Avec ces deux livraisons, nous terminons la publication d’une série de textes variés      d’Emmanuel Régniez.  Entre work in progress et projets déjà bien      établis. Nous le remercions pour la confiance accordée à Libr-critique. 
Emmanuel Régniez, né en 1971 à Paris, a habité Paris, Lyon, Tours, Lille, Tokyo, et maintenant Bruxelles.  Il a publié L’ABC du Gothique, au Quartanier, en 2012. Et Notre Château, au Tripode, en 2016. [Lire 9 & 10]
 Des  formes courtes et intenses, l’esprit d’ironie     mêlée à un  questionnement sur la trace du souvenir dans la     reconfiguration  d’une filiation imaginaire. De la position infiltrante     de flibusterie  sociale et critique à la figuration de     mouvements internes plus  intimes, dans ces mouvements de vérité sur     l’identité, de troubles  instillés et copulation sémantique entre     fantasme et fantôme, le  frottement des âges et des générations, le     sentiment d’enfance et  son inscription mnésique, la visée pulsionnelle     remaniée, la réalité  en ces modulations obturées ( le jeu de volets,     paupières),  conférant une gradation fine à la langue déployée, nous     plaçant dans  ces jeux de mentir vrai, les yeux grands ouverts     dans  l’incapacité de donner date à cette épreuve du sentiment, dans      l’incapacité d’en saisir toute la logique profonde, de ces mondes de      mondes, que l’auteur définit monde à soi,  à saisir comme      autant de formes de formes, passant d’un décompte impossible et      vertigineux du comment cela a commencé au plan de l’idée, microbienne  saloperie,       à la reconnaissance de la chose, non chosifiée et fixiste, mais   dans    sa dimension de flux, de constellation à y greffer du possible,   de «     mer » , des corps dans le déploiement du désir, de cette   puissance  qui   écoute et rassure dans sa disparition même, une cause   pratique de  nos   logiques de mondes, toujours, de mondes à soi.   /Sébastien Ecorce/
Des  formes courtes et intenses, l’esprit d’ironie     mêlée à un  questionnement sur la trace du souvenir dans la     reconfiguration  d’une filiation imaginaire. De la position infiltrante     de flibusterie  sociale et critique à la figuration de     mouvements internes plus  intimes, dans ces mouvements de vérité sur     l’identité, de troubles  instillés et copulation sémantique entre     fantasme et fantôme, le  frottement des âges et des générations, le     sentiment d’enfance et  son inscription mnésique, la visée pulsionnelle     remaniée, la réalité  en ces modulations obturées ( le jeu de volets,     paupières),  conférant une gradation fine à la langue déployée, nous     plaçant dans  ces jeux de mentir vrai, les yeux grands ouverts     dans  l’incapacité de donner date à cette épreuve du sentiment, dans      l’incapacité d’en saisir toute la logique profonde, de ces mondes de      mondes, que l’auteur définit monde à soi,  à saisir comme      autant de formes de formes, passant d’un décompte impossible et      vertigineux du comment cela a commencé au plan de l’idée, microbienne  saloperie,       à la reconnaissance de la chose, non chosifiée et fixiste, mais   dans    sa dimension de flux, de constellation à y greffer du possible,   de «     mer » , des corps dans le déploiement du désir, de cette   puissance  qui   écoute et rassure dans sa disparition même, une cause   pratique de  nos   logiques de mondes, toujours, de mondes à soi.   /Sébastien Ecorce/
-XI-
Car la mer, c’est ça. C’est toujours ça. Des filets à crevettes. Un train-jouet. Des pantalons de flanelle. Des parasols. Des marchands de glaces. Des marchands de souvenirs. Des bistrots. Du vin blanc. Des huîtres. Un monde. C’est ça, la mer. Un monde où rien de grave ne peut advenir. Un monde sucré. Un monde tout doux. C’est ça la mer. La mer, c’est ça. Des odeurs. Des lumières. Des lumières. Des odeurs. C’est ça, la mer. Des cris et des jeux. Des baignades. Du sable partout. Des maillots trop grands qui glissent. Des maillots trop petits qui serrent. Des jeux idiots qui occupent pendant des heures. Du soleil. À devenir rouge. Rouge comme une écrevisse. C’est ça, la mer. Des corps étendus. Les uns à côté des autres. Des filles jolies. Des filles moins jolies. Des garçons jolis. Des garçons moins jolis. C’est ça, la mer. Toujours la mer. Recommencée ou non. La mer, c’est ça. Des parties de volley. Des parties de foot à trois. Des parties à deux. Ou à trois. Le soir. La mer. Le soir. Avec un feu. Des bières. Du vin blanc. Et des rires. Encore des rires. Et des filles jolies et des garçons jolis. La mer, c’est ça. Un souvenir. Des souvenirs. Ce n’est pas ça la mer. Ce n’est pas que ça. Mais ce sont des souvenirs. Car la mer, c’est ça. Un monde artificiel. Pas sérieux. Jamais sérieux. Où rien de grave ne peut jamais advenir.
-XII-
Il tire machinalement de sa poche, comme chaque jour à la même heure, son paquet de cigarettes. Il le pose sur la table ronde marbrée à côté du verre de bière. Il pousse un peu son verre en avant, tâte les poches de sa veste à la recherche de son briquet. Lentement, il tire une bouffée de cigarette. Il surprend le coup d’œil d’intelligence qu’échangent les joueurs de cartes. Il sait. La même scène se répète depuis des années. Il pousse un profond soupir. Se renverse en arrière. Ferme à demi les yeux et regarde la fumée monter. Il reste comme ça pendant une heure. Sans bouger. Ou presque. Juste quelques mouvements pour boire la bière. Une heure pendant laquelle il se laisse aller. Laisse aller ses pensées. Je vous dois ? Il pose un billet sur le comptoir. Gardez tout. C’est la dernière fois que je viens. Adieu donc. Et tranquillement, il prend sa place dans la foule qui coule le long du trottoir. On le regarde partir. On espère qu’il va se retourner. Mais il ne se retourne pas. Il disparaît dans une rue transversale.
![[Texte] Emmanuel Régniez, Séries (11 et 12)](http://www.t-pas-net.com/libr-critique/wp-content/uploads/2016/05/PlageBackG.jpg) 
	
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