[À propos d'une affaire de terrorisme] L'invention du mal, par L'Agence (KS)

[À propos d’une affaire de terrorisme] L’invention du mal, par L’Agence (KS)

novembre 17, 2008
in Category: chroniques, UNE
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  Alors que la France se délecte de la nouvelle invention du mal de la part de l’État, à travers la figure de Julien C., il semble nécessaire de rompre le silence qui permet en grande partie, de répéter à outrance cet imaginaire politique et juridique, permettant d’une manière très orwellienne de renforcer la domination idéologique du discours de l’État.

Les médias sont contents. La ministre est contente, tout le monde est content, tout le monde se réjouit, tout le monde se sourit, tout le monde en parle, tout le monde regarde, tout le monde se congratule, tout le monde y va, tout le monde y va de sa petite phrase, tout le monde y va de sa remarque et de son avis, tout le monde en parle, tout le monde applaudit, champion des chronomètres, tout le monde ébahi sur les 48H chronos, tout le monde ébaudi, tout le monde face à la télévision, tout le monde le nez dans les journaux, tout le monde à retransmettre, tout le monde borne de transmission médiatique, tout le monde, applaudimètre qui vire au rouge, tout le monde dans la cohorte, tout le monde surpris et excité, tout le monde à dire "terroriste", tout le monde à répéter, tout le monde en sample de tout le monde, tout le monde à se gargariser, tout le monde avec tout le monde dans la boucle sans fin de ce que dit tout le monde, tout le monde dans la certitude, tout le monde dans la confiance.

L’Etat agit, l’Etat veille, l’Etat garantit, l’Etat : le garde fou contre tous les fous, l’Etat est là pour vous.

L’Etat a inventé le mal pour se prémunir, l’Etat a inventé Julien C. L’Etat a inventé la solution définitive à toutes les peurs. L’Etat a créé une valeur d’échange médiatique permettant de répondre aux désordres, l’Etat est assisté dans sa quête par les officines médiatiques, qui témoignent une nouvelle fois de leur absolue médiocrité.

La presse (ne parlons pas de la télévision qui a atteint depuis des années le niveau néant de la mise en perspective) face à l’affaire de "l’ultra-gauchisme de Julien C." a atteint son niveau zéro. La presse, dans son immense généralité (du Figaro à Libération en passant même par Rue89), s’est cachée derrière la pseudo-objectivité, sans réfléchir précisément aux logiques de culpabilisation et de construction du mal qui sont en oeuvre dans la démarche de l’État. La presse ne questionne pas, mais tente d’accréditer la thèse de l’État. La presse construit la fiction garantissant la culpabilité de Julien C. La presse est devenue le procureur de la République de ce procès, l’organe permettant de composer la figure du mal, fournissant les pièces à charge.

La presse se délecte, la presse a un scoop, la presse oublie, la presse veut être sur le front, la presse construit la réalité qui immerge les consciences, la presse fournit des images qu’elle efface par son discours, la presse dresse les consciences et répond par avance aux questions, la presse rédige des notes d’attention, la presse transmet les discours du ministre, la presse garantit la lumière, la presse avertit les citoyens, la presse se rassure de son rôle, accréditée par la ministre, la presse est rapide à transmettre, la presse a les moyens de tout dire et de tout révéler 24H/24 sur toutes les télévisions du monde de la guerre, la presse dénonce le terrorisme, la presse esquisse le portrait robot économico-culturel des accusés, la presse revendique son sérieux, la presse est digne de confiance, la presse parle avec le pouvoir, la presse couche avec le pouvoir, la presse se gargarise de manger les restes du pouvoir, la presse inocule, la presse galvaude et c’est bien, la presse ne réfléchit pas est c’est encore mieux.

L’invention du mal obéit à une logique de combinaisons conjoncturelles de données, offrant l’opportunité d’intensifier l’invention elle-même. Remarquons que le contexte est celui d’un retour de Mesrine sur le devant de la scène (sortie du film sur Mesrine, réédition de son livre, construction médiatico-mythologique de la figure de l’ennemi n°1). Orchestration volontaire ? Ou synchronicité médiatique sans intentionnalité ? Peu importe, il y a écho, et c’est positif pour la presse, au sens où l’amalgame peut être fait. Remarquons de plus, que le terme de terrorisme est un terme hyper-surcodé depuis les attentats du 11 septembre 2001. Le terme de terrorisme est un terme devenu omni-présent dans le discours médatique, permettant non pas d’abord de désigner une réalité, mais de différencier deux forces : les forces du bien et les forces du mal. La logique médiatique construit la figure du mal à partir de Julien C. en faisant concorder, au niveau des inconscients, des réalités distinctes. Cela permet de rendre efficace la construction. De la rendre excitante. Car en faisant concorder des réalités distinctes et séparées, il y a amplification de la réalité concernée, il y a sur-détermination du sens, résolution par avance de toute forme d’énigme qui pourrait se poser.

Nous avons un ennemi n°1, regardez, regardez, nous avons l’ennemi de l’Etat, nous l’avons arrêté, regardez, regardez, comme il vous veut du mal, regardez, regardez, nous avons la ligne à ne pas franchir, nous avons le point de non retour, l’ennemi n°1 est dangereux car il prône l’insurrection, l’ennemi n°1 est un terroriste, l’ennemi n°1 est le carré de Mesrine multiplié par la constante mondiale du terrorisme des forces du mal, l’ennemi n°1 est le point de composition pour construire le champ de notre sécurité, par l’ennemi n°1 nous savons où nous devons nous situer, l’ennemi n°1 nous permet de nous réunir et de nous réconforter face à son adversité, l’ennemi n°1 est une source infinie pour détourner la conscience de tout autre sujet, l’ennemi n°1 est notre ennemi, il est donc votre ennemi.  

Par le découpage volontaire de passages écrits par Julien C. et le comité invisible, les médias et l’Etat construisent la réalité d’une force qui est sans rapport avec l’ensemble des énoncés produits par Julien C. et le comité invisible. L’invention du mal a pour finalité de construire un discours sans ambiguité pouvant convaincre les consciences que le mal existe. La question n’est pas de savoir si oui ou non Julien C. et ses proches ont commis un sabotage, la question est de savoir si la définition imaginaire de leur réalité véhiculée par les médias et l’Etat correspond et est adéquate avec ce qu’il sont. Parce que le terme de terrorisme est sur-codé depuis 8 ans, parce que le terme d’ennemi de l’Etat est surcodé par des figures imaginaires devenues mythiques, la définition donnée par les médias et l’Etat est en porte-à-faux a-priori avec ce que pensent et  ce que font Julien C. et ses proches.

L’ennemi n°1 est la création d’un point noir sur une surface blanche, l’ennemi n°1 est un voile d’illusionniste pour toute autre actualité, l’ennemi n°1 est la meilleurse stratégie pour cacher le dysfonctionement général de la société et le dérèglement de plus en plus patent des comportemets sociaux, l’ennemi n°1 est la meilleure arme pour faire taire ceux qui auraient envie de s’exprimet ou d’agir, parce que nous avons inventé l’ennemi n°1 et que nous l’avons arrêté, vous savez maintenant que vous aussi vous pouvez devenir ennemi n°1, l’ennemi n°1 est le risque que vous courrez si vous vous opposez à nous.

En construisant la figure du mal, les médias et l’État effacent la réalité du discours de Julien C. et du comité invisible. Ils effacent la singularité de leurs analyses, ils discréditent par avance toute lecture même posée, au sens où tout dans leurs écrits et leurs pensées sembleraient conduire à ceci : le sabotage terroriste. En abstrayant une prase, et en la montrant comme axe principal des discours et fnalité de l’action, les médias et l’État interdisent tout accès à la pensée et à ce qu’elles véhiculent de critique réelle et fondée.

Parce que les individus garantissent la cohérence du monde par des prothèses cognitives que l’on appelle médias, ils ne voient que dans le prisme médiatique qu’on leur fournit, parce que les individus ne peuvent plus avancer seul, on leur construit des prothèses pour toute marche en avant, parce que les individus sont devenus des handicapés animés du ressentiment de leur propre handicape, ils haïssent tout ce qui demeure grand dans la tempête, et tout ce qui se bâtit sur des fondations libres, parce que les individus ont décrété l’aveuglement comme ode d’être social, ils haïssent ceux qui voient et qui en appellent à la vue, parce que les individus continuent à être hantés par la figure tutélaire du Père, qui serait la vérité, ils ne questionnent aucunement leur filiation et ne s’aperçoivent pas de leur batardise, parce que les individus sont des handicapés de la conscience, ils prônent le handicape comme règle de vie et garantie de la sécurité.

L’impuissance individuelle est le meilleur terreau pour le règne de l’État. L’impuissance individuelle garantie la sécurité de l’État, non parce qu’elle ne produit rien, mais parce qu’elle empêche tout acte libre d’apparaître comme tel, immédiatement déterminé comme acte monstreux.

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rédaction

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2 comments

  1. rédaction (author)

    Suite à la confirmation attendue de la part d’Anne-James Chaton, nous avons effacé tous les commentaires.
    L’identité d’Anne-James Chaton a été usurpée par un imbécile ayant comme IP : 86.65.178.66, localisée sur Paris, imbécile qui visiblement aime à venir voir les résultats de ce qu’il a fait puisqu’il est venu sur L-C ce matin à 10h13, 10h34, 11h55, 12h25, 13h17.

  2. Fabrice Thumerel

    Vu sa position, LIBR-CRITIQUE est exposée à ce genre de « fake »… Oui, nous faisons de la critique en terrain miné…
    Cela dit, LC ne se veut ni un lieu de polémiques stériles ou de règlements de comptes, ni un outil de propagande ou de promotion quelconque. LC est un lieu fédérateur critique : nous accueillons – ou, du moins, dialoguons avec – divers points de vue et écritures critiques.
    Notre unique ambition est celle-ci : exposer/rendre compte de ce qu’il y a de plus créatif ou stimulant dans le champ intellectuel et artistique.

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