[Création] Daniel Cabanis, Verres d'eau avec noyés (6/6)

[Création] Daniel Cabanis, Verres d’eau avec noyés (6/6)

juin 1, 2016
in Category: créations, UNE
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[Création] Daniel Cabanis, Verres d’eau avec noyés (6/6)

Déjà la dernière de cette série signée Daniel Cabanis, qui nous entraîne dans son humour-monde… [Lire/voir le 5e volet]

Bianca Saldine, Glou-glou VI / 19 x 28 cm / aquarelle numérique / coll. Marcel Navas

 

Dans le hall de la Foire d’Art Contemporain, je tombe sur Costin Davons, peintre minimaliste, autrefois coté chez les mondains et aujourd’hui complet démonétisé. Pauvre Costin ! Je savais qu’il avait pris des coups ces dernières années : procès avec sa galerie, suicide de sa fille Talia, drogues et démêlés avec la justice, enfin sa maladie de Crohn, autant d’aléas qui l’avaient éloigné de l’art, mais j’ignorais le plus récent (le plus navrant aussi) de tous ces maux  : qu’il s’était remis à peindre. Costin, t’es un dur, je lui dis; où as-tu trouvé l’énergie de recommencer ? Chapeau ! Il est flatté. Il minaude. J’insiste : Ton retour à l’art est un événement majeur. Je vais jusqu’à lui dire : Crois-moi, vieux, je t’admire. Bon. J’ai été trop loin. Costin réagit mal : il m’invite à venir visiter son nouvel atelier ! Me voilà piégé. Il me tend sa carte. C’est à dache mais je promets d’y aller. À Sotteville-lès-Rouen, le boulevard Pécuchet relie en biais la Seine à la gare de triage. Bordé de hangars des deux côtés, l’endroit n’est pas jojo. L’atelier de Costin est au 27 ; derrière le portail, au bout de la cour. Après avoir sonné en vain pendant dix minutes, je pousse la porte et entre. Costin est là, seul, debout, immobile au milieu de l’atelier vide. Ah, c’est toi ! dit-il. Comment va ? je demande. Mal, dit-il. Donc, bien, je finasse. Je vais te décevoir en grand, dit-il. Tu ne pourras jamais me décevoir assez, dis-je. Si, dit-il. Et il me raconte la dernière crue de la Seine, l’atelier sous l’eau, tout son travail détruit. Suis à poil, dit-il, j’ai plus rien. Ça va aller, je dis ; et imagine cette panade si tu t’étais noyé.

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rédaction

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