[LIvre + chronique] Matamore n°29 de Alain Farah par Julien d'Abrigeon

[LIvre + chronique] Matamore n°29 de Alain Farah par Julien d’Abrigeon

octobre 29, 2008
in Category: chroniques, Livres reçus, UNE
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  Alain Farah, Matamore n°29, ed. Le quartanier, 224 p. ISBN 978-2-923400-48-8, 16 €.

[Présentation éditeur]

L’agent Mariage est envoyé en mission sentimentale. Matamore suractif, il s’éprend d’une grande blonde polonaise et finit par assassiner Kennedy une seconde fois, à l’aide d’un canon étrange. Du Caire à Paris en passant par Dallas et Los Angeles, voici les “aventures” d’un écrivain à qui tout arrive, et dont l’alter ego, lancé sur la piste de sa propre vie, se bat sur tous les fronts, réactive le passé, accélère le présent.

 

En déplacement entre la province et la métropole, galvanisé par des injections de supervitamines, Mariage rencontre une championne de tennis, tombe de Charybde en Scylla, fait la leçon à son employeur (sur la volaille, sur le poisson – grands sujets), retrouve ses ancêtres phéniciens, se planque dans les cinémas, et disserte sur Joyce et Hamlet – tout ça en combattant l’ennemi intérieur.

Quelque chose arrive au narrateur – un problème. Que lui arrive-t-il? Tout. C’est-à-dire, dans le désordre : la littérature, le passé, ses ancêtres (en Égypte, au Liban), l’histoire (qui se met à faire des histoires), et cette folie particulière qui fait confondre la Pologne avec Bologne, et l’art avec la vie. Comment répond-il? Eh bien, par la bouche de son agent. C’est-à-dire : par le désordre, avec la littérature, le passé, ses ancêtres, l’histoire. Et avec cette folie particulière qui fabrique du présent là où il n’y en a plus, et qui guide l’agent Mariage dans sa mission. C’est pourquoi, suave et mondain comme il se doit, il peut être partout, sans jamais cesser de bavarder. Le temps et l’espace ne le retiennent pas. C’est en quelque sorte son pouvoir ; c’est aussi ce qui le perdra.

Matamore no 29 avance vite, dans une prose déliée, qui porte vingt-neuf épisodes dans lesquels le narrateur bataille à coups de leurres. On le sait, la ruse est la première qualité d’un bon narrateur. Or ici, il en sera lui-même peut-être la première victime. En d’autres mots, la guerre de Troie a lieu, mais sur un terrain où la ruse, comme dans les meilleures histoires, en cache une autre : plus sombre, plus difficile à nommer, et qui tient tête.

Par le caractère autobiographique de ses obsessions, par son imaginaire et son inventivité formelle, Matamore no 29 n’est pas sans connivence avec les œuvres de David Lynch et d’Olivier Cadiot, de Thom Yorke ou de Woody Allen.

[Chronique]
Roman. Alain Farah a inscrit « Roman » sur la couverture de Matamore n°29. Il aurait eu bien tort de s’en priver. Toutefois, Farah écrit un roman de poète, pas de romancier (ce n’est pas un jugement de valeur, juste l’évidence d’une écriture). Il ne remplit pas un moule, il le fabrique, en architecte fanfaron ; tout est fait maison, de la cave au plafond. Alors que trop, à mon goût, dans notre confrérie fictive, s’exténuent, le nez dans le guidon de la phrase, à avancer de charabia en syllabe, de mot en mot, sans jamais décoller d’un pouce du bitume, Farah, dans son Matamore, écrit avant tout une structure. Et j’aime les structures. & j’aime sa structure. Bien sûr, dans sa construction, la phrase est en jeu, le mot, la syllabe et le charabia, et cela jusqu’à l’escamotage de lettres, d’accents, de bouts de lettres. De la cave au plafond, toute la maison est fait maison.
Cette structure est difficilement résumable. Elle est à la fois calquée sur le déroulement d’une partie de Tennis, avec trois sections/sets, et des chapitres/jeux reprenant des échanges, jamais tout à fait les mêmes, jamais vraiment différents. Des points (à la fin des phrases) et des coups, des rebonds, Bop. Bop bop bop. Ces trois sets sont eux même construits sur un principe circulaire explicité en cours de roman lui même fondé sur le « zéro » tennistique, sa déformation de l’idée de l’Oeuf en « love » (je vous avais prévenu, ce n’est pas résumable !). Tout est circulaire, tout revient, avec, à chaque fois une déformation. Farah joue sur l’altération, la déformation, des mots, des lettres : love/l’oeuf/zéro, mais aussi un Berliner se transformant en hambourgeois/hamburger, une tenniswoman en performeuse, Bologne devient la Pologne, un Alain Robbe Grillet, poète béat et pape du nouveau roman, s’éclate (l’effet Patatore du matamore) en poète beat (Allen G.), en véritable pape, en Platon… Les citations sont inutiles, car tout se passe dans la longueur de la lecture, au delà.
Vous insistez ? D’accord mais alors citons en vrac, cela ne sera que plus cohérent:
« Je vais lui faire un roman à la puissance oeuf. » (p.33)
« Eh bien, Mademoiselle, je concentre mes idées avec beaucoup de pression, et je les éjecte à très grande distance. » (p.30)
« Mets royal sous Louis XVI, la sole fera le bonheur de nombreuses générations de chefs qui apprécient tout particulièrement sa chair. -FIN- J’ai l’impression de ne pas du tout intéresser mon interlocuteur. »
« Tu sais, je peux disserter sur n’importe quel sujet, je suis un bavard. » (p.153)
« Bop » (p.80)

 

Il nous mène en bateau, ce malin, mais c’est royal, c’est un yacht qu’il pirate pour mener sa barque. Il amuse la croisière et la galerie rit. De quoi est-il question ? D’un Agent Mariage qui est un Alain parmi d’autres et un père d’Alain, de grandes blondes sexy, de Pologne à la Jarry, de canard, de sole et de poulet, de Kennedy, de Thomas, de Joyce, Lynch, de tout, de n’importe quoi. Un grand n’importe quoi foutraque, un grand tout au départ, qui, pas à pas se métamorphose en grande orfèvrerie minutieuse et réglée au millimètre, un grand tout où tout importe. Il excelle en un nouveau type de digression, la digression préalablement anticipée. Un yacht, vous dis-je.
Matamore n°29 est un livre qui ne peut qu’échapper à la lecture par extrait. Si la légende selon laquelle les éditeurs ne lisent, au premier contact, que le début, la fin et quelques pages éparses, était vraie, le manuscrit de Farah aurait bien vite fini au fond d’une poubelle tant une lecture totale, globale est nécessaire au tour de magie de ce grand TOUT, plus proche de F for Fake que de Mullholland Drive pourtant cité. Cependant le Quartanier étant ce qu’il est, c’est-à-dire un éditeur de premier plan, le livre est publié. Du moins au Québec. Une diffusion française, ou mieux encore, une édition s’impose. En attendant, il va falloir vous dépatouiller pour vous le procurer.

 

Matamore n°29 est un livre qui fanfaronne autant que son narrateur qui nous amuse comme on balade. La phrase n’est pas que rapide, elle est pressée, jusqu’à la moelle. Les discours directs se succèdent, l’adresse au lecteur est constante. Le futile devient l’important, l’essentiel en quelques derniers chapitres qui plombent. C’est une oeuvre grave aiguë comme une douleur, l’acidulé des pages précédentes était due au poison, capiteux. Si le début du roman est amusant mais obscur, il éclaire peu à peu les zones d’ombre. Tout s’explique, lumière est faite sur. Cependant la révélation, en plein jour est noire. Il nous met LE-SOMBRE en lumière. Aux dernières pages, sans véritable pirouette, Farah nous renverse et, bousculé, il nous fait reprendre la lecture du début. On ne boucle pas les boucles, on reprend à ZERO, l’oeuf a donné une poule nous filant un oeuf, avec amour, le lecteur est obligé de se lover. Il emporte l’échange. Le jeu en valait la chandelle. Le Set le match. 6-0/6-0/6/0 Même s’il veut nous faire croire à un bon vieux 6/4 6/4, 6/3 =29. Le fanfaron et un faux farfelu. Matamore n°29 réussit avec talent à être ainsi hilarant et rude, aigu et grave, léger et pesant, et toujours URGENT. Oui, ce livre est un livre urgent. A lire urgemment, avec attention. Alain Farah a 29 ans, c’est un matamore, et un sombre écrivain brillant.
Julien d’Abrigeon

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rédaction

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16 comments

  1. NotBilly

    NB, en forme d’addenda suite à la critique de ce même livre par Nathalie Quintane sur Sitaudis : Le livre pose la même question de définition à Nathalie. Il y a bien écrit « roman » et pourtant, on sent le poète derrière, sans que le livre soit de la poésie, et, oui, encore moins un « roman poétique ». D’ailleurs, l’adjectif « poétique » est un mot à la con pour porter des concepts à la con, faisons le disparaître, ablacadabla, pouf pouf… ah ! ch’espèle que cha malche… Jout alol, cha malche pas, hi hi hi , déjolé, hihihi.
    Donc « roman ». Puisque c’est écrit. Quand je parle d’un roman de poète, c’est une façon de dire que ce n’est pas un roman de « romancier professionnel », de « professionnel de la profession romanesque ». Il invente sa forme narrative, sans jamais jouer au storyteller. C’est un bavard. On est toutefois hors de la tradition de l’anti-roman car Farah ne s’arrête pas sur une contestation du roman classique, il préfère proposer un autre fil. Il s’agit donc bien, disons le bien haut, d’un « roman ». un « roman », oui, sans épithète. Et, autant le théâtre me gonfle, et parfois, alors qu’il m’irrite tant, me surprend fort bien en belle claque (« le début de l’A » de Rambert, « ADN » de Dennis Kelly…), autant le roman,quand il s’invente (Farah, mais aussi Federman et quelques autres), redevient un terrain formidable pour le lecteur.
    Il y a donc un avenir possible à la forme longue hors du texte poétique en prose.

    NB II, le retour : Le premier à utiliser le mot « OLNI » pour ce livre a un gage (un gage méchant et terrible du type, lire le dernier Erik Orsenna. C’est cruel mais mérité)

  2. cp

    je comprends pas ce que ça veut dire « il y a donc un avenir possible à la forme longue hors du texte poétique en prose » comme si c’était des impasses ! vive le texte en prose long de toute façon, et surtout vive la fin des genres
    Céline a quitté le roman, Beckett avec, Thomas Bernhard pour moi c’est un modèle, mais c’est une erreur de croire en des retours et des possibles, tout ça c’est marner dans un jus des possibles c’est chiant, vive la poésie chiante complexe qu’on comprend rien et à bas le roman, à bas les formes usées et chiantes et le repos bourgeois pour les yeux bourgeois et la conscience bourgeoise, moi j’écris des romans en marchant dans la rue ou dans le marché de wazemme et je m’en branle du roman et de tout ce blabla sur le retour problème et les avenirs possibles, comme si y avait pas moyen de respirer autrement. putain tu te mets au roman et au théâtre maintenant ? c’est quoi c’bin’s
    moi je hais le théâtre
    théâtre ça fait 40 ans qu’ils s’intéressent plus à rien ou singent des postures
    comme la perf, ça maintenant ils aiment la perf
    mais ils ne vivent rien à l’intérieur
    et le roman, tes romans on en reparlera, même de federman on en reparlera un de ces jours, moi j’ai trouvé parfois vraiment des gros câbles de roman français style années 50, nouveau roman célinien et un peu poésie visuelle, mais rien de nouveau que de la récup de trucs déjà mille fois vu, alors faut pas déconner, arrêtons je vous prie de déconner ! aujourd’hui y a vraiment je trouve d’autres necessité que dêtre un bon lecteur posé et prenant son pied, ya vraiment autre chose à faire que de trouver à renouveler le roman, toujours le renouveau du roman alors que c’est une invention, même flaubert n’y croyait plus à la fin de sa vie au roman
    pour moi le roman c’est maintenant signe de bourgeoisie dans le meilleur des cas
    dans le pire : consommation.
    rien d’autre à dire à ce sujet à part qu’il faudrait vraiment que les intelligences se mettent un peu en branle dans ce pays de merde !

  3. saihtaM

    Effectivement, je n’en reviens pas que l’on en soit encore à parler de « romans ». C’est vraiment un retour en arrière. Ce mot ne signifie plus grand chose au niveau formel. C’est un mot vide utilisé par les éditeurs pour rassurer le public et faire vendre.
    D’où manifeste mutantiste, de mon côté.

  4. NotBilly

    Charles, quand je dis « “il y a donc un avenir possible à la forme longue hors du texte poétique en prose”, c’est que,justement, à part dans ces grands textes de poèsie/prose, je ne voyais que peu d’interet à la forme longue, au livre hors recueil.
    Si tu avais lu le Farah, tu comprendrais que l’on n’est jamais dans une forme ancienne, que, justement, il invente sa forme, puis, il la nomme « roman ». Comme si un crétin te disais : « Mais, msieur, ce que vous faîtes, ce n’est pas d’la poésie ! », tout ça parce que ça ne correspondrait pas à son idée étriquée de la poésie. Et bien, le Farah, le même crétin pourrait lui sortir « mais, m’sieur, c’est pas du roman ! ». Il a raison de s’attaquer à cette forme vieille. Plutôt que de dire : « le roman, c’est nul, c’est mort, c’est petit-bourgeois » ou quoi que ce soit, il le prend, le cale entre ses pattes et lui tord le cou avec un double-nelson bien senti pour en faire autre chose, un truc ni nul, ni mort, ni petit-bourgeois.
    Perso, je pense que je n’écrirais jamais de roman, ni de théâtre, ne t’en fais pas pour moi.
    Je hais le Théâtre, comme je le disais. Cependant, quand tu tombes sur des gars qui, eux aussi, semblent détester les mêmes choses que nous dans cet art surfait, pour en faire autre chose, créer de nouvelles formes, moi je suis.

    Il n’y pas de retour en arrière ! Je ne pense pas, SaihtaM, que l’on puisse croire en une « évolution » de la littérature, un « progrès », comme il y aurait une déchéance.
    Quand Melville écrit « Moby Dick », il te le pète le roman ! & ça te pète à la gueule encore aujourd’hui, une telle modernité, un tel refus de raconter.
    Ce qui est vieux, ce n’est pas le roman, c’est les ficelles, les cables. Le roman, il peut s’inventer aujourd’hui comme s’invente la poésie. Seulement, si on refuse d’ouvrir les yeux sur les romans qui se ré-inventent comme les crétins refusent de voir la poésie qui se ré-invente, on se crétinise aussi. Combien de gens ont une idée de la poésie comme un truc cucul, sur l’automne, en rimes à la con ? Ils ont raison de détester ça ! S’ils connaissaient autre chose, ils aimerait sûrement. Or, là, Charles, tu ne vas pas te la jouer pareil, tout de même ! Tout pétage de forme existante pour en inventer une nouvelle est bonne à prendre ! En poésie, on le sait, mais ailleurs, soyons un peu plus curieux, même si c’est rare et dur à trouver (Comme la poésie est dure à trouver tant qu’on ne s’y interesse pas. tu crois que beaucoup de théâtreux ont accès aux livres des petits éditeurs de poésie par hasard ?)…

  5. rédaction (author)

    Et pourquoi ne parlerions-nous pas de roman ? Pour quelles raisons seraient caduques cette dimension, si ce n’est selon une forme de préconception somme toute classique.
    je suis du même avis que Julien, les formes se réinventent. Pourquoi pas le récit romanesque (et par exemple pourquoi Fiat intitule certains de ses livres Roman ???? ou Épopée ?)

    Jugements à l’emporte pièce. Je suis convaincu des réinventions, des glissements des genres. Et je crsi même qu’il est important de ne pas avoir peur de réinvestir ces catégories. Pour ma part, si j’écris de la poésie, reste que j’écris des romans. Pan Cake était un roman, et pas de la poésie, même si pour paraître il a utilisé l’étiquette poésie.

  6. saihtaM

    Mon point de vue (que j’ai d’ailleurs déjà exprimé sur ce site) : vous utilisez le mot « roman » comme s’il signifiait quelque chose de précis ; or mon analyse me porte à penser que rien ne caractérise véritablement une forme qui s’appellerait « roman », sauf une certaine durée (peut-être à partir de 80-100 pages). C’est le mot qui me pose problème, on se gargarise avec comme si cela signifiait quelque chose de précis, mais quand on cherche à le faire, cela s’avère impossible, sauf pour Chrétien de Troie. Le mot « roman » plus une convention sociale qu’une forme littéraire définissable.

    Je m’exprime ici rapidement, et je conçois que ce point de vue ne soit guère partagé, mais cette réflexion n’est pas à l’emporte-pièce, ça doit faire 12 ans environ (quand les profs de fac s’avéraient incapables de définir ce qu’ils entendaient par « roman » quand je leur demandais, déjà ^^) que je poursuis cette réflexion, que j’ai d’ailleurs déjà émise sur Libr-critique (à l’occasion de la sortie de Raison basse, et du pré-manifeste mutantiste) et ailleurs.

  7. NotBilly

    c’est pareil avec « poésie » ou avec les genres. C’est justement cette liberté de définition qui permet à la forme de se renouveler sans cesse.
    Tu peux qualifier de « oman » chrétien de Troyes ou Le roman de Renart, mais aussi Gargantua, La princesse de Clèves, l’histoire d’une greque moderne, Ulysse de Joyce, Tristram Shandy, Jacques le fataliste, Guignol’s band, ou n’importe quoi.
    C’est une forme narrative. Point. ça permet donc whatmille possibilités autre que le fil narratif à la papa.(Après la nouvelle est une forme narrative courte souvent associée à une chute brutale.)

  8. cp

    mais je vais le lire de toute manière ! je l’ai commandé au furet (comme je suis passé pour acheté la revue révolutionnaire enfin sérieuse eh bien j’en ai profité, je me souvenais plus du titre et du nom de l’auteur, j’ai dit à la bonne femme « alors ça se termine par 29 je crois et c’est au Quartanier ! »
    la technologie était en panne au Furet du Nord
    du coup elle m’a appelée le soir pour ce livre dont elle avait trouvé le titre et l’auteur )

    Mais je dis tout de même que je me méfie du nombre incalculable de gens intelligents dans la poésie ou la littérature et qui ont tout lu et donc nous livrent un truc intelligent où y a tout. Des gens intelligents en littérature on n’en manque pas, des types qui ressentent et font ressentir ça court moins les rues déjà. Alors moi je veux bien le bavardage pour faire transgenre, mais si c’est du remplissage formel c’est chiant aussi, donc je regarderai, cependant je suis méfiant et j’ai raison de me méfier (ce qui empêche pas de lire loin de là , mais je pense que la lecture ça devrait être aussi quelque chose de nécessaire, de vital, on lit un truc parce que c’est vital, là je lis Wittgeinstein parce que j’ai un noeud dans la tête, et donc je lis des articles sur lui et lis ce qu’il fait et déjà je vois que c’est quelqu’un qui ne lisait pas ses contemporains, sauf quand ça l’importait, mais il préférait mettre un vers de Racine plutôt que Rilke – qu’il détestait cependant. Je pense que malgré tout il avait raison et on devrait suivre bien souvent son idée et ne pas trop être public de tout, tout lire et dénicher finalement un truc, car on perd du temps aussi, moi je veux bien lire ce type tu vois, mais est-ce que ça va pas me saouler de le lire ? Je suis sûr qu’il va me saouler ce type qui est bien malin et tout mais bon, je sens déjà le formel formol au loin, le truc déjà bien compris et bien fait et qui évite tout et qui a lu tristram shandi ou grabinoulor ou le diderot là, bref, on est tous des gros fantasmeurs de classiques, des classiques hors des sentiers et du coup on est sur l’autoroute des hors sentiers on est tous là sur l’autoroute avec des grosses brettelles des écrivains de sentier perdus.
    Wittgeinstein j’ai lu en tout cas qu’il préférait un truc senti et BUSINESS LIKE, comme il disait, du genre MEIN KAMPF que les propagandes de son ami Russel.
    drôle non ?

  9. NotBilly

    OK. Tu jugeras donc sur pièce et tu as raison (et je suis plutôt confiant, eh eh).
    Quant à « ressentir et faire ressentir », perso, je m’en tape la noix de pécan majuscule.
    Si tu veux faire ressentir, là, oui, tu passes par les ficelles, le pathos au père Totor et tout le toutim tralala. Ressentir quoi ? Faire ressentir pourquoi ? « ça ne court pas les rues » dis-tu ? Belle affaire. On nous en bouscule à tour de bras des émotions, dans la pub, l’actu, la politique et blablabla. Je m’en, fous de ressentir un truc ou pas quand je vois un film ou lit un livre. (je n’ai jamais chialé au cinéma, pauvre de moi, être implacable) La seule ivresse de lecture m’est procurée par l’enthousiasme des formes proposées. (un bon verre de bon whisky plutôt que des litres de Lager). C’est assez enivrant pour moi. Je suis peu enclin à l’empathie, la sympathie ou l’antipathie envers un personnage de papier ou de celluloïd. Je m’en tape qu’un gamin de fiction crève, qu’il aime ou se révolte. Je ne suis jamais attristé par une oeuvre, jamais animé par la révolte par une oeuvre. Le seul truc qui fonctionne sur moi est le rire, mais ça c’est plus rude à trouver. La cérébralité comme émotion du monstre.

  10. Fabrice Thumerel

    Je voudrais revenir au débat de fond sur les distinctions génériques.
    Si les avant-gardes du XXe s. ont renoncé au roman (le surréalisme le méprisait comme genre dépassé et commercial ; les dernières avant-gardes historiques lui ont substitué de nouvelles formes), il n’est pas interdit aux écrivains postmodernes – ou simplement contemporains – de réinvestir cette forme plastique et pluridimensionnelle, d’en retraiter la matière et d’en subvertir les codes : genre populaire, le roman constitue un champ d’investigation propice aux diverses pratiques de détournement.
    Quels que soient les labels (« roman », « récit », « fable », « texte », « fiction », « dispositif », « poésie »…), seuls comptent la portée et l’inventivité du travail. Le propre de LIBR-CRITIQUE, c’est justement d’être attentif à cela même : alors, oui, nous sommes réceptifs aux fictions carnavalisées de Prigent, aux autopoéfictions de Desportes, aux autosociobiographies d’Ernaux, aux Objets Littéraires Non Identifiés de Buraud, aux agencements répétitifs de Pennequin, aux épopées de Fiat…

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