Charles Pennequin, Père ancien, P.O.L éditeur, décembre 2020, 192 pages, 19 €, ISBN : 978-2-8180-5044-6.
Descendant de Beckettien, Pennequin sort du père par tout ce qu’il déploie selon une logique de déterritorialisation, de végétations rhizomateuses. Elle se construit contre la mort. Et en avançant. Une musique naît et dévale par reprises et filages inconscients en des refrains aussi doux que violents. Par une poésie sonore, l’auteur trouve un moyen de débloquer les paroles, les dogmes et même les musées que sont les livres.
Dans Père Ancien au titre quasi biblique, chaque poème se veut « un spot dans la nuit » de l’être, une petite forme du peu, du nul, du resserré pour saisir le vide en soi. Obsédé par l’état de naissance, Pennequin traverse la langue idéologisée pour que le fatras babillard de l’enfance renaisse hors du non assigné et de l’aliénation.
Le livre parle depuis le ras de la terre, du « jardin », par effet retour au coeur du grouillement de « l’armée noire des déloquetés » en accrochant les « chansonnettes crapuleuses des gens » à la barbe de l' »écrit-tue » des prétentieux exterminateurs. Par leurs propos savants et savonneux ils veulent couper court à la « bêtise » de ceux qui ne cherchent pas à créer des idées mais juste faire proliférer un langage « périféerique ».
Pennequin tient à « parler pour rien ». Mais pour mieux dire. Il trouve dans la vie comme à la télévision (dont la série « Urgences ») de quoi faire des poèmes « avec des trous. » Car il ne s’agit pas d’écrire « du cercueil mais de la vie ». C’est pourquoi une telle poésie est celle du drame désespérément comique de l’existence. Et ce loin des règles admises qui ne favorisent qu’une stérilité du déjà lu.