[News] News du dimanche

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décembre 22, 2013
in Category: Livres reçus, News, UNE
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[News] News du dimanche

En ce dernier jour avant la trêve d’une semaine (RV dimanche prochain, donc !), nous vous présentons de quoi terminer l’année comme il se doit : trois intéressants livres reçus (Jérôme Game, DQ/HK ; Serge Noël, Aux premières heures d’un jour nouveau ; Alain Brossat, La Démocratie) et le pré-programme de la reprise de janvier sur LIBR-CRITIQUE.

Livres reçus (FT)

► Jérôme Game, DQ/HK, préface de Jean-Michel Espitallier, éditions de l’Attente, 4e trimestre 2013, 130 pages + 2 CD audio, 17 €, ISBN : 978-2-36242-045-0.

"À lire Jérôme Game, à l’écouter, on croit comprendre que la fin de l’Histoire
ça n’est peut-être ni Auschwitz, ni Hiroshima, ni la chute du Mur
mais bien plutôt la multiplicité affolante des points de vue bavards,
jusqu’à la nausée, qui débitent sans fin des déluges d’histoires" (J.-M., Espitallier, p. 18).

Présentation éditoriale. DQ/HK ou deux livres en un, comme un double-album de poésie sonore donnant à lire et entendre HK Live !, pièce radiophonique sur Hong Kong, et Fabuler, dit-il, pièce entre littérature et création sonore autour du Quichotte, réalisée avec le musicien Olivier Lamarche. Deux pièces rassemblées par une visée esthétique commune, telles les faces A et B d’une même méthode : rencontres, voyages, captations, travail en studio, montage de sons et d’images, il s’agit toujours d’écrire à même les choses, à même le document, dans le son et à travers l’image. Traversée d’une ville, saisie par les signes sonores et visuels qu’elle émet ; traversée d’un monument littéraire, via l’économie narrative, cinématographique ou touristique à laquelle il donne lieu.

Premières impressions de lecture. Si, comme l’avance Sartre dans Situations, I, chaque époque doit s’inventer un regard – et si, de fait, il y a des époques vides -, qu’en est-il de la nôtre ? En un temps où le champ pratique est un incroyable kaléidoscope audio-visuel, un espace saturé par d’innombrables images et discours, il n’est plus question de prétendre dresser l’inventaire du monde social comme au XIXe siècle. En "chef op’ de tout ce qu’il a ramassé" (Espitallier), Jérôme Game propose divers agencements répétitifs sonorisés, un "paysage-langage" "du langage compressé" : "Don Quichotte, c’est un produit contaminant, un vrai générateur, en extension tout azimut, qui stocke tout ce qu’il a produit, en strates" (Espitallier).

Quant à HongK ong, c’est
"ambiances listées"
micro-récits
script et collages…

Le poète ultramoderne se fait ainsi caisse de résonance dépersonalisée, et le texte nous propose affects et percepts sur la ville-monde.

Le tout précédé d’une magnifique préface signée par une figure majeure du champ poétique actuel : Jean-Michel Espitallier.

► Serge Noël, Aux premières heures d’un jour nouveau, éditions MaelstrÖm ReEvolution, Bruxelles, 4e trimestre 2013, 300 pages, 16 €, ISBN : 978-2-87505-159-2.

L’époque est aux dystopies plutôt qu’aux utopies, qui ont un point commun, l’extrapolation : les caractéristiques de la société contemporaine sont empirées ou corrigées dans un ailleurs.

Dans ce roman tripartite – dont le titre est à l’image de la couverture : sirupeux et aguicheur ! -, nous sommes en 2098 dans l’associété, "un monde parfait" dans lequel la seule raison d’être est d’"amasser des crédits" : "La politique est là pour garantir à chacun le droit de chercher à concentrer pour son compte le plus de crédits possible, quels que soient les moyens employés" (p. 23). Là, tout est ordonné par l’État, au sommet duquel trône la figure virtuelle du Citoyen : la distribution de détriments et de psychotropes, la reproduction (les femmes n’existent que comme truchements reproductifs) et le plaisir (à coups de crédits, tout homme peut choisir son philosexe et ses divertissements sexuels), l’éducation (aux bons soins des éludateurs, des éducastreurs, des psychiastres et des médicastres), la gestion des quotislogans… Dans cette associété totalitaire, tout ne va évidemment pas pour le mieux dans le meilleur des mondes… Les privilèges des élites du Processus contrastent avec le sort réservé aux contrevenants : "Jeunes délinquants croupissant dans les taules, procédants à la merci d’un bouleversement technique, encadres pissant d’angoisse à l’idée d’être largués" (28)… Conformément à la tradition du genre, le récit se concentre sur un personnage à part, pour qui l’ennui est mère de toute survie : "La plupart des gens m’emmeldrent. Je ne leur trouve ni politique, ni art. Comment peut-on vivre sans politique, sans art ? De quoi ? Pour quoi faire ?" (119). Viendra l’envie, et derechef la rêvolution – via un détour par le Moyen-Âge… Ainsi s’accomplira la prédiction décrétée en 2002 par "un homosexuel vieillissant" qui connaissait la poésie du XXe siècle : "L’avenir de l’homme, c’est la femme"…

Malgré l’interrogation politique qu’il suscite (en un temps où triomphent les pouvoirs bio-technologiques et économico-financiers, le totalitarisme d’état doit-il encore être considéré comme le plus menaçant ? comme le plus envisageable ?), ce livre vaut surtout pour sa première partie ; le reste se conforme parfois un peu trop aux seuils que constituent le titre et la couverture.

► Alain Brossat, La Démocratie, éditions Al dante, 4e trimestre 2013, 168 pages, 17 €, ISBN : 978-2-84761-783-2.

« Traiter le nom "démocratie" pour ce qu’il est : le Phallus de notre présent » (Alain Badiou, Pornographie du temps présent, 2013).

Présentation éditoriale. Dans les quatre essais qui composent ce livre s’ébauche ce que Foucault nommerait une analytique de la démocratie contemporaine en rupture ouverte avec les courants dominants de la science politique et de la philosophie politique. Il ne s’agit pas en effet de s’y demander ce qui définirait à proprement parler un régime démocratique, quelles seraient les normes de la culture démocratique, à quelles valeurs se réfèrent les usages démocratiques, en quoi consiste la vie démocratique, quelles en sont les institutions appropriées, (etc) – mais de partir d’une tout autre question : de quelle espèce est l’opération contemporaine consistant à faire valoir le nom de la démocratie comme celui de la seule figure d’organisation et de vie politique acceptable et conforme aux exigences d’une vie civilisée ? Qu’est-ce qui est en jeu dans le balisage de notre présent par l’ensemble des discours tendant à accréditer la notion d’un horizon indépassable de "la démocratie", comme horizon du politique et de la vie commune ? De quoi cet usage du mot démocratie est-il la manifestation ou le symptôme ? Il s’agirait donc bien de déplacer l’angle du questionnement, de se situer dans un autre champ.
On ne se demandera pas dans ces textes ce qu’est en vérité la démocratie contemporaine, on n’en dénoncera pas les faux-semblants ou les illusions, on n’opposera pas à ces mensonges ou ces trahisons allégués ce qu’elle devrait être – on s’interrogera plutôt sur le point suivant : sous quelles conditions sommes-nous astreints aujourd’hui à parler de la démocratie, quels sont les principes d’agencement qui président à l’établissement de l’ordre des discours régissant la formation des énoncés à propos de "la démocratie" aujourd’hui ? Ce qui constitue donc la trame de ces textes, ce ne sont pas des questions de définitions adéquates, ce n’est pas la critique des apparences fallacieuses ou des impostures des appareils de la démocratie contemporaines, c’est plutôt l’analyse du champ de forces et des jeux stratégiques de pouvoir qui s’établissent autour du nom de la démocratie dans nos sociétés.

Premières impressions de lecture. Se situant à l’encontre des courants mainstream de la science politique et de la philosophie politique, l’auteur de La Démocratie immunitaire (La Dispute, 2003) se lance dans "l’analyse du champ de forces et des jeux stratégiques de pouvoir qui s’établissent autour du nom de la démocratie dans nos sociétés" (p. 8). En quatre parties ("La démocratie comme mythe conquérant", "Un mirage en Egypte (le paradigme El Aswani)", "Contre la tyrannie du fait majoritaire" et "Une démocratie des résistances !"), ce livre qui allie les approches politiste, sociologique et philosophique, réussit à dévoiler ce que recouvre le substantif hypostasié "démocratie", à expliciter les usages sociaux d’un mot devenu coquille vide : la-démocratie, qui renvoie à des acceptions et des pratiques hétérogènes, n’est qu’un dispositif discursif destiné à attester l’existence d’une chose publique, sinon disparue, du moins évanescente ; à justifier les diktats de la masse ; à légitimer les dérives totalitaires des dominants au nom de valeurs universelles…

LIBR-CRITIQUE en janvier…

Créations : Daniel Cabanis, Matthieu Gosztola… Anne-Olivia Belzidsky, André Gache, Alain Marc (Libr-@ction)… Thomas Déjeammes, Lucien Suel, André Gache (Dreamdrum)…

Chroniques : sur Stanislas Rodanski, Substance 13 ; Le Cocommuniste de Jacques Jouet, Chaosmos de Christophe Carpentier et Usage communal du corps féminin, de Julie Douard (rentrée P.O.L : 2 janvier) ; Première ligne et Le Projet Wolfli de Jérôme Bertin (Al dante : 15/01) ; Éric Chevillard, L’Autofictif en vie dans les cartons (L’Arbre vengeur : 15/01)…

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Fabrice Thumerel

Critique et chercheur international spécialisé dans le contemporain (littérature et sciences humaines).

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