[Chronique] Sébastien Ecorce, Couleur (1/4)

[Chronique] Sébastien Ecorce, Couleur (1/4)

mars 23, 2012
in Category: chroniques, UNE
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Nous avons le plaisir de vous proposer une série de subtiles réflexions/variations extraites du volume à paraître de Sébastien Ecorce, "Couleur, schèmes(s), conduction(s)".

Couleur à considérer comme schème conducteur.  Elle n’est pas tant le produit de l’effacement, de dépôts, replis  et strates… que de dissémination : ondule, se reconfigure, se (re)modèle. S’enroule et se déplie. Se durcit à la volatilité.  Elle est matériau même. Entre valeur d’affect et d’usage –

 S’élargit dans la plasticité de points vivants –  Vasculaire,  dans l’épreuve du non fini à souligner les membres et démembrements de la rythmicité –

Matériau résistant et fuyant. Entre archive et perte, la ligne de récit ou de voix. Le cours d’une expérience. Entre des emprises toujours à définir –

 Mesure du battement. Son décalage dans les formes spectrales en son centre, son creusement, l’avancée à des formes intimantes et exploratoires.  Sa transmission et son effectuation.  Ses modes de parutions, dans l’intermittence même –

 Ses modes d’extinction ou d’épuisement. Lien organique du tracement entre les plans, les points, ou à l’intérieur. Présence à ouvrir la durée  qui ne se focalise pas sur la tension vers un dénouement –

 Pure oreille, pure attention.  Parcours des modes incarnés, des régions où la surface fait déjà puissance de profondeur. Instables dans le réagencement des mémoires –

Disposition générale et intuitive à l’ouverture au présent. Entre modes d’imprégnations et humeurs. Accélération et mode(s) du ralentir. Ce temps de l’imprégnation du Chant coupé et résonant dans les choses, de leur traversée, ou de leur détournement. Où césure peut être un flux, et un flux peut être une césure –

Trouble qu’elle calme un instant, qu’elle relance, aussitôt. Ce mouvement de l’altération dans l’écriture de la durée. Autour de la progression et des tonalités. Des indices.  Et des glissements. De la perturbation dans un réveil lent –

 Ce maelstrom à vitesse variable qui préserve les contenus tout en obturant différentiellement l’accès à ces mêmes contenus. Tourmente pas si silencieuse que cela dans et autour de la lumière –

Déroulement d’une action qu’elle dépose dans la durée d’une vibration. Vertige qu’elle peut rendre tour à tour comme nécessaire et inévitable. Ce pallier dans l’accès sensible aux troubles, aux différences, de manière graduée et vertigineuse –

Couleur est-ce monde devenu incertain, devenu comme inassigné, en perte de repères, de références symboliques, et où le sens fait mine de se déliter. Elle ne décrypte pas un monde plié à la façon d’une planche, à ne pas distinguer l’homme de la matière, l’homme de l’animal. Couleur est cette projection qui génère ces propres motifs. Prend l’informe et la forme comme substrat. Rompre la symétrie d’un imaginaire. Se détacher du discours purement interprétatif –

Science instinctive à aller chercher ce qui trouble l’harmonie –

Conduction prise en son rebours – la durée non  pas comme acte de succession, mais comme plongée dans la distance –

Crispation de l’effort rythmique – dans l’allure qui se propage dans l’étendue, ou la distance même –

Cette poussée qui active la fluence du milieu – l’ondulation : ce geste combinatoire. Temps du peuplement des circonvolutions dans le réagencement des motifs –

Couleur est une pensée qui tourne de l’œil. Cet accordement non redoublé à son trouble –

Couleur n’est pas un commentaire ou un redoublement au second degré – c’est une unité de devenir saisie dans une matière – Par sa texture ou granulation, elle est cet attachement extrême qui confine au détachement du micro-détail, détachement de l’obsession du composable, recomposable, aux limites de la perception sensorielle –

Couleur oblige à abandonner les intuitions intensives et continuistes  qui sous-tendent la construction des espaces lisses –

Couleur n’exclut pas l’arrangement, le bricolage, sous la contrainte d’une limitation de moyens. Logique qui opère dans un espace fini –  à élaborer des structures dans toute la spectralité de l’évènement, et de ses résidus –

Couleur : son processus d’altération est cela même qui l’ouvre à la durée,  au-delà du paradigme du flux et de l’opération –

Couleur avive à la durée comme l’éclosion du silence impropre à l’entendement –

Couleur pénètre le barreau des espaces –

Couleur ne mime pas le devenir universel de la matière –

Couleur ne peut être affiliée à cet évènement qui suspend le continuum de la matière. Elle en est plutôt la coupe, l’ablation, la réduction, ou l’augmentation, la perforation et l’atomisation.  Le rythme de son mode d’apparaître. Elle relève ainsi d’une physique qualitative des évènements, une physique subjective des affections –

Couleur se joue de la figure écartelée.- entres ces formulations prototypiques (idée, structure, intensité…), ces modes ou formes de notations et son exécution. Elle n’est pas cette essence idéale, mais l’horizon d’un processus infini de métamorphose –

Il s’agit d’en exploiter les possibilités techniques, comme les virtualités que révèlent parfois les limites, les contraintes, les dysfonctions. D’un travail à la limite dans l’invention à traverser du rythme. C’est dans l’étendue du spectre qu’elle peut inventer le geste de son détournement –

Il peut y avoir  une mythologie machinique que se greffe sur Couleur – En ce sens, elle peut embrayer sur de nouveaux modes, de nouveaux types de flux, s’épaissir ou se réduire des occurrences parasites, dans ce retraitement les rémanences qui hantent l’inscription initiale ou première, comme si déjà, Couleur, émanait de la réalité opaque de la machine à lumière, de cet assemblage de discours et de regards, que le geste de Couleur sera de révéler cette part d’inaudible au sein de la matière même.

© Bernard FRIZE, Synchronia (2004 ; détail en bandeau) ; Christian BONNEFOI, Eureka V (1999) ; Rémy HYSBERGHE, Laps n° 8 (2003).

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rédaction

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