[Chronique] Jody Pou, <em><strong>Will</em></strong>, par Bruno Fern

[Chronique] Jody Pou, Will, par Bruno Fern

octobre 6, 2009
in Category: chroniques, UNE
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Jody Pou, Will, Les Petits matins, collection "Les grands soirs", octobre 2009, non paginé, 12 €

Bruno FERN

Si l’on en croit la présentation figurant en 4ème de couverture, cet ouvrage crée une langue lyrique, affirmation risquée tant la notion de lyrisme, critique ou pas, peut conduire à de multiples malentendus. Cela dit, J. Pou parvient indéniablement à illustrer ces propos d’Henri Deluy : "Il n’y a pas de poésie sans lyrisme, il y a peu de poésie aujourd’hui intéressante sans retenue face au lyrisme (revue Java, 1993) – et, effectivement, si la volonté (will) de lancer le texte est sensible dans toutes les dimensions qu’offrent l’anglais et le français utilisés en alternance, celle d’en mesurer les effets l’est autant, comme si ne pouvait s’effacer la conscience, intégrée à la rythmique de l’écriture elle-même, que chaque mot puisse être le dernier, will pouvant également signifier testament.

D’ailleurs la mort est omniprésente, de l’épidémie de peste noire aux soins à prodiguer aux mourants que nous sommes (dead but still alive), en passant par l’encre tirée d’une résine épaisse et noire comme le « sang » des momies in Egypt land let my people go. Au-delà (si je puis dire), Newton, l’un de ceux autour desquels gravite le livre, est qualifié de hewhowasbornisdead et, extrait du journal d’Anaïs Nin (un autre pivot), on peut lire : "Dans la guerre, on ne perd qu’une fois, on ne meurt qu’une fois ! Dans la vie que je mène (moi, Anaïs Nin), on meurt tant de fois !"

Dans cette condition aussi commune que le bégonia dont il est régulièrement question, que faire sinon tenter d’adopter les règles d’une vie saine ? Même si cela se fait without hope (mais non sans humour, comme on l’aura déjà remarqué), il n’y a guère d’autre alternative if the artist has chosen to avoid monotony, ce dernier mot rappelant d’autant plus la musique que J. Pou, dans le domaine dit contemporain, est non seulement interprète mais aussi compositrice (Jody+Pou), qualité dont elle fournit de nombreuses preuves ici.

En effet, multipliant les juxtapositions entre ce qu’elle a retenu de certaines œuvres (outre celles de Newton et Nin, celles du poète J. Keats et de M.E. Chevreul, chimiste connu des peintres pour sa loi du contraste simultané des couleurs) et des éléments issus des horizons les plus divers (dont quelques-uns à teneur apparemment autobiographique), elle a cuisiné – on the kitchen table – une suite de pièces que des reprises subtilement décalées relient entre elles.

Ainsi l’acte d’écrire apparaît-il comme l’un des antidotes privilégiés qui permettrait de moins mourir et dont l’ingrédient majeur – et attendu – est le désir, notamment évoqué à partir des théories de Chevreul (The universal will of chromatic harmony must depend upon implicit or subconscious desire. (…) Desire, from L. desiderare « long for, wish for », original sense perhaps “await what the stars will bring) et dans sa composante amoureuse, évidemment centrée autour de la figure insatiable d’A. Nin déclarant qu’elle ne devrait se nourrir que de sperme.

Au passage, l’auteur opère des glissements significatifs quant à sa démarche : "(Anaïs Nin wrote err-otic from O. Fr. errer, from L. errare « wander, go astray, be in error » literature. (…) Anaïs Nin wrote wandering literature. Anaïs Nin wrote literature that went astray. Anaïs Nin wrote erroneous literature") puisque, à travers le frottement des langues, c’est bien une forme ouverte qui est visée (et atteinte), une armature à la fois précise et souple, se débordant elle-même et constituant un apprentissage sans fin par définition : méthode thérapeutique : learning the I, for him et il.

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rédaction

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