[Chronique] Céline Walter, L'Inconnue de la Seine, par Jean-Paul Gavard-Perret

[Chronique] Céline Walter, L’Inconnue de la Seine, par Jean-Paul Gavard-Perret

juin 17, 2016
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[Chronique] Céline Walter, L’Inconnue de la Seine, par Jean-Paul Gavard-Perret

Céline Walter, L’inconnue de la Seine, Editions Tituli, Paris, mai 2016, 79 pages, 14 €, ISBN : 978-2-37365-032-7.

S’il s’agit, pour l’être, de tenter de tenir dans la hantise de l’air et du monde, il arrive que des silhouettes errantes (de pierre, de chair ou imaginées) s’éloignent des berges pour plonger dans un fleuve afin que leur mémoire ne les garde plus en otage. Fantômes que fantômes, masses mouvantes englouties. Qui donc au fond d’elles peut se reconnaître ? Céline Walter sans doute.

Elle retrouve pour le dire le rythme de son premier livre et celui d’un pas antérieur. Tout reste à l’écart d’un qui je suis dont la poétesse avait réincarné le prélude en un voyage dans le dédale des âges premiers. La noirceur rôde au sein d’une alchimie poétique qui ne donne pas forcément les clés du secret de l’existence intime approchée par l’auteur dans son « Petite / C’est la fête, tu voudrais mourir. »

Saisissant à nouveau sa propre enfance mais la portant vers d’autres évocations à travers trois images diffractées, la poétesse tente de renoncer à l’oxymorique « joie immonde » du passé plutôt que de céder à la modulation de la nostalgie. Dans de sourdes tonalités, l’évocation résonne selon la musique marginale d’un corne de brume annonçant la dérive tandis que sur l’asphalte tombe les dernières feuilles en symbole d’une absence augurale.

Demeure toujours le souvenir d’une enfance lourde d’avoir été vécue sous le sceau de l’inexprimable. Le fleuve peu à peu devient abstrait comme s’il se perdait entre des terrains vagues. Un pigeon passe encore dans le creux de l’enfance. Hier et demain croisent leurs solitudes.

Que retenir encore de ces présages en suspens dans le blanc de la page ? Il faut juste écouter la nostalgie de l’irréel lorsque la pluie fait gicler en fièvres charnelles les battements d’un corps immémorial. Il est de nulle part ou d’ici, il reste en chute libre au fil des âges tandis que dans la Seine les inconnues boivent l’eau grise et deviennent des revenantes. Le cœur hérisson se noie bien plus que dans des flaques. Il revient du loin des larmes et des angoisses. Saga et élégie. Orgue à brouillard. Pressentiment du seul instant primitif vécu sur le ballast de l’existence jadis et maintenant.

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rédaction

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