Suite au long poème inédit de Claude Favre publié en huit livraisons ("ARN_Agencement Répétitif Névralgique_voyou"), le dossier se poursuit avec ce texte fantasque de Jean-Nicolas Clamanges, qui n’en est pas ici à sa première chronique sur l’auteure.
Claude Favre, Vrac conversations, éditions de l’Attente, 2013, 50 pages, 8 €, ISBN : 978-2-36242-038-2.
Déjà vu sur Poezibao, c’est devenu un livre de notes de lecture comme on n’en écrivit jamais tant c’est écrit dans la langue que s’est faite Claude Favre et qui là donc récrit tout le noté du lu pour un livre sans doute pas si vite écrit que c’est dit. Le fil de lire s’enroule en cocon de vent dans les rangées de la bibliothèque vide où résonne le seul nom qui jamais ne manque à l’appel du silence, mais ça vente. Y pourrir dans les lettres tombées du grand livre de l’air, cercueil à l’ébène tranché : oui, la baleine de Melville nage harponnée sur la mer démontée où la lectrice farfouille son libellus en compagnie de Raymond Lulle tandis qu’à l’horizon d’encre flashent et reflashent les foudres claires de la langue. Le jour pourri à l’œuf de cane déballe des pages et des pages de horions à la tête des bambins souffreteux qui peinent dans les abysses du grand foutoir dantesque où danse la rimbambelle des bons amis très bien cultivés : Maurice Alarmé et Stéphane de Scève s’embrassent sur la bouche tandis que sous le laurier de Virgile, en dessous du volcan, coule le peu profond ruisseau de bourbon que tant aima Malcom – mais lequel ? L’homme pour qui jamais ne passe le temps poursuit la femme de la douleur au point de rebroussement de la courbe d’un style – mais quel ?
Voici :
_Alors Rabelais engendre Novarina qui beaucoup et
d’exagères et Melville une baleinière comme quoi toute
structure est archipel faut savoir que toute l’histoire est
réelle le cul à terre chiche
Les circonstances ne sont jamais propices à l’allure Belzébuth des morves contemporaines ou non, c’est du sang partout dans les rues sous un soleil de plomb fondu, et ça se murmure comme ça :
_De bonnes langues geignent qu’il outrepasse tandis
que les massacres se perpétuent en Syrie qui nous font
tant Alice au pays des merveilles Au cœur des ténèbres
La vie est un songe Mômo Le cul de Judas Les
boutiques de canelle Woyzeck à la hauteur des
circonstances du temps et cætera
Terrassé le veau tendu façon boucher pendu façon pendu à la maîtresse branche de la potence où oscillent au blizzard les vers de Villon, Maïakovsky, Shakespeare, Loys de Founess, Humpty Dumpty, la moule de Nazim Hikmet et son frère, & Mandelstam la bouche terreuse & Pétrarque, qui a lu Canetti qui avait lu Vaugelas & Pichette avec Rimbaud & Leopardi pour en faire des cuts up découpés en fines lamelles de mou de veau dans un oculus où Erasme abhorrait Villon et tous les fins amis de l’homme aux rats, et même Sainte-Beuve.
& allez ! défilez la Patristique et les vieux langueurs à fière lippe : l’homme de l’Anabase & celui de l’Histoire naturelle & celui des Rubayat et ses visions de mouches & Avistote et Aricenne & Butacchi et Georges-Louis B. & le Délié de Lyon et la Chicotte du Don & le grand William et le cher Nasier & Laine de vers et Beau des reins & coetera, j’en passe & du meilleur.
Mais pas une tête molle à langue de rat, pas un(e) quatorze fois exécrable : rien que de paire à pair(e)s très biens, anciens et modernes plumeux & tapewriteux : rien à redire rien à rejeter & allez ! Bartleby ne sait plus même quoi ne pas préférer dans cette arche de Méduse bourrée de pages en partance pour le Déluge où voici, tiens ! l’homme mort dans la neige qui écrivait comme un oiseau d’humour oblique dans les nuages – colloque sentimental :
_Walser est un homme un peu comme si la définition
n’était qu’une invention pas de quoi mais si répond
Melville c’est beaucoup plus il y va à la vie Melville dit
Duras c’est beaucoup plus que la mort beaucoup plus
convulsion le cœur éclaté et qu’ils se séduisent le jeu
dépasse à la va comme même pas les objectifs initiaux
Narcisse plonge nos rivières dégorgent une baleine le
monde c’est comme ça c’est désarmant dit Marguerite
En résumé, le paradigme symptomal de l’inépuisable recueil de lire offre sa goutte ténébreuse à l’arc en ciel du nord pour que la suite advienne de ce qui jamais ne devait avoir de commencement.
Claude Favre qui n’écrit comme personne a aussi d’excellentes lectures.
C’est fou, c’est chic.