre « semble inventé à l’image de la pensée », il est là afin de proposer une pensée non pas figée mais en mouvement et « en quête de mots ou de graphes, d’outils pour dire, tracer, énoncer l’idée obscure émergeante qui ne prend forme et sens que lors de sa chute dans le langage. »  Le livre d’artiste, par son « écart », pousse plus loin le mouvement en doublant l’écriture d’autres flux, respirations, flottements. D’où la présence d’un double espace, d’une flânerie conjointe, d’une dialectique de paroles et d’images qui se déploie à l’intérieur d’une même « maison » à double locataire.

Le rapport textuel-visuel, paysage et mouvement, pliage et déploiement, vanités en abyme, inventaires se créent entre déconstruction et reconstruction selon divers matériaux : papiers divers (calque, couché, torchon, photographique, laser, soie, etc.), carton, bois, plexiglas, métal, Rhodoïd, plastique, objets trouvés, outils, coquillages, pierres, cailloux, branches, déchets de chantiers, etc. Porté à ce point le livre d’artiste est bien plus qu’un « jeu » : il mêle fond et forme. Il peut, il doit même se manipuler, se toucher, en devenant expérience et exploration.

Dessins au graphite ou au crayon sont souvent utilisés par l’artiste : on se souvient de Suite aux nocturnes, Anatomies du cachalot, et aussi ses Autoportraits fantaisistes et drôles. Avec Pointe de crayon, le travail se concentre sur le dessin, même si apparaissent des techniques ou matières adjacentes (collage par exemple). Sous une apparente abstraction, la figuration n’est jamais absente. Cette présence passe donc par un pas de côté. Existe une manière de prendre du recul selon une présence intense mais décalée. Elle introduit même de l’espace dans l’espace à la recherche d’un paysage inspiré qui se ressent plus qu’il ne se voit dans un tintement plastique.

Ajoutons que dans cette œuvre l’artiste se retrouve avec la Catalogne. Son rapport avec le lieu est « affectif et très profond » par ses propres racines, sa culture, sa langue et ses paysages – mot clé s’il en est pour la créatrice.

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rédaction

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