[Création] Joël Hubaut, ÉpidémiK (15)

[Création] Joël Hubaut, ÉpidémiK (15)

septembre 5, 2020
in Category: créations, UNE
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[Création] Joël Hubaut, ÉpidémiK (15)

Pour cet automne 2020, chers Libr-Lecteurs, vous disposerez d’un objet littéraire déconcertant et bouillonnant, d’une rare vie singulière : la somme épidémike de Joël HUBAUT, écrite dans les années 70 – et introuvable. [Lire le quatorzième texte]

Dans INTER-ACTION C.L.O.M. (Joël Hubaut) (Le Clou dans le fer, 2007), Philippe Boisnard rappelle que, pour lui, « le terme d’épidémiK, loin de s’entendre au sens viral, doit s’entendre selon le principe d’une cancérisation » (homogénéité vs hétérogénéité). [Lire sur LC : « Lissez les couleurs »]
Fabrice Thumerel : « Étrangère au style comme appropriation idiolectale de la langue, la cancérisation épidémik fait sortir la langue de ses gonds. Dans lissez les couleurs ! à ras l’fanion (Al dante, livre + CD, 2003), à la mollesse de la « langue pure moulée à la louche », le poète excentrique oppose « une langue libre démoulée » » [cf. « Poésie, musique et chanson dans le champ poétique contemporain »]

 

… La moisissure grise se propage par tous les outils moussant, gonflant le long des stylos et des porte-plumes qui crachent les ovules, piquant chaque matière nouvelle, les bulles s’ordonnent par flaque cancérigène altérant les images de l’histoire de l’art par tous les orifices du papier, la langue du pinceau qui lape aussi la toile pleine de membranes grises culturelles tranchées par des flocons épidémiques, ces signes qui vont encore grêler, crépiter à la limite des paupières du cadre, infecter le lobe, s’accoître par toute la mémoire contractant la tumeur qui va exploser comme un blockhaus intérieur répandant les champignons croix, triangles, cercles, flèches, etc… au-delà de l’image, ces signes jaillissent par la lave acrylique, enterrant les clichés d’école, de style, de mouvement, linge en naufrage contenu dans la crampe de l’humanité, l’épidémie à flot éjacule vers l’horizon, ses dents épluchées fixant dans son parcours expansif des traces de syncope, graines, virgules, ongles, signaux languissant dans l’oppressante étendue du temps et du vide, germes valsant au-delà des stations-horaires avec la force de l’obsession puis par tout l’engrenage du besoin de faire, de fabriquer, de vivre, le foutre graphique entre en collision avec d’autres hormones venues des enclos de la tête, des balles ou des tétons mutants qui vont rayer la sciure du cerveau, chaque gouttelette de passion collant aux tentacules, toutes les traces d’épidémie, tous les grumeaux faits à la main dans l’attente de nouveaux symptômes libérateurs qui vont déborder vers la banquise, suinter, fermenter entre les rats et les anges d’un dessin à crever les yeux – dessin d’essaim par la crème d’une écriture-spirite – black and white spirite …
Poème paru dans la plaquette du musée des Beaux arts de Coutances en 1977.

Visuel de la plaquette du Musée des Beaux arts de Coutances dans le cadre de l’expo collective « Audouard, Hubaut, Janladrou, l’Hermitte», Joël Hubaut, 1977.

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Fabrice Thumerel

Critique et chercheur international spécialisé dans le contemporain (littérature et sciences humaines).

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