[Chronique - news] Hypothèses sur la peinture (Gérard Garouste à la Fondation Maeght), par Jean-Paul Gavard-Perret

[Chronique – news] Hypothèses sur la peinture (Gérard Garouste à la Fondation Maeght), par Jean-Paul Gavard-Perret

juin 11, 2015
in Category: chroniques, News, UNE
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[Chronique – news] Hypothèses sur la peinture (Gérard Garouste à la Fondation Maeght), par Jean-Paul Gavard-Perret

 

Gérard Garouste, « En chemin », 27 juin – 29 novembre 2015, Fondation Maeght, Saint Paul de Vence.

 

 

Les questions de théorie esthétique ne sont  pas au centre des préoccupations de Gérard Garouste. La réussite non plus, même si elle n’est pas anecdotique pour le face à face à distance avec le père biologique comme avec ceux qui tiennent les registres de la loi artistique. On comprend mieux dans l’exposition Maeght ce qui dans la peinture de l’artiste pourrait sembler un laisser-aller ou un désordre apparent.  La « logique circulaire » de l’œuvre prend sa source dans la nécessité de se sauver presque confusément par la volonté de peindre jusqu’à l’épuisement afin de remonter une pente existentielle dont Garouste se sentit l’héritier honteux

 

Le travail du peintre, à l’origine, fut  élaboré, d’une part par le besoin quasi inconscient de dessiner contre la « parole » paternelle, et d’autre part à travers la recherche consciente de « preuves » d’actes quasi insoupçonnables qui empêchèrent de vivre non celui qui les a commis mais son descendant. Le fils – « enjuivé » selon son père – découvrit par sa propre enquête les crimes de ce dernier, comme il découvrit le caviardage de l’existence d’une arrière-grand-mère aux mœurs trop libres par une famille bourgeoise aux mœurs si honorables… Voilà pour les bas-fonds.

 

Quant aux conséquences, elles sont parfois dramatiques. Il y a l’œuvre, bien sûr, mais éclate chez l’artiste lors de la naissance de son premier fils la première d’une série de crises de délires et d’hallucinations. Elles aussi permettent de mieux comprendre l’imagerie développée par Garouste lorsque les crises s’éloignent et qu’il peut à nouveau peindre. Dans cette création, l’hébreu (que le peintre apprend méthodiquement) n’est pas pour rien. De Aleph à Lamed, de la première à la dernière lettre de son alphabet, ses toiles deviennent une manière de relire, reprendre, défaire les noeuds des images pour qu‘en suinte plus un « j’étais » qu’un  « je serai ».

 

Ce « je » jaillit comme une vague de fond qui rameute –  à la manière des toiles du peintre – des images « éclaboussantes ». La peinture de l’artiste les voit, les touche, il se rapproche toujours au plus près d’elles dans sa manière de créer pour voir ce qui  passe et ce qui ne passera jamais.  Il rampe jusqu’à elle. Se redresse. Se bat. Il est plus nu que nu en ce brasier d’images. Avec son histoire  en elles et l’Histoire d’elles – mais pas seulement –  en lui.  Peu à peu Garouste n’en meurt plus : il était mort avant.  Peut-on parler pour autant de re-naissance ? En partie seulement, car chacune de ses toiles ramène le créateur à son abyme pour se perdre dedans.  Il en reste le gisant brûlé, incandescent.

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rédaction

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