[Chronique] Pour une littérature de combat : Christophe Fiat, <strong><em>Stephen King forever</strong></em>

[Chronique] Pour une littérature de combat : Christophe Fiat, Stephen King forever

novembre 20, 2008
in Category: chroniques, UNE
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   Christophe Fiat, Stephen King forever, Seuil, coll. "Déplacements", 2008, 174 pages, 16 €, ISBN : 978-2-02-097960-3.
Après la présentation du livre dès sa sortie fin octobre et avant l’entretien que l’auteur nous a accordé, découvrons de plus près cette mytho(bio)graphie critique qui est aussi un manifeste pour une performaction et un réquisitoire contre la littérature française.

"Faites de la poésie à grande échelle ! Soyez épiques !" (p. 89)

D’aucuns verront dans le titre une provocante oxymore… Mais, vu que l’ouvrage prend place dans la collection dirigée par François Bon, il faut y regarder à deux fois : l’auteur de plusieurs épopées que j’appellerai narranalytiques (entre autres, Épopée, une aventure de Batman, Héroïnes…) n’a de cesse que de déplacer les frontières formelles, topiques et génériques. C’est ainsi que ce titre, Stephen King forever, ouvre les arcanes d’un véritable labyrinthe réflexif : il réfracte – plus qu’il ne reflète – des questions aussi cruciales que les complexes relations entre humain et inhumain, normal et anormal, horrible et homo mediocris, littérature et cinéma, culture officielle et culture populaire, engagement et résistance, littérature française et littérature américaine… sans oublier la situation politique et économique de l’occident, la condition actuelle de l’écrivain…

Un manifeste pour une littérature de combat : la performaction

"L’écrivain est celui par qui la résistance et le combat sont possibles. Il est le protagoniste, c’est-à-dire celui qui prend le parti d’une action risquée dont la figure de l’anthropologue est la limite" (p. 24)

Le point de départ de celui pour qui l’épopée est le modèle littéraire par excellence est un double constat. D’une part, la littérature française est en perte de référence, comme on dit en perte de vitesse (en "perte d’objet", comme on disait dans les années trente). D’autre part, qu’en est-il de la littérature aujourd’hui, qui ne peut faire le poids face à la dimension épique du cinéma ? Qu’en est-il de l’écrivain actuel, qui ne peut faire le poids face à cette figure légendaire qu’est le rocker : "pourquoi parle-t-on de guitar hero […] et pourquoi on ne parle jamais de writer hero ou de poet hero ?" (111).

Si Christophe Fiat rejoint, entre autres, Jean-Claude Pinson sur l’urgence qu’il y a à entreprendre une resymbolisation éthique et politique de la littérature, ce n’est plus pour habiter le monde, mais pour avoir "prise sur le monde". Ainsi, de Sartre, il retient la nécessité de (re)faire de la littérature une praxis et, via Jaspers, de pratiquer une littérature des "situations limites" (p. 24). De Heidsieck, l’impératif de quitter l’espace de la page blanche pour réintégrer la Société sous la forme de performances qui agissent immédiatement sur les auditeurs-spectateurs (poésie-action). Dans cette perspective, l’art redevient "une arme capable de faire de la désillusion, le premier stade d’une transformation de l’homme en aventurier" ("Du performatif à la performance"), et par là même l’écrivain-performeur est en mesure de se différencier radicalement du professeur et de l’auteur-producteur. Car "une arme contrairement à un outil peut toujours se retourner contre son auteur (ce qui se traduit par le suicide ou la folie), mais aussi bien contre celui qui transmet (institutionnalisation de l’oeuvre)" (p. 9).

Le poète-performeur n’hésite pas à dresser un parallèle entre trois modes de résistance proposés par trois écrivains aussi différents que Guy Debord, William S. Burroughs et Stephen King : si le premier propose la perpétuelle et critique invention formelle contre l’annexion par/dans la société du spectacle, le second vise le brouillage du bruit dominant par des montages sonores ; quant au dernier, ne s’adressant pas à un public cultivé, il opte pour la subversion du libéralisme multiculturaliste par une pratique pop (fun) selon laquelle l’écriture rejoint la dynamique frivole de la chanson – ce à quoi ne peut qu’adhérer l’auteur de La Ritournelle. Une antithéorie (Léo Scheer, 2002).

Si, donc, la figure de l’écrivain ne fait plus le poids, qu’à cela ne tienne : qu’au moins il devienne "l’antihéros non pas du destin de l’humanité, mais de la culture envisagée comme champ d’expériences existentielles" (22). Reste que, de voleur de feu l’écrivain passe au statut de joueur-de-feu, position des plus inconfortables tant il en est qui se brûlent aux feux de la rampe spectaculaire – sans compter tous ceux qui, faisant de nécessité vertu, sont passés maîtres dans l’art de cracher du feu sur commande…

Une mytho(bio)graphie critique

Précisons d’emblée que la parution d’un livre en français sur Stephen King n’a rien de bien exceptionnel : depuis le Stephen King. Hantise de l’écrivain de Philippe Hemsen (Presses du Septentrion, 1997) jusqu’au tout récent colloque de Cerisy, la chose est loin d’être rare.

Mais celui de Christophe Fiat a ceci de particulier qu’il traite le sujet (le matériau) "Stephen King" comme une épopée singulière : celle que constitue non pas tant le récit d’une vie extraordinaire que la généalogie d’une construction symbolique. Celle d’un joueur de guitare rock que le cinéma va ériger en star mondiale. D’un personnage ambivalent : Stephen King est aussi Richard Bachman, et Stephen King "sait que son double est son monstre ou son loup-garou ou son zombie ou son envahisseur de l’espace, en plus d’être l’incarnation de son radicalisme d’étudiant" (60).

Outre les différents entre-deux qui caractérisent l’homme – patronyme/pseudonyme, propre/figuré (Stephen devient bel et bien "King") – comme la réception de l’oeuvre ("popularité authentique"/"popularité vulgaire"), cette mytho(bio)graphie critique interroge le devenir-gore comme le devenir-porno de notre société, et en particulier les "légendes urbaines" made in USA : "aux États-Unis il est facile de conduire le monde à la catastrophe parce que la société américaine est fascinée par le meurtre et la violence qui rappellent aux Américains l’installation turbulente des premiers colons dans le Nouveau Monde" (79). Pour rendre compte des mythologies – au sens où l’entend Barthes de systèmes de communication qui, visant la captation immédiate de significations sociales par la création de formes, se dépassent en systèmes factuels -, de ce jeu de miroirs que constituent les représentations sociales, Christophe Fiat recourt au montage syncopé qui met à distance l’illusion rétrospective, multipliant les artifices de (pseudo-)logique narrative ("alors", "puis", etc.), combinant savant et trivial, narratif et analytique… Comme dans cet extrait qui transpose littérairement une scène filmée :
"On est dans une spirale. Le présent se dilate. On est perdu. Des plans lointains alternent avec des plans rapprochés sous un éclairage qui illumine uniquement une place déserte, de sorte qu’une ville imaginaire sera encore plongée dans l’obscurité totale pour être simplement devinée. Qu’est-ce qu’on devine ? Et puis l’attente qui nous fait confondre l’effet et les causes" (88).
Sans doute est-il possible de résumer ainsi un tel projet : de l’écriture frivolement ritournellisée pour rendre compte d’un univers aussi obsédant qu’obsessionnel… Et, malgré qu’on en ait, on se laisse séduire…

Un réquisitoire contre la littérature française

Cependant, le charme est rompu par l’épilogue, dans lequel Christophe Fiat adopte la posture de l’écrivain libéral qui a du métier contre l’écrivain subventionné qui s’arc-boute à sa vocation. Avec pour fil rouge une vedette américaine consciente qu’elle "fait du roman alimentaire et sans prétention" (46), l’auteur s’interroge à juste titre sur le statut de la "paralittérature" et la condition de l’écrivain en France – patrie de l’exception culturelle ! -, sur la sacralisation du patrimoine français, sur la sclérose d’un milieu poétique marqué par la spectacularisation et la célébration de la poésie… Mais ce faisant tombe dans l’excès :
"la littérature française que les Français aiment est tellement ennuyeuse ou morne ou fade que c’est normal qu’ils soient tant fascinés par les écrivains américains qui apparaissent comme des aventuriers qui veulent toujours se libérer de quelque chose" (137).
"on reconnaît une soirée de poésie française à ces larsens, coupures de son, câbles mal plugués, sans parler des poètes qui toussent dans les micros" (141)…
Et d’établir une opposition entre littérature américaine et littérature française qui repose sur une série d’antinomies : ouverture au monde social versus nombrilisme, "économie de la vie" vs art pur, action vs réflexion, pragmatisme vs idéalisme, fun (humour, détachement) vs prétention, littérature populaire épique vs littérature élitiste, narratif vs souci formel… Comment expliquer qu’un écrivain aussi confirmé que Christophe Fiat en vienne à relayer la doxa du milieu médiatico-éditorial ? Sans doute en partie par un effet générationnel : parmi les vidéastes et performeurs français, une bonne partie des trentenaires et quadragénaires vouent un culte à la culture anglo-saxonne.

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Fabrice Thumerel

Critique et chercheur international spécialisé dans le contemporain (littérature et sciences humaines).

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23 comments

  1. christophe fiat

    Cette critique de STEPHEN KING FOREVER, Fabrice, est ambitieuse et les concepts que tu mobilises sont de bien puissantes idées. Cependant, je ne comprends pas la conclusion de l’article : « Comment expliquer qu’un écrivain aussi confirmé que Christophe Fiat en vienne à relayer la doxa du milieu médiatico-éditorial ? » Peux-tu m’éclairer ? C’est quoi ce milieu ? Pourquoi ce livre est-il concerné par ça ?

    CF.

  2. Fabrice Thumerel (author)

    J’ai en effet lu ton livre avec beaucoup d’intérêt, mais j’ai été surpris par ton long épilogue : on y retrouve sans assez de précaution réflexive la doxa véhiculée par les éditeurs et médias dominants = la littérature américaine est moins cérébrale, moins intello, moins nombriliste, plus attractive parce que plus narrative, épique…
    Le problème est que tu demeures dans l’assertion, faisant l’économie d’une véritable analyse qui s’appuie sur des exemples précis…
    Mais sans doute nous éclaireras-tu dans notre entretien !
    L’important, c’est que tu aies ouvert un débat crucial – auquel sont invités à participer tous nos LIBR-LECTEURS (qui, je l’espère, auront lu le livre !)…

  3. christophe fiat

    Fabrice, dans ta critique, tu n’abordes pas la question de l’autobiographie. La dernière partie de STEPHEN KING FOREVER qui s’intitule « Epilogue. Budapest, chambre 208 » me semble clairement autobiographique : un écrivain non pas confirmé – comme tu le dis – mais « invité » à l’occasion d’une lecture publique ( p 125) passe quelques jours à Budapest, en Hongrie et réfléchit, à cette occasion, à un livre sur Stephen King, lequel livre vient d’être lu par le lecteur.

    Je comprends que tu n’abordes pas la question de l’autobiographie et du roman par convictions ou choix. Mais il est difficile, partant de ce constat, de débattre du lien littérature américaine/littérature française. Je ne l’évoque pas du point de vue de St Germain des Prés, mais du point de vue de « la Mitteleuropa » (p 130), quand on sait quel rôle els américains ont joué pendant la guerre en Ex Yougoslavie, par exemple.
    Ainsi, je ne vois pas quel débat crucial on peut ouvrir si tu ne reconnais pas à ce livre une dimension ou un contexte romanesque, ne serait-ce que sous la forme d’un décrochage narratif.

    Tu oublies par ailleurs que je ne suis pas critique, ni polémiste, ni journaliste, ni chercheur (et encore moins comme tu le dis « poète performeur » !) mais seulement écrivain.

    Voilà, je pense que le critique est libre de mettre en place les concepts qui lui semblent les plus pertinents quant à l’interprétation d’un livre. Mais à l’inverse, l’auteur du livre ne peut pas aborder certaines questions que pose la critique hors de leurs contextes littéraires. Pour finir, je ne suis pas non plus un intellectuel.

    Mais peut-être que Philippe Boisnard qui a lu le livre peut nous aider à y voir plus clair et que Charles Pennequin peut aussi nous éclairer. En effet, son livre « Pas de tombeau sur Mesrine » aborde cette question de l’autobiographie dès les premières pages, quand l’auteur explique ses démêlées avec l’édition et sa recherche de la tombe du l’ennemi public numéro 1.

    Si je précise cela, c’est pour permettre aux LIBR-LECTEURS auxquels tu fais allusion, de disposer de plus d’éléments.

    CF

  4. Y J

    « on reconnaît une soirée de poésie française à ces larsens, coupures de son, câbles mal plugués, sans parler des poètes qui toussent dans les micros »
    Il vaudrait mieux dire :  » on reconnaît une soirée de poésie française où les dits poètes jouent la carte de la modernité ( ou postmodernité ou actualité ou ce qu’on voudra ) car c’est oublier qu’en France, la plupart des soirées sont du type lecture de poésie versifiée tendance Hugo au mieux. Cela dit ce n’est quand même pas l’utilisation de la technologie qui pose problème dans les soirées où l’avant-garde se jouerait mais bien l’utilisation qu’on en fait. 2 travers peuvent apparaître dans ce type de soirées : Le premier c’est que la technologie masque un appauvrissement non maîtrisé du questionnement de la matière verbale. D’où les morceaux entiers faits de borborygmes et de souffle dans lesquels la progression, le parcours est au mieux musical et intensif. La poésie asémantique ne serait-elle pas tout simplement de la musique ? Le fait de se dire poète suffit-il à transférer l’objet fabriqué dans la case du même nom ? Et dans ce premier cas, il faut bien reconnaître que certains compositeurs sont allés bien plus loin que n’importe quel créateur de poésie sonore a-sémantique. Il n’est qu’à écouter la messe de Liverpool de Pierre Henry, Anticredos de Travis Wishart, Hommage à Joyce de Luciano Berio, par exemple. ( On pourra me rétorquer que dans la poésie sonore, c’est sa propre voix que l’artiste manipule, qu’il n’ y a pas d’interprète, disons Phil Minton ) Sans parler de borborygmes cette fois, on pourra aussi déceler, sous certaines pratiques, une utilisation de la technologie comme moyen d’évacuer la question du texte non pas totalemnt comme c’était le cas au-dessus mais partiellement. Le texte devient alors un support parmi d’autres, mais ce support lui-même peut être analysé comme texte et ne rendre compte, quand il est seul, d’aucun effort au style, d’aucun questionnement sur la place du texte par rapport au reste ( visuel, musical…) En gros, je prends un texte vite torché, un texte quelconque et je le coupe, je le triture, je le mets dans un processus de gonflement sonore. Ce texte, lu isolément, peut s’avérer pire que ceux qu’un écrivain classique mais rigoureux pourrait commettre. Heureusement, il est habillé. Par exemple, Bernard Noel ( je ne sais pas s’il est classique ) m’apparaît beaucoup plus moderne que Julien Blaine.
    Le deuxième travers c’est l’utilisation de la technologie elle-même liée à la question de la réception. Tout d’abord il est difficile d’accéder aux machines. Machines pour enregistrer et machines pour diffuser. Cela coûte cher ( compter 3000 euros pour un petit home studio ) Pire que le prix il y a l’initiation aux machines. Tout le monde n’a pas la capacité de se farcir tous les modes d’emploi en anglais. Il y a encore l’apprentissage musical. Le poète n’a pas d’école ( beaux-arts ou conservatoire ). Il doit se débrouiller seul ou s’introduire dans des écoles qui sont peu dédiées à ce qu’il fait réellement. Au conservatoire, par exemple on vous parlera d’Aperghis. ( Le territoire le moins mal approprié à la poésie sonore me semble être celui de l’acousmatique, oui mais voilà la plupart des conservatoires réclament bêtement un bagage d’instrumentiste )
    Si on reconnaît un type de soirée de poésie française à ces larsens ou toussotements, personnellement je ne vois pas le problème du moment qu’il y a quelque chose à entendre dans l’utilisation et l’agencement de ce matériau humain sonore.

  5. charles

    Je n’ai pour ma part rien à dire, car je n’ai pas encore lu le livre ! c’est bien de rectifier en précisant qu’il s’agit aussi d’un livre autobiographique, car effectivement je pensais plus à un essai de ta part. Mais vous allez avoir un échange, c’est ça ? il va y avoir une discussion quelque part ou c’est juste un échange de commentaire ? J’étais pour ma part un peu dérangé par rapport à ce qui est dit des poètes français, des lectures des poètes qui toussent dans les micros, car j’avais l’impression d’un acharnement sur un cadavre (qui existe certe, est encore en vie ce cadavre, mais le modèle slam – provenant d’ailleurs des US de maintenant – a tellement le vent en poupe que je me demande s’il ne fallait pas, non regretter ces pauvres poètes avec leur verre d’eau et leur larsen mais tout au moins s’interroger sur la dimension spectaculaire de la poésie qui n’a rien remis en cause dans la création pure, sauf le fait de faire rentrer dans les chemins balisés certaines pratiques – performances et lectures)
    En France on tente de minorer ce fait
    déjà par le mépris
    Qu’est-ce qui est en fait pour toi, Christophe, important aujourd’hui de faire
    dans la performance par exemple
    quand on sait que tu es allé à Avignon présenter un travail
    Je veux dire, présenter une performance dans le lieu du théâtre
    je ne critique pas, je pose une question, car je réfléchis à la question du théâtre en tant que tel, et je sais que la performance est allée au théâtre et non forcément l’inverse, que ceux qui « perturbent » un tant soit peu le théâtre aujourd’hui en France, (pour parler de la France, pardon!) c’est par ex Grands magasins.
    Donc, des gens de la perf, des beaux-arts, de la danse, qui invsestissent le théâtre
    mais ils s’accaparent ces gens-là le langage du théâtre et aussi tout ce que représente le théâtre, ils le traversent, l’interrogent peut-être, mais en tout cas ne le modifient pas, ils rentrent dans son moule plus exactement. C’est-à-dire qu’il y a toujours des gens assis, des spectateurs, une scène, des gens au-dessus, des lumières, et aussi des partitions, des jeux de scène, des textes à apprendre etc;
    comment tu vois la chose toi, vu que tu as « affronté » ces lieux?

  6. christophe fiat

    La citation qui vous pose problème à partir des soirées poésies est complètement sortie de son contexte. En effet, à la fin du livre, l’écrivain en question dit, après la soirée de poésie à laquelle il a assisté, qu’il a vu dans la même journée « Le musée de la terreur » de Budapest et que son jugement est peut-être altéré… Ceci dit cela participe aussi d’une auto-critique justement par le biais de l’autobiographie. Je connais ces soirées pour en avoir été surtout avec la complicité de Laurent Cauwet.

    Ceci dit, je suis d’accord avec toi, YJ, peu importe les éléments perturbateurs et les parasites techniques lors d’une performance s’ils font partie de la proposition. Ce qui s’appelle le Low-Fi, à ma connaissance. Et d’une certaine manière, peu importe le recours à la technologie si le talent suit c’est à dire si une forme en émerge.

    Charles, si tu n’as pas lu le livre, l’échange est un peu limité (tu sais l’intérêt que je porte à « Pas de tombeau pour Mesrine », je te l’ai dis et écrit). Ceci dit, concernant le fait de montrer son travail dans tel ou tel lieu (théâtre, danse, art contemporain, poésie sonore….), tout dépend de la vision que tu as de ton art. C’est comme choisir tel éditeur plutôt qu’un autre. Par exemple, pourquoi publies-tu certains livres chez Al Dante et d’autres chez POL et d’autres chez des éditeurs plus confidentiels ? Je n’attends pas une réponse de ta part. C’est juste pour que tu mesure bien l’enjeu.

    Au bout, du compte, ce qui importe c’est que tes livres soient les tiens et soient à l’endroit où tu seras le mieux compris.

    En ce qui me concerne que ce soit LA JEUNE FILLE À LA BOMBE ou STEPHEN KING STORIES à Avignon en 2007 ou ESCAPE, SUR JOHN CARPENTER dans un festival à Pontcroix en 2006, mon travail reste le même. Je n’ai jamais eu l’impression « d’affronter » comme tu le dis, des lieux. Ce que j’affronte c’est mon travail au moment de la première.

    C’est bizarre l’idée que tu te fais du théâtre comme lieu pris d’assaut par des artistes qui viennent de tout bord. Développe davantage à l’occasion…

    En tout cas, concernant la question de la scène et de savoir s’il vaut mieux que le public reste face à l’artiste ou participe de la scène ou qu’il puisse même monter sur scène, tout cela est possible qui se négocie selon des principes artistiques.
    Pour ma part, comme je travaille sur une esthétique rock et épique, que le public me regarde assis ou debout ne me gêne pas. Bien au contraire c’est de cela dont je parle aussi dans mon travail de scène, de cette captation de l’attention qui se fait toujours à notre insu, d’où pour moi l’intérêt d’y mettre des éléments critiques.

    Le plus important est de savoir si la scène est pour les écrivains, un divertissement, une animation ou un art et s’il est un art est-il majeur ou mineur ? Le plus important, c’est que les écrivains le sachent eux-mêmes, entendu que leur art premier, c’est quand même d’écrire des livres. Par exemple, si dans STEPHEN KING FOREVER, j’ai mis à la fin du livre, une biblio accompagnée d’une sélection de performances, c’est parce que je pense que mes performances sont aussi importantes que mes livres et vice versa et que j’assume cette schizophrénie.

    YJ, si tu as le temps de lire ce livre, regarde attentivement le prologue intitulé « Le théâtre des opérations de la littérature avec Guy Debord, William Burroughs et Stephen King ». Ce que je dis de la performance et de son lien avec la littérature te permettra de mieux comprendre la citation qu’en a extrait Fabrice à propos des soirées poésie. J’y développe un concept qui me semble important aujourd’hui, concept que je trimballe depuis un moment qui est qu’en littérature, la langue est une arme et non un outil.

    Je pense que ça t’intéressera aussi, Charles, même si l’aspect théorique de ce premier chapitre te fera certainement grogner.

    CF

  7. christophe fiat

    SLAM. Quant au slam, Charles, c’est aux poètes de faire en sorte qu’il n’y ait pas de confusion entre eux et les slamers. Mais on ne peut pas en vouloir aux slamers d’être ce qu’ils sont et encore moins au public de croire que le slam, c’est de la poésie. Que les poètes s’expliquent et soient clairs dans leurs propositions et qu’ils ne négligent rien. Personnellement, tous les slamers que j’ai rencontrés savent très bien qu’ils ne font pas de la poésie et ils sont contents de rencontrer des écrivains.

  8. charles

    la théorie ne me fait pas grogner, je la lis, je lis que ça bien souvent, contrairement à ce qu’on pourrait penser, mais je vais lire ton livre, qui n’est pas un livre théorique à ce que j’ai cru comprendre et ce que j’en ai lu sur internet…

  9. Fabrice Thumerel (author)

    * Christophe : Merci pour ces précisions qui effectivement éclairent le débat. Et, encore une fois, j’ai recommandé et recommande ton livre à nos LIBR-LECTEURS, aux amis lettrés, aux étudiants, etc. : pour la simple raison que, comme j’espère l’avoir montré, tu poses les bonnes questions, que ta position est très intéressante et que ton écriture se métamorphose d’une partie à l’autre au gré de son objet.
    Il va de soi que si le rôle de l’écrivain est de resituer son oeuvre dans son contexte, d’en expliciter l’élaboration, il revient au critique de prendre de la distance pour en établir la généalogie, en dégager les enjeux et proposer ce qui s’appelle une lecture.
    Laquelle n’est, me semble-t-il, aucunement réductrice. Bien que, tu as raison de le souligner, j’aie oublié de mentionner que l’épilogue est de nature biographique, et que ton discours ne soit pas celui du « spécialiste de littérature », cela ne retire rien à ceci :
    quel que soit le statut énonciatif des jugements portés, l’auteur peut-il nier leurs effets de lecture ? pour subjectif que soit un « témoignage », doit-il pour autant être considéré comme totalement fictif ? dépourvu de toute valeur référentielle ? n’y a-t-il pas, de Proust à Desportes, en passant par Gombrowicz, Bernhard ou Meens, des écrivains qui, dans leurs romans ou écrits autobiographiques, établissent des examens critiques de l’espace littéraire d’une extrême pertinence (nettement supérieure, même, à celle des « spécialistes de littérature ») ?

    Yves : oui, je rejoins également ce que tu dis.

    Charles : oui, Christophe a accepté de répondre à quelques questions complémentaires – entretien qui peut relancer le débat.
    Et comme tu vas vite te mettre à lire ce livre (et je ne doute pas que tu sois un sacré lecteur, y compris de livres théoriques), petite précision : cet objet littéraire étant pluriforme, son premier tiers est théorique ; le deuxième est, comme indiqué dans la chronique, une mytho(bio)graphie de King ; la dernière, de nature autobiographique, est en bonne partie satirique.

  10. rédaction

    J’avais commencé une réponse, mais beaucoup beaucoup trop longue. Tant de choses à dire sur ce livre de Christophe :
    1/ Je me suis toujours accordé à dire que la question de la fiction populaire était essentielle, notamment le roman. Et là j’ai quand même une question : n’y aurait-il pas une certaine forme d’écart entre d’un côté ce que tu dis et de l’autre la collection de François Bon, Déplacements En un certain sens, ce que tu dis va à l’encontre justement de ce qui a été annoncé par Déplacements, au sens où tu mets en critique une forme de distinction de la poésie, notamment contemporaine.
    Donc convaincu par cela : justement c’est là-dessus que je me suis emporté dans ma précédente réponse, conservée pour article : qu’est-ce que rencontrer l’autre. Cette question pour moi est essentielle, mais essentielle sans présupposés sur le récepteur de l’oeuvre, car il est vrai qu’une grande part de la poésie contemporaine (d’ailleurs plus que la poésie à la Victor Hugo pour reprendre Yves), disons-le, ne peut par essence dépasser le stricte cadre de ses quelques lecteurs (non pas de la faute de la société ou de je ne sais quel média) mais du simple fait que ce dont témoigne la textualité ne pourra trouver écho que chez un public qui ressent d’une certaine manière comme l’auteur. Dès lors je l’avoue : il y a bien un certain nombre de créations que je peux apprécier, dont je sais qu’elles ne pourront prétendre à une forme de diffusion large (d’ailleurs ce n’est pas sa question).
    _ Mais cela pose la question de la rencontre de l’autre : je pense et cela depuis bien longtemps, puisque c’est ce qui anime mon écriture (celle des romans) que le roman se pose dans un autre enjeu que la poésie en grande partie, et notamment que cela pose la question de sa diffusion, de son spectre de rencontre.
    Je me souviens qu’avec Pan Cake, mon but était de faire un roman pop’ (lol et rire), un roman qui puisse séduire largement un public un peu rebelle trash, afin d’exprimer quelque chose. Bon ensuite il y a la question de l’éditeur, mais cela n’a pas empêché le roman de très bien circuler.
    Rencontrer à travers la question de l’histoire, de la narration, cela demande de réfléchir à ce fait anthropologiquement et neurobiologiquement attestable : les hommes dans leur grande majorité aiment le fil narratif, y compris complexe voire sans fin (et ici le format de la série me paraît hyper-important, notamment des séries comme Lost, qui au niveau narratif me semble être la création la plus importante depuis fort longtemps : bien plus importante que tout ce que j’ai lu par exemple).
    Les hommes aiment les histoires parce que le cerveau, la conscience aime les fils, aime les récits, aime les constructions de monde.
    Ceci n’est pas issu de je ne sais quelle manipulation, mais cela concorde, et il faudrait y réfléchir neurobiologiquement, en tout cas avec ce que phénoménologiquement nous pouvons saisir.
    _ Or toutes les histoires ne se ressemblent pas, et ne sont pas de même nature au niveau de leur langue.
    Le roman populaire en grande partie se construit au détriment de la langue, dans un sacrifice de la langue en vue de l’exprimé. L’exprimé prime sur l’exprimant, et même peut nier tout apport de l’exprimant autre que de devenir transparent à l’exprimé.
    Le cas du fantastique est intéressant : si d’un côté il y a des littératures fantastiques qui ont pu faire le pari de la langue (Lovecraft en fait partie, travaillant énormément la langue pour exprimer jouant de la logique, idem pour mes propres recherches) de l’autre il y a une grande partie de la littérature fantastique ou anticipation ou SF qui ne fait aucun pari sur la langue.
    _ Je crois que les deux lignes se tiennent, et le pari de la langue, de son expansion, de sa réduction, etc, donnent des lignes divergentes mais qui peuvent être très intéressantes.
    _ Cependant, un roman devient populaire s’il peut être accueilli, de sorte que le roman qui va être largement diffusé implique une forme d’effacement de la langue au profit du récit, de sa logique, de ses avancées, de ses surprises, de l’univers auquel il fait croire.
    _ par moment dans les poésies contemporaines, l’univers est à ce point impossible du fait du travail de langue, qu’il est vrai que le lecteur ou l’auditeur, ne peut qu’être dans une certaine forme dubitative.

    _ Conséquence : si on veut une professionnalisation de son travail d’écriture : il faut en fait quitter les questions de langue pour se poser les questions de récit. Il faut quitter le laboratoire pour la salle de restaurant. L’écrivain professionnel, qui gagne de l’argent avec la vente de ses livres, suffisamment pour en vivre, a du se résoudre (s’il s’est posé la question) à la perte d’une certaine présence/prégnance de la langue.
    _ Conséquence : il faut bon gré mal gré que ce qui est raconté puisse saisir les consciences, les occuper, les amuser, les faire rêver, les faire penser, etc… Et c’est là une des forces des récits populaires, et de S-K = l’histoire, à savoir une manière d’aborder le monde, qui déplace la conscience du lecteur (quelque soit ce déplacement il a lieu), et ce déplacement n’est pas seulement et avant tout vers un ailleurs, il peut être un tout proche (il faudrait ici faire une typologie des romans à succès, au dessus de 100 000 exemplaires, et analyser leurs référents, la construction des récits et ce à quoi ils renvoient, etc).

    donc en bref, car peu à peu je comprends que tout cela est trop long, Christophe a le mérite et même je le pense un certain courage, quand il propose de réfléchir sur la question de l’éopoée, du roman fantastique etc, pourquoi courage ? parce qu’il est encore pour une part assimilé à la poésie contemporaine (et d’être publié dans Déplacements renforce cela), et que loin de cracher dans la soupe, il prend le temps, et creuse les arguments, pour montrer un certain nombre d’impasses ou de contradictions dans cette réalité.

  11. christophe fiat

    Merci de ton explication, Philippe, merci beaucoup. Tout d’abord

    1) pour ce qui est de la question de la place de STEPHEN KING FOREVER dans la collection Déplacements, demandez plutôt son avis à François Bon qui est la première personne concernée (moi je ne suis que la deuxième personne, l’auteur). Ceci dit, et ce n’est pas très éloigné de l’introduction de Fabrice dans son article (je le cite : « D’aucuns verront dans le titre une provocante oxymore… Mais, vu que l’ouvrage prend place dans la collection dirigée par François Bon, il faut y regarder à deux fois ») voulez-vous dire, chacun à votre manière que pour une grande part ce livre est jugée à partir de son support (les éditions du Seuil) et non sur son contenu ? Dit autrement, est-ce que si ce livre était sorti chez un autre éditeur, vous l’auriez jugé différemment ? Sociologie de la littérature intéressante.

    2) Philippe, je ne partage pas ta conception du roman pop. Je te cite : « Je me souviens qu’avec Pan Cake, mon but était de faire un roman pop’ (lol et rire), un roman qui puisse séduire largement un public un peu rebelle trash, afin d’exprimer quelque chose » La pop serait donc pour toi un façon de cibler un public ? Oui, je comprends, mais alors nous ne sommes plus dans l’art mais dans le commerce.

    3) Concernant, mon lien à la poésie française, il n’y a qu’ici, sur Libre Critique, où l’on m’appelle encore « poète performeur » comme l’écrit Fabrice. J’y ai des amitiés mais peu d’accointances. Ceci n’est pas récent. La publication de mon roman « Bienvenus à Sexpol » en 2003 aux éditions Léo Scheer qui est un roman avec une histoire et des personnages et non pas un geste de subversion poétique contre l’idéologie bourgoise du roman français germano pratin fût pour moi une rupture

    4) Merci pour reconnaître mon courage, Philippe. Je dirai plutôt que je fais preuve de beaucoup de patience et de sang froid, étant donné tous les malentendus et soupçons que STEPHEN KING FOREVER charrient.

    Conclusion.
    Si je prends le temps de ces échanges depuis quelques jours, c’est parce que des assertions du genre – désolé de te citer de nouveau Fabrice – mais il faut bien y voirclair : « Cependant, le charme est rompu par l’épilogue, dans lequel Christophe Fiat adopte la posture de l’écrivain libéral qui a du métier contre l’écrivain subventionné qui s’arc-boute à sa vocation », tant qu’elles ne sont pas discutées et pour ma part – réfutée (rien de ce livre laisse à penser que je critique les aides du CNL et c’est même un peu diffamatoire de dire cela) – rien concernant la littérature ne peut se dire. Pour finir, je ne veux ni être le bouc émissaire de votre idée de la poésie, ni l’avocat du diable du roman, ni l’animateur de polémiques sur la littérature.

    CF

  12. christophe fiat

    Fabrice, concernant ta remarque à propos de la fiction, dans l’épilogue de STEPHEN KING FOREVER, je suis d’accord avec toi. La fiction génère du sens et des effets de vérités comme d’autres discours et j’assume ici ce que je dis sur la littérature, mais encore faut-il bien comprendre d’où ça provient. Curieusement, le prologue, ouverture théorique du livre semble ici poser moins de problèmes, alors que l’idée que je développe concernant la littérature comme arme n’est pas une mince affaire en terme éthique et politique et esthétique ! Surtout quand il est question de Stephen King. Tu vois Philippe, pour moi, le Pop, ça part de là : la littérature comme arme, mais dissimulée sous des formes fun. La bombe à retardement, ceci sans prétention, ni mégalomanie de ma part. D’où le « Forever ». Autrement dit pourquoi exprimer brutalement sa violence (qui n’est autre que la violence que l’on subit) alors qu’on peut l’exprimer légèrement ? Pourquoi provoquer alors qu’on peut contester ?

  13. rédaction

    Sur le pop :
    j’ai bien mis une parenthèse de dénigrement total de ce que j’écrivais.
    Non plus sérieusement le pop tel que je le conçois et tel que je le conçois aussi au travers de la lecture que je fais de ton travail depuis quelques années :
    Cette question se pose en rapport pour moi : tout à la fois à la question de ce qui est pris en vue (qu’est-ce que c’est construire ue icône, la poser dans la perspective d’une épopée existentielle, non myhifiée (annulation de la mythification par exemple par l’insistance des éléments biographiques non accentués, mais seulement remarqués (Héroïnes était là dessus saisissant : le fait de simple prise de vue). Par exemple la guerre d’Irak est un sujet pop (!!!), le cinéma grand publique est un sujet pop, le rock, la série TV, la politique, le corps, etc… en fait une grande partie e ce qui anime la conscience collective, la structure médiatiquement.

    Mais la question du traitement de ces objets demande aussi corrélativement une réflexion sur ls logiques médiatiques qui correspondent à notre époque et qui amène aussi la caractérisation de « pop ». Quand tu viens avec ta guitare, minimaliste de la posture rock (à la fois musicalement et scéniquement), tu fais jouer à la fois une forme médiatique et un contenu. Tu fais réfléchir les deux.

    Donc voilà le côté pop, n’est pas que le léger pour moi, mais il englobe un ensemble d’objets qui définissent davantage des référentiels populaires : l’actualité TV est pop, le tract est pop, la vitrine est pop, le duel Aubry Royal est archi-pop (cf. dernier numéro de la RILI et le schéma Election Time : (machiavel et les realTV)

  14. Fabrice Thumerel (author)

    Christophe, ta dernière remarque prouve que le dialogue critique/écrivain est possible – et tu as tout à fait raison de relativiser le point de vue critique : la réception de ton texte variera selon les lieux… (Cela dit, pour l’instant, LIBR-CRITIQUE est l’un des endroits où l’on a reçu ton livre comme un événement, non ?).

    Pour le reste, for joke : fais gaffe, ta posture pourrait corroborer tes aveux textuels de « paranoïa »… Car où as-tu vu que ton livre servait de prétexte à polémique ? C’est bien parce qu’il est considéré comme important qu’il y a discussion critique.
    Et pourquoi l’étiquette de « performeur » serait-elle fausse ? Tes performances sont souvent perçues comme poétiquement décalées, non ?
    Et où vois-tu une allusion diffamatoire sur ton opposition au CNL ??? L’opposition écrivain pro versus écrivain subventionné = métier vs vocation, donc art pur (et on sait qu’en France, la poésie comme art pur et vocation est soutenue par des aides diverses). Cette opposition est majeure, vu la question que tu poses à juste titre du statut de l’écrivain français.
    Quant à la référence à la collection de F. Bon, là c’est toi qui la coupe du contexte… Je traduis, donc : contrairement aux apparences, le titre du livre n’est pas à interpréter comme une provocation légère, mais, par rapport au titre de la collection : ton projet original est de déplacer les lignes… Rien que du positif, dans cette introduction !

    J’attends donc, si tu le veux bien, les réponses aux questions précises en vue de l’entretien.

  15. christophe fiat

    Philippe, c’est bien de considérer des objets « pop », mais encore faut-il faut se poser la question du sujet « pop »… Ce que j’entends par « amplification de la subjectivité » dans STEPHEN KING FOREVER. Mais j’y reviendrai dans l’entretien.
    Fabrice, oui je suis performer, mais non, je ne suis pas « poète performer » et l’idée de performances « poétiquement décalées » est interessante à bien considérer le poétique au sens de poiesis : le faire. Dans ce cas, ça excède le cadre de la littérature et de ce qu’on appelle couramment « la poésie ».
    En aucun cas, dans STEPHEN KING FOREVER, il est question du lien entre écriture et subventions publiques et aussi intéressante que soit ta remarque (je te cite, « L’opposition écrivain pro versus écrivain subventionné = métier vs vocation, donc art pur (et on sait qu’en France, la poésie comme art pur et vocation est soutenue par des aides diverses). Cette opposition est majeure, vu la question que tu poses à juste titre du statut de l’écrivain français. », je ne sais quoi en penser.

    Mais peut-être que les poètes qui sont proches de Libre Critique, comme Nathalie – Quintane -, Charles – Pennequin- ou Prigent (qui vient de signer l’étrange préface d’un livre de Christophe Tarkos ÉCRITS POÉTIQUES dans laquelle il dit que la poésie de notre génération est née à la fin du XX ème siècle en 1995) auront une idée sur cette question.

  16. Fabrice Thumerel (author)

    Christophe, j’attends avec impatience ce que tu vas développer sur le sujet « pop »…
    Au vu de ce que tu me dis ensuite, j’enrage de ne pouvoir faire sur LIBR-CRITIQUE des articles plus longs encore (« universitaires », n’en déplaise à certains), vu le nombre de livres intéressants à chroniquer et de sujets à traiter… Je te rejoins donc : il eût sans doute fallu développer et préciser les points en question.
    Enfin, eh !, où t’as vu qu’on est plus proche de Nathalie, par exemple, que de toi ? Il n’est qu’à taper ton nom dans le moteur de recherche principal pour voir que l’on n’a rien oublié de ton oeuvre et que tu fais réellement partie des écrivains que nous apprécions ! Ce n’est quand même pas un ou deux points de discussion sur l’un de tes livres qui va changer quelque chose… D’autant que nous sommes « libr-critique » avec tous ceux que tu cites, et bien d’autres encore, fussent-ils reconnus comme des « grands »… En évitant toute vaine polémique comme de la peste, en essayant d’être le plus à la pointe des savoirs comme le plus à l’écoute des oeuvres, nous tentons d’exercer au mieux notre réflexion critique – ce qui nous prend une bonne partie de notre temps !
    Pour ce qui est de la préface de Christian, je la trouve étrangement réussie (j’en parle de suite dans les NEWS du dimanche – là, je suis en retard…), même si j’ai également tiqué sur cette date et que je regrette qu’il ne t’aies pas cité dans la note 2 de la page 11 (du reste, dans un chapitre de mon livre « Le Champ littéraire français au XXe siècle », j’ai relativisé le point de vue du poète reconnu qu’est désormais Prigent sur les revues et les travaux des plus jeunes générations).

  17. christophe fiat

    Fabrice,
    concernant la question écriture/subvention, ce serait bien que des poètes donnent leur avis (ceux que j’ai cité à titre d’exemple, Nathalie Quintane y compris). Je ne dis rien d’autre que cela. Étant donné que cette question m’est lointaine et que tu y tiens, c’était juste une suggestion d’écrivain à rédacteur de site critique et non une plainte, comme tu le suggères.

    Sinon c’est maladroit de ma part d’avoir évoqué cette préface qui parle d’une histoire que je connais si peu (même si j’ai passé de bons moments avec Christophe Tarkos qui est – il est vrai – un grand poète). Ceci dit, K. Molnar et V. Tarkos ont fait un travail remarquable d’édition.

  18. Fabrice Thumerel (author)

    Merci pour la suggestion, en espérant que les intéressés se manifestent – car, oui, c’est un sujet crucial : c’est ça qui est extraordinaire, non, dans le dialogue entre un auteur et ses lecteurs, qu’une question lointaine pour l’auteur soit soulevée par un de ses lecteurs suite à son propre parcours de lecture ?
    Ce qui fait la littérature, c’est, au fil des années et des lecteurs, l’ensemble des horizons de sens que cristallise telle ou telle oeuvre, indépendamment des intentions de son auteur – et c’est ainsi que certaines oeuvres survivent de génération en génération…

  19. rédaction

    Hello :

    _ pour la question des subventions : en France, une partie des poètes ne vivent (n’exagérons rien) ou ne tirent de bénéfice que de cela. Pas d’argent venant du privé. Ou encore pour avoir de l’argent venant d’ailleurs que des subventions, il y a déplacement de l’activité.

    On le sait tous. Vouloir vivre d’ailleurs comme écrivain contemporain, c’est réussir à intégrer des circuits subventionnés (école d’arts, résidence, ateliers d’écriture, soirées, festivals, etc). Ayant programmé pendant 7 ans, plus de 130 poètes contemporains, en grande partie français, je connais cette logique et aussi quand même les circulations. Faisant de même pas mal de perfs, je vois comment cela fonctionne.

    Pour ma part, et nous avions déjà eu la discussion il y a de cela pas mal d’années Christophe, j’ai toujours pensé, qu’il n’y avait pas par essence d’opposition entre le travail salarié et de l’autre l’écriture et la création.
    Cela évite déjà une chose, qui pour moi est très importante : le démarchage, le volontarisme forcené, le copinage pour, etc… Tout ce qui me débecte. Au moins pour faire ce que je veux, je ne dépends pas de décideurs, de modes, de petits cercles (et dieu sait qu’en région, c’ets cela qui domine, de même qu’à Paris), et d’ailleurs cela suppose le décloisonnement. Et tu sais parfaitement cela, ayant déplacé depuis le début des zones d’interventin (danse, théâtre, …)
    Pour ma part : si en effet l’art m’apparaît comme révélant la vie plus importante que l’art, c’est pas pour que dans ma vie je me fasse face comme une ordure, ou un courtisan ou un suceur.
    Et Dieu sait qu’il y en a qui se la ferme pour une petite publication, ou pour une invitation, pour un petit cachet. Dieu sait qu’il y en a qui savent bien sucer pour se faire programmer.

    C’est là, l’un des problèmes aussi de la subvention : comment l’obtient-on ? qui en décide ? qui décide d’attribuer ou de ne pas attribuer une bourse ?
    La subvention est un jeu de cour, un jeu de copinage aussi, en partie (pas seulement bien évidemment, mais la question même de la reconnaissance passant déjà par les jeux de cour etc… il est évident que ceux qui sont reconnus in fine pour une partie ont été filtrs selon des sphères, des réseaux, etc… Tout cela dit cela n’enlève pas la qualité de certains textes)
    La subvention est le titre d’une distinction pour un champ qui sans beaucoup de lecteur a réussi à faire croire en sa noblesse, son essentialité etc… Mais cela fort bien sans écho. Et même de moins en moins d’écho.

    _ Pour l’objet « pop » on ne le perçoit pas de la même manière (il y aurait une vraie discussion à avoir là-dessus): tu le perçois beaucoup sous le prisme matriciel de la culture « pop ». Pour moi l’objet « pop », qui suppose des formes d’intensification de sa présence dans des champs donnés, est d’abord lié à la question de ce qui définit un monde populaire. Et à ce titre : il y a un champ plus large d’objets pop et de formes pop. C’est pourquoi si pour une part je suis grandement intéressé par ton travail, sur lequel tu reviens parfaitement dans le SKforE, les principes qui m’intéressent par exemple étaient davantage présent dans NY, que je garde comme l’un ds très grands livres des dix dernières années, ou dans les Petits poëmes en prose de Hanna.
    La question du pop : cela tient à la question de la structuration des intentionnalités des individus, et en quel sens ces intentionnalités s’agencent autour de référents qui deviennent des paradigmes de compréhension pour la conscience (Sarko ou Ségo de très grosses figure spop, Obama, actuellement the best star en tant que référent d’agencement il n’y a qu’à voir ls conneries dites par Carlita la femme de Sarko).

  20. christophe fiat

    Philippe, merci de ta précision concernant le POP. En ce qui me concerne comme tu le dis, je n’envisage pas une pratique Pop de la littérature en dehors de la culture identifiée comme Pop. En ceci, je suis plutôt un écrivain culturaliste. Et je pense que le populaire se fait bien tout seul, à l’instar de Michel de Certeau qui recense les ruses et autres gestes qui caractérise les gens qu’on dit « populaire » et qu’il n’a pas besoin de la littérature pour émerger. Le risque concernant le Pop dès qu’on le pratique en dehors de la culture qui lui est propre, c’est d’esthétiser le politique et non de politiser l’esthétique. De ce point de vue, je m’expliquerai sur le sens de « forever » dans le titre de mon livre STEPHEN KING FOREVER. Pour moi, la clé du Pop est là, dans le « forever ».

  21. Fabrice Thumerel (author)

    Philippe : ce que tu dis de la condition de l’écrivain est très juste – en t’appuyant en plus sur ton expérience.
    Christophe et Philippe : oui, il y a un débat passionnant à mener sur/autour de l’objet POP = discussion, dossier, rencontre possibles… En tout cas, Christophe, ce serait effectivement intéressant que tu développes ce point dans l’entretien.

  22. rédaction

    Oui, c’st avec grand intérêt que je suivrai cette analyse du for ever et de la question de l’objet, pop; même si elle est loin d’être absente du livre, au sens où tu expliques, une certaine procédure dialectique du traitement de l’icône, et en quel sens elle doit être transmise.

    Cependant (on s’en doutait que j’allais écrire cela, arf)
    La culture pop si elle détermine bien un ensemble et des logiques de construction, prend son sens pour moi dans le cadre général de la construction de significations (objets/êtres) qui doivent agencer des masses populaires.
    C’est justement ce que j’ai tenté en partie d’expliquer à partir de mon schéma esthético-cognitif dans la RILI : liaison entre la logique de construction de l’homme politique te de sa sélection, en relation au standard des jeux RealTV par élimination.

    Je pourrai même être amené à penser que si la culture pop semblait à certaines périodes une forme de réalité quasi-détachée d’autres plans tel le politique (quoique, comment considérer Kennedy et le processus de construction d’icône dont il a été l’objet), et donc dans une forme d’existence autonome, non liée aux autres sphères (tout cela à relativiser, car il faudrait voir en quel sens les porosités ont toujours existées, et en quel sens la culture pop se construit aussi par assimilation de réalités, d’objets, et d’individus qui a priori étaient hétérogènes au pop), le brassage post-moderne a amener la logique de la « culture pop » à se généraliser dans toutes sphères. Même si bien évidemment, cette logique qui pourrait concerner bien des objets/individus, ne définit pas tous les objets/individus.

    Je crois plsu qu el’on puisse définir en-dehors d’un cadre général la question de la pop-culture. La pop-culture est le plan général (politique, musical, cinématographique, économique, rappelons-nous Tapi et son émission Ambitions, etc… ) où certains processus d’amplification et de transformation du sens opèrent pour créer des agencements types pour les consciences individuelles et sociales.
    Par contre ce qui m’intéresserait : la question des amplifications/transformations : en quel sens se produisent-elles ? Qu’est-ce qui à chaque fois se produit ? Pourquoi par exemple Delors n’est pas uen icône pop, ou Jospin, alors que Sarkozy oui ?

    Je crois que cela a avoir avec : aussi bien le storrytelling, que l’immanentisation existentielle du référent pop. Quelque chose qui me semble caractériser à chaque fois les processus de popisation d’objets/d’individus, c’est le fait de ramener ces référents à une prise en vue assez existentielle, et une amplification des données existentielles.

    bon tout cela écrit à la va vite entre deux cours.

  23. Millscent

    On parle de « guitar hero » et jamais de « writer hero » ou de « poet hero » parce que « guitar hero », ça veut dire : « héros de la guitare », alors que « writer hero » ou de « poet hero », cela voudrait dire : « héros de l’écrivain » ou « héros du poète », et que cela ne voudrait tout bonnement rien dire. Ce serait du charabia.

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