[Texte] Daniel Cabanis, Un alibi

[Texte] Daniel Cabanis, Un alibi

octobre 27, 2014
in Category: créations, UNE
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[Texte] Daniel Cabanis, Un alibi

Merci à Daniel Cabanis pour cette fiction tangente au débat d’hier soir, "L’art n’est-il qu’un objet de luxe ?"

 

 

UN ALIBI

 

 

Certes j’ai la gueule du coupable idéal mais, voyez-vous, mon corps est innocent.

 

Le samedi 16 mars, en début d’après-midi, comme j’avais des projets de bricolage (les étagères du cagibi, en attente depuis plus d’un an), je suis allé au BHV pour acheter perceuse, vis et autres bricoles. Je pense que j’ai manqué de conviction car je n’ai rien acheté. Rue de Rivoli, je suis tombé sur Adam Lorgelay (un ami, écrivain et critique d’art) venu s’assurer que son dernier essai, L’Art en sommeil, était en bonne place au rayon librairie du BHV. On est allé voir ensemble. Le livre d’Adam ne s’y trouvait pas. Il en a été contrarié, et a réclamé sur un ton sec des explications à la responsable. Ah, elle a dit, ici cher monsieur L’Art en sommeil n’intéresse personne, les gens préfèrent l’art vivant, disons réveillé. J’ai trouvé assez piquante l’insolence de cette libraire, mais je ne m’en suis pas mêlé. Adam est resté coi, incapable de répliquer. Il était furieux. Je l’ai tiré par la manche et Allons boire un coup, j’ai dit. On a traîné au bistrot pendant deux heures et une dizaine de bières. Tu comprends, le marketing et la finance ont planté l’art, m’a dit Adam ; c’est un désastre, les artistes sont à poil maintenant. Et après ? j’ai dit (car pour moi, nus ou emmitouflés, qu’ils crèvent les artistes !). Adam a développé son point de vue. Tandis qu’il déblatérait, je pensais trous chevilles étagères ; je me reprochais d’avoir abandonné mon bricolage. Finalement il m’a proposé de faire un tour dans les galeries du Marais. On y est allé. Fatigant. Vers dix-neuf heures, on a échoué galerie Plon, dans le vernissage des Pastels récents de Jeg Falotta. Un artiste bidon, petit faiseur narcissique, m’a soufflé Adam, mais il est coté. Il y avait du monde en effet. Adam connaissait des gens et m’a planté là. J’en ai profité pour filer. Je suis retourné au BHV, au rayon livres. La libraire était encore là. J’ai demandé conseil, pour un roman. Elle a éludé, puis m’a vendu Fatrasie mineure. Oui, de la poésie ! Tout ça est vérifiable.

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rédaction

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