[News] News du dimanche

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mars 27, 2011
in Category: Livres reçus, News, UNE
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En ce deuxième dimanche printanier, et à l’orée d’une semaine qui va nous conduire à notre Rencontre-débat sur les formes narratives actuelles via les entrées sur Mathieu Brosseau, La Confusion de Faust, Frédéric Valabrègue, Le Candidat et Richard Millet, L’Enfer du roman, passons en revue trois des nombreux livres reçus ces dernières semaines : Annie ERNAUX, L’Autre Fille ; Pierre JOURDE, C’est la culture qu’on assassine ; Daniel POZNER, La Danse. /FT/

Annie ERNAUX, L’Autre Fille

► Annie Ernaux, L’Autre Fille, NiL éditions, mars 2011, 80 pages, 7 €, ISBN : 978-2-84111-539-6.

"la réalité fulgure : je suis venue au monde parce que tu es morte et je t’ai remplacée" (p. 61).

Chaque autosociobiographie d’Annie Ernaux – ou presque –rayonne à partir d’une réalité/vérité fulgurante : la mort et le destin social du père (La Place) ou de la mère (Une femme), une "passion simple", la découverte de la honte sociale suite à la folle tentative d’assassinat de la mère par le père (La Honte), l’avortement (L’Événement), la jalousie comme "occupation" de soi par l’Autre (L’Occupation), le sexe contre le cancer (L’Usage de la photo)… Tout commence, cette fois, un dimanche estival de 1950 : à dix ans, la petite Annie Duchesne apprend comme par effraction qu’elle est ce que la psychanalyse nomme une enfant de remplacement, c’est-à-dire, dans le patois normand, une "ravisée"… La révélation est vécue comme un tremblement de terre : "J’avais vécu dans l’illusion. Je n’étais pas unique. Il y en avait une autre surgie du néant. Tout l’amour que je croyais recevoir était donc faux" (22).

 

Comment trouver sa place quand on doit son existence à la mort d’une sœur emportée par la diphtérie à l’âge de sept ans (1931-1938) ? Qui plus est quand l’Autre est l’élue de la Mère :  "elle était plus gentille que celle-là"… La "petite sainte" contraste avec celle qui a "le diable au corps"… Et l’auteure de mener l’enquête, de s’interroger sur ce fantôme, cette figure du Double, cette forme vacante, cette "création de la psychanalyse" ou peut-être encore cette "fiction de la religion chrétienne" qui pourrait bien être l’agent catalyseur de l’écriture… Écrire, dans une lettre singulièrement adressée à "l’enfant du ciel, la petite fille invisible dont on ne parlait jamais, l’absente de toutes les conversations" (12) – lettre qui décline les trois personnes : je-tu-elle/il – contre ça, un ukase de la Mère qui équivaut à la condamnation ayant frappé le Genet de Sartre : "je me demande si elle ne m’a pas donné le droit, ou même l’injonction, de ne pas l’être, gentille" (22). Mais le génie étant "l’issue qu’on invente dans les cas désespérés" (Sartre, Saint Genet, comédien et martyr, Gallimard, 1952, p. 645), Annie va s’efforcer elle-même de devenir autre, l’Autre, c’est-à-dire la déclassée par le haut, celle qui va quitter son milieu pour être agrégée de Lettres et écrivain : "L’autre fille, c’est moi, celle qui s’est enfuie loin d’eux, ailleurs" (p. 77).
Une fois encore, Annie Ernaux nous plonge dans les abîmes de l’entre-deux… pour notre plus grand vertige !

Pierre JOURDE, C’est la culture qu’on assassine

► Pierre Jourde, C’est la culture qu’on assassine, Balland, 2011, 288 pages, 18,90 €, ISBN : 978-2-35315-098-4.

"Nous pouvons nous élever au-dessus de la spécialisation et du philistinisme dans la mesure où nous apprenons à exercer notre goût librement" (Hannah ARENDT, La Crise de la culture, cité en exergue par l’auteur).

Ce livre regroupe en sept parties ("Les Médias", "L’Éducation", "L’Université et la Recherche", "La Politique culturelle", "Vie culturelle", "Livres et écrivains" et "Éthique et littérature") 44 chroniques parues pour la plupart en 2009-2010 sur un blog ("Confitures de culture") hébergé par le site du Nouvel Observateur, Bibliobs, dirigé par Grégoire Leménager.

 

Le constat de départ de l’écrivain-critique est sans appel : "Où est la culture ? Elle n’est, pour le grand public, pratiquement plus à l’école. Elle n’est pas dans les maisons de la culture, ni dans les bibliothèques, de moins en moins au cinéma. Pour la majorité de nos concitoyens, la culture, c’est la télévision" (p. 11-12). Mais qu’entend-il par "culture" ? "La vraie culture n’est pas quantitative, ni décorative. Elle modifie l’individu. Un grand bourgeois parisien qui collectionne les tableaux de maître et cite Debord dans les dîners en ville n’est pas cultivé s’il ne s’agit pour lui que d’un décorum social, et non d’un facteur de travail intérieur. Un métallurgiste du Creusot qui a profondément intégré la mémoire ouvrière, qui s’est construit avec l’éducation républicaine et le combat politique est plus cultivé que lui. Ce qui est dramatique, en ce sens, c’est la disparition de la culture populaire, au profit du divertissement de masse" (143-144).

 
Précisément parce qu’il défend cette conception exigeante de la culture et des auteurs comme Novarina, Cadiot, Chevillard ou le jeune poète Dickow, à l’enseigne du Judith et Holopherne de Gentileschi et sans hésiter à recourir à l’hyperbole (en plus du titre générique, des sous-titres comme "La Guerre contre l’esprit", "La Destruction de l’enseignement"…), Pierre Jourde s’attaque à la puissance molaire que constitue une culture de masse forgée aussi bien par l’industrie que par l’appareil technocratique, ne pouvant admettre l’entreprise actuelle qui vise à minorer la singularité critique et à pervertir tous les lieux de savoir, de réflexion libre et de créativité. Les cibles de son écriture satirique, ironique ou humoristique : la "déréalisation médiatique", l’anti-intellectualisme ambiant, la bien-pensance pseudo-moderniste… Dès lors que la doxa moderne l’a emporté, le problème est en effet que la subversion même a pu se transformer en conformisme : « l’étiquette "rebelle" ou "dérangeant" est devenue indispensable pour obtenir des subventions, exposer dans les musées d’art moderne, avoir un article dans les news culturels de référence" (29). On terminera par ce passage irrésistible dans lequel le malicieux essayiste se fait plus branché que le roi des branchés en traduisant en novlangue texto le célèbre "Parfum exotique" de Baudelaire :

"Kan lé deu zyeu fermé an in swar cho dotone
Je respir lodeur de ton sin chaleureu
"…

Daniel POZNER, La Danse

► Daniel Pozner, La Danse (vaudeville, vanité), Laon, La Porte [Yves Perrine, 215 rue Moïse Bodhuin 02000 Laon], mars 2011, 16 pages, abonnement : 6 numéros pour 18 €. [Sur LIBR-CRITIQUE, on lira sa dernière contribution, "Rien, dérobade", et la présentation de son dernier opuscule, Le Géographe est ailleurs].

Une catégorie : le flexueux.

La danse, antidote à la mort… La danse, celle d’un phrasé tout en caprices et zigzags, rebondissant de verbe en verbe, de terme en terme, de formes sauvages en formes sauvages, de répétition en répétition…

"Carpe diem et carpe farcie"…

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rédaction

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