[Livre] Jean-Claude Montel, Se tenir là, par Jean-Paul Gavard-Perret

[Livre] Jean-Claude Montel, Se tenir là, par Jean-Paul Gavard-Perret

décembre 9, 2013
in Category: Livres reçus, UNE
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[Livre] Jean-Claude Montel, Se tenir là, par Jean-Paul Gavard-Perret

Érotisme, tauromachie et poésie… Suivez Jean-Paul Gavard-Perret !

 

Jean-Claude Montel, Se tenir là, encres de Jean-Paul Héraud, éditions Passage d’encres, Guern, 2013, 12 €.

 

Toucher un taureau comme se faire toucher par une femme n’est pas saisir et encore moins posséder : telle est la leçon aussi ironique que sérieuse proposée par Jean Montel en « repons » aux encres de Jean-Paul Héraud. Le peintre travaille à l’encre les traces d’un bestiaire tauromachique  (mais pas seulement) qu’il envoie à l’auteur sous forme de correspondance. Ce dernier  les reprend sous formes de « foirades » (écrit-il en probable hommage à Beckett) au moment où tout se défait et au moment où le pyjama d’hôpital remplace le frac de jadis.

 

Néanmoins par les vestiges « griffonnés » d’Héraud, l’écrivain retrouve des états naissants qui procèdent de la caresse et de la pression. Entre l’écrivain et l’espace – au moment où la bouillonnante Garonne est remplacée par le triste lac de Vincennes – surgissent les encres de l’artiste et leur animalité. Celui qui se dit accompagné d’une « berceuse idiote, dans la durée avec du temps à rompre dedans l’œil vide », trouve dans ces dessins de quoi le remplir et fantasmer tant que faire se peu. Il y aura donc là la femme masturbatrice de Minotaure mais aussi un canard au cou coupé. Ce n’est pas trop pour un seul homme. Son écriture devient le porte-empreinte des dessins d’un artiste qui y  sculpte lui aussi le champ de fouille du destin, celui du temps qui ravine.

L’écriture de Montel en devient la chair, « la » geste et la "lecture" tactile. La peau disparue sous l’image et le temps revient par effet de frottage. Texte et image procèdent de dynamique mutuelle : ce qu’Héraud envoie à l’auteur le reprend en vue d’un développement géométrique. Le texte permet de  visualiser des circonvolutions implicites de paysages intérieurs et d’antan aux empreintes organiques jusqu’à former un immense oignon où se superposent les gangues d’Héraud et leurs métamorphoses poétiques. Bref il y a l’espace et le temps dans l’assomption du sensible.

Montel choisir d’être à nouveau homme désirant plus qu’esprit. Le sexe est  clair et opaque. ». Et celui qui avait effacé le genre humain de son panorama se voit « en bouffon coprophage en sabots devant vos goules et couilles de toro dans la bouche d’Hélène hilare en souvenir d’une corrida avec une fleur de sperme blanc à la braguette ». Les mots s’inscrivent dans « l’avènement du sperme, son origine, son issue ».  Ils vibrent dans la forêt des lignes et fuguent en courbes noires et en pluie d’étoiles.

Le texte trahit le silence des images. Il ne craint plus la brûlure qui les creuse d’un magma d’encre entre ciel plein et plomb du monde dans la charnière des vents. L’auteur se fait aussi voyageur, il grimpe après ses paumes même si désormais à midi chaque jour retombe sur le sol en  écoutant vieillir la poussière et le rose. Que faut-il y voir sinon la source du langage là où Héraud  invente des plages de silence pour que Montel dise ce qu’elles cachent.

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rédaction

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