[Livre-chronique] Christophe Manon, Testament (d'après François Villon), par Bruno Fern

[Livre-chronique] Christophe Manon, Testament (d’après François Villon), par Bruno Fern

octobre 5, 2011
in Category: chroniques, Livres reçus, UNE
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Christophe Manon, Testament (d’après François Villon), Léo Scheer, coll. "Laureli",  octobre 2011, 80 pages, 16 €, ISBN : 978-2-7561-0330-3. Editions Léo Scheer : Testament (Christophe Manon)

Suivant scrupuleusement le fil du Testament de F. Villon (les numéros des strophes de l’original sont indiqués en marge et les pièces intermédiaires – ballades et autres – sont également reprises), C. Manon en garde les principales thématiques (la mort omniprésente, bien sûr, mais aussi l’amour et la critique politique et sociale) et le ton général où dominent le burlesque et l’ironie, y compris envers lui-même.

En outre, il insère de nombreux fragments du texte d’origine et en reprend certains traits stylistiques (par exemple, en attribuant des patronymes ridicules à ceux auxquels il fait des dons qui ne le sont pas moins : Edmond Tenlèr, Jean Profite, Clotilde Vagalam, Margot Quintal). Utilisant un lexique le plus souvent trivial et opérant un travail formel à première vue minimaliste (ainsi, la quasi-totalité des vers relèvent d’un simple découpage syntaxique) qui veut peut-être faire écho aussi bien à la pauvreté affichée par Villon qu’à une volonté d’être lisible par le plus grand nombre (sans sombrer pour autant dans la platitude de la langue communicationnelle), C. Manon, se proclamant mauvais garçon comme son modèle (branleur j’ai été et je demeure), s’approprie à sa façon la démarche du poète médiéval en y faisant résonner sa vie et notre époque.

Même si les passages les plus réussis sont sans doute ceux où les deux voix se mêlent étroitement (tel le glissement de Triste, failly, plus noir que meure [mûre], à triste maigre plus noir / qu’immigré clandestin ou bien celui des fils de rois / et conçus en ventres de reines à ceux qui ont été conçus / par des ovules de dictatrices), l’ensemble est plutôt vivifiant et, à travers de multiples décalages, l’auteur parvient indéniablement à retrouver une certaine tonalité villonesque : entre autres illustrations, la Vierge devient Rouge comme il se doit (Dame du ciel, régente terrienne > dame rebelle esprit de la Commune) et les souffrances amoureuses sont toujours les mêmes qu’au 15ème  siècle, à quelques détails près :

aimez donc tant que vous voudrez

traînez dans les soirées et les boîtes

à la fin vous n’y gagnerez rien

et n’obtiendrez qu’une gueule de bois

les amours fous rendent les gens bêtes :

Rimbaud se fit tirer comme un lapin

Woody Allen en perdit ses lunettes

heureux qui n’en a pas

Comme on le voit, la veine drolatique l’emporte largement et, même si ce Testament s’achève inévitablement sur les obsèques du pauvre Manon et les injonctions forcément fatales que le destin lui adresse (résigne-toi Manon), ce dernier, en bon viveur devant l’Eternel, adresse dans le texte en supplément (L’épitaphe de Manon ou Ballade des poivrots) un ultime pied de nez à la Camarde :

 camarade Whisky qui sur tous a maistrie

garde que Cirrhose n’ait sur nous seigneurie :

d’elle n’ayons que faire ni que foutre

poivrots il n’y a point ici de moquerie

mais pissez dru pas dans un dé à coudre

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rédaction

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