[Livre + chronique] pas de tombeau pour mesrine de Charles Pennequin

[Livre + chronique] pas de tombeau pour mesrine de Charles Pennequin

juillet 1, 2008
in Category: chroniques, Livres reçus, UNE
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  Charles Pennequin, pas de tombeau pour mesrine, ed. al dante, 86 p. ISBN: 978-2-84761-999-7.

  [4ème de couverture]  
Vous êtes trop. Trop beaux. Trop dans le faire. Et dans le faire beau. trop dans le savoir. Vous êtes trop dépositaires. Vous allongez trop. Vous aimez trop l’épaisseur. Trop la logistique. Vous êtes trop techniques. Trop dans les idées. Les institutions. Alors vous faîtes des blocs. Des monolithes. De la morale. Mais laissez-nous vivre. On s’en fout des dépositions. On veut la vie. On veut respirer. Et si la littérature nous en empêche, on ira voir ailleurs.
On veut inventer. On veut inquiéter. On veut foutre la zone. La vie nous appelle à la zone. Au naufrage e nous-mêmes. Nous sommes des êtres qui de toute part déconnons. Nous déconnons de toute part et ça ne fait que commencer. La déconnade est la seule contre mesure. La contre-mesure face à ce qui nous est dit, dans la littérature et ailleurs.
Votre pensée est la mesure qui convient trop à notre temps. Et il faut en découdre avec le temps. L’homme est un Mesrine en puissance. C’est un être qui déconne de toute part. C’est pour cela qu’il faut écrire des manifestes. Des manifestes pour qu’on nous foute la paix.

  [Chronique]  
La voix
Avec pas de tombeau pour mesrine, se produit une sorte de tournants, ou en tout cas de distance, par rapport aux précédents textes de Charles Pennequin. Cette distance provient du fait que ce n’est plus précisément la même voix qui nous parle, nous interpelle, faisant tourner dans des boucles sa langue et le monde, le monde donné à vivre par la langue.
Dès Dedans (Al dante), il y avait comme une forme d’écart entre celui qui écrit et celui qui est exprimé dans le texte. Écart qui provenait de la langue, de la parfaite mécanique des phrases, de la saturation même parfois. La langue trouvait son indépendance, s’échappait du nom au nom de l’auteur lui-même. Cet écart témoignait ainsi de quelque chose qui restait caché, de celui qui en son nom propre, au titre de ce qui touche son nom (l’implication du pronom personnel première personne du singulier), pourtant se tenait dans une certaine distance de ce qui était écrit, passant imperturbablement du je au on au il, faisant miroiter toutes les facettes d’une schizophrénie. L’exprimé n’était pas celui qui s’exprimait. Celui qui s’exprimait se dépliant en plusieurs sujets, pouvant même jouer à l’absurde la profusion des sujets : le brouillage de la catégorie du sujet.
Ici, cet écart est estompé. Sans doute, la circonstance factuelle y fait-elle pour beaucoup. Pas de tombeau débute sur une forme anecdotique. Charles Pennequin dans le cimetière de Clichy à rechercher la tombe de Mesrine, à ruminer, littéralement parlant, le fait que son manuscrit sur Mesrine, présenté à l’éditeur qui lui avait commandé, ait été refusé. On devine que quelque chose se noue dans ce double mouvement. Mais surtout, on fait face à une voix plus sensible et personnelle que dans les autres textes, une voix qui s’ouvre dans une certaine souffrance.
Ainsi avec pas de tombeau, nous sommes placés, grâce aussi à une langue plus sèche, plus tranchante, se refusant à trop tourner en boucle, non pas dans la distance de Charles Pennequin, mais dans la proximité réelle de celui-là qui écrit. Le pronom personnel d’une forme de témoignage ne le lâche pas. Proximité d’une souffrance et simultanément proximité de sa rage.
D’ailleurs il n’écrit pas, il parle, il nous parle se parlant, il nous prend à témoin de ce qu’il pense, de ce qu’il dit sur Mesrine ou sur lui-même. Il nous apostrophe, nous autres qui le lisons. Il déborde, sans le dire le pacte du livre, pour nous immiscer dans une autre forme de relation. Proximité d’une souffrance qui était déjà dans les autres textes. Celle de vivre.

Sismographie ≠ fictionnalité

Ce n’est ni un essai que nous lisons, ni un roman, ni la biographie de Mesrine. Ce n’est pas non plus à proprement parlé une auto-fiction. C’est une chrono-bio-graphie de la conscience de Pennequin. Sorte de vibration sismique de la vie qui se fait au sein de l’écriture. Quasi une sismo-graphie de l’activité de la pensée. La pensée s’inscrit dans le temps de son mouvement. Si l’immanence a toujours caractérisé l’écriture de Charles Pennequin, au sens où la langue se nouant à elle-même se refuse de proposer toute forme de transcendance au texte, ici elle est d’autant plus accentuée au sens où nous sommes plongés dans une rumination personnelle, qui s’inscrit comme dans une marche. Comme si Charles Pennequin, tel qu’il le fait souvent en performance, avait enregistré sa voix dans un dictaphone traversant les allées du cimetière.
Le refus du manuscrit, dont de fait nous comprenons que nous n’avons que quelques extraits dans cet ensemble, extraits remixés, mêlés à ce qui surgit là à partir du refus, est lié au fait que Charles Pennequin justement ne fictionnalise pas le rapport à Mesrine. Ne crée pas une doublure romancée. Ne compose pas une hagiographie, ni ne le pose comme un modèle. C’est d’ailleurs le problème que rencontre son éditeur (“ils aiment beaucoup mon travail mais trouvent que ce n’est pas assez romancé” (p.3))
Auparavant, il y avait très souvent des mentions biographiques dans les textes de Pennequin, que cela soit sur la caserne, ou bien le milieu intime, ou des anecdotes. Ici, tout se rapporte à un seul moment biographique. Pensée ininterrompue dans ce moment de recherche de la tombe, du tombeau qui ne se montre pas.

 

Il s’agit du témoignage de Pennequin par rapport à son rapport à Mesrine, et en quel sens ce rapport n’est pas seulement celui d’un observateur extérieur à un objet, mais implique une forme de relation affective avec Mesrine.
Pennequin témoigne de la manière dont le motif Mesrine s’inscrit en lui, vient le faire réfléchir, implique des mouvements de pensée.

Le témoignage — comme je l’ai expliqué à plusieurs reprises — serait ce qui caractériserait la littérature. La littérature n’est pas seulement fiction, à savoir suspension de tout principe de réalité et ouverture sur le seul domaine de l’imaginaire et de ses variations. Elle ne peut pas non plus être réduite à une entreprise seulement objectivante, d’objectivité, ce qui serait la rabattre sur les critères de la science. Elle est témoignage, car toujours, en son creux, y compris dans la composition objectiviste (cf. Mon article sur Reznikoff) c’est une expérience subjective qui se trame : un sujet exprime son vécu de sens. L’auteur n’est jamais le neutre, ce qui est donné n’est jamais dans la neutralité. Il y a déposition du sujet, à savoir il donne à voir une expérience d’être. Mais cette expérience d’être justement n’est pas dans l’objectivité (neutralisation de la singularité par la catégorie de la rationalité du nous) mais elle est inexorablement reliée au je. La déposition n’est pas judiciaire, mais elle est poétique. Le témoignage est ce qui oscille entre l’objectivité et la fiction, est un entrelacement des deux. Jamais dans aucun de ses autres textes, Pennequin n’a été autant dans le témoignage de lui-même et de son propre étouffement.

Pennequin à de nombreuses reprises parle pour Mesrine, non pas en faveur, mais en quelque sorte à sa place. Prenant la parole à propos de Mesrine, il parle pour lui, au nom de son nom, en son nom au nom de lui. Est-ce qu’il s’identifie ? Non, il n’y a pas d’identification de Charles Pennequin à Mesrine. Il maintient constamment la distance, il creuse sans cesse leur altérité. Mesrines ≠ Pennequin. Et pourtant, Charles Pennequin parle au nom de Mesrine, à travers son nom, car il y a bien une forme de partage.
Pas de tombeau pour Mesrine se tient dans la question d’une reconnaissance de la part de Charles Pennequin, d’une modalité d’être chez Mesrine.
Charles Pennequin parle pour Mesrine, car il saisit, non pas dans la prose de Mesrine, son roman (“Mesrine est un cave en chose littéraire” p.20), mais dans la vie de Mesrine, son instinct de mort, une modalité d’être qui est aussi en lui.
Parler pour Mesrine, c’est alors témoigner tout à la fois de la proximité et de la distance qui le lie à celui-ci. Proximité de vécu de monde, distance : celle de la démarche de rechercher une tombe, un cercueil dernière et absolue “prison d’où l’on ne s’évade pas” (p.19), dans le cimetière de Clichy. Dès lors, en parlant pour Mesrine, Pennequin parle de lui, témoigne de lui dans la proximité/distance de Mesrine. Parle de son propre étouffement, de son propre instinct de mort. Mesrine le hante, comme une forme absente (cette tombe impossible, à savoir l’impossible effacement de sa présence), qui le met face à la responsabilité de sa propre voix, de sa parole.
“Sa pensée est toujours là, et qu’est-ce qu’on peut faire maintenant avec ça, qu’est-ce qu’on pourrait penser aujourd’hui à la lumière de la pensée de Mesrine”.
Mesrine point d’archimède pour se penser, pour éprouver le sens de son propre vécu. En sonder la souffrance. La vie de Mesrine comme lieu d’ouverture de la question de sa propre existence.

Les questions que posent Pennequin sur Mesrine mais aussi à Mesrine, du fait de cette liaison intime des deux modes d’être, deviennent des questions qu’il se pose à lui-même ? Des questions qui se posant pour Mesrine, s’imposent à lui, comme provenant de sa parole parlant pour Mesrine, en son nom.

Références et différences
Nous prenant dans l’intimité de sa pensée, et des questions qui s’ouvrent par le prisme de Mesrine, ici dans ce texte, il montre plus que dans tout autre texte, les références qui habitent sa pensée, qu’il traverse, dont il a entendu parlé, qui le font réfléchir, qui lui posent question. De même il parle et nomme bien plus d’élément dans une actualité politique. Dans bien des textes, les références sont présentes, mais sous forme elliptique, dans le travestissement des jeux de langue. Là, non.
Ainsi, tout au long du livre, dans chaque plan qui s’ouvre, apparaissent des noms, qu’il questionne, définit, interroge par rapport à Mesrine, met en perspective de cette vie-là, de cette respiration-là. Les références ne sont pas là pour illustrer un propos, ni non plus d’une manière universitaire. Déjà dit : il ne s’agit pas d’un essai. Mais elles sont là en tant qu’il les questionne à partir de son angle d’approche. Les références qu’il mentionne sont là, parce qu’elles le hantent, l’habitent, se sont imposés à son propre parcours, à sa propre pensée, sont venues structurées des logiques psychiques, des prismes d’observation. Ce que Pennequin interroge c’est en quel sens la vie, est prise dans des structures. Or ces strtuctures obtiennent leur réalité dans des polarisations nominales, qui enveloppent les réalités structurelles de pouvoirs, de stratégies, de mécanismes sociaux, etc. Elles sont prises dans un décorticage par moment absolument drôle, à l’humour grinçant, à d’autre moment prise plus gravement, ou encore mimée, détournée au rythme de sa propre écriture.
Les références, notamment philosophiques, qui parsèment l’ensemble des parties, réfléchissent la condition de l’homme. Que cela soit sur Derrida et une référence au livre L’animal que donc je suis (pp.58-59), Descartes et la question du mouvement de la glande piénale du criminel (p.53), Spinoza et la question éthique (pp.45-47).

Il en passe aussi par des formes mimétiques, comme sa reprise à rebour du discours de Degaulle à propos de Paris. (p.38)

Ce rapport aux diverses institutions symboliques, provient du fait qu’il tente de mettre à jour les raisons qui ont conduit Mesrine à être ce qu’il a été. Le parti pris qu’il a choisi, en voie explicative, c’est celui de la causalité sociale, politique, économique.

D’où son insistance à poser la question de la relation de Mesrine à ce qu’il ne connaissait pas, notamment l’Ethique de Spinoza que Mesrine n’aurait pas lu, n’ayant pas eu le temps “car l’Etat l’a envoyé faire la guerre et apprendre les rudiments de son métier de tueur” “car l’Etat, la loi, la société, la morale et l’argent, ainsi que les prisons et la mort réclament des têtes, toutes ces choses réclament des têtes pour faire fonctionner la vie des hommes” (p.46)

Si le plan politique n’a jamais bien entendu été absent dans les textes de Pennequin, le fait de se mettre en relation avec le destin de Mesrine, mêlé à cette immanence brute de sa pensée a amené une forme de référentialité qui ouvre le texte au monde d’autant plus. La pensée qui tourne sur elle-même, se fait masse questionnant poétiquement, n’est pas séparée de ce qui agit le monde, de ce qui en constitue le sens. Si dans de nombreux textes, il posait la télévision au centre de la boucle car même “Dieu vit dans le trou télé” (Ecrans, p.43 — Voix Edition), comme source de constitution du monde, ici on le perçoit aussi bien la dimension politique que la dimension philosophique constitue le monde de signification dans lequel il est immergé, au même sens que Mesrine était immergé.
Les références sont donc les indices d’une écriture et d’une forme de conscience littéraire qui a changé chez Pennequin. Moins dans l’auto-référentialité du texte, moins dans le jeu de la langue, et explicitant plus sa pensée, assumant davantage que ses textes ne sont pas poésie intransitive, mais qu’elles se posent comme axe de réflexion subjectif du monde. Il y a dans pas de tombeau une forme de mise à nu de la vie, mise à nu : elle se donne telle qu’elle est, avec une brutalité inédite, sans travestissement. La vie s’écrit dans son flux le plus immédiat.

Situation sur l’époque
L’écriture de Charles Pennequin depuis ses premiers textes prosifiés (au sens où comme Dedans, il y a eu passage d’une forme scandée versifiée, à la prose) a une faculté rare, qui est celle de la focalisation aigue sur les mots et les expressions. Le travail de surface, de dérapage de la langue s’établit ainsi très souvent à partir d’un motif insigne, que cela soit une chose, une fonction, un être, un événement, et il en épaissit le sens par association centripète, à savoir des associations qui reviennent toujours au motif. Travail d’expansion du sens par agrégation de langue autour d’une unité hyper-condensée. Chaque motif linguistique est le centre attractif de la dynamique de la langue.
C’est dans ces types de mouvement de la langue, qu’il ouvre à des critiques féroces, souvent cyniques, de structures ou comportements sociaux, politiques, subjectifs. Dans pas de tombeau, immédiatement, il nous saisit par un tel travail, mais portant tout à la fois sur l’éditeur et sur l’écrivain qu’il est. Le refusé.
Mais bien évidemment, le motif privilégié n’est autre que Mesrine. L’ensemble des textes tournent autour de la figure de Mesrine. Mesrine est le lieu à partir duquel, Pennequin énonce son rapport au monde. La description du monde ici rejoint les autres textes : il témoigne de la même difficulté d’être de la vie, prise dans les mécanismes d’institutions symboliques, qui la surveillent, la dirigent, l’étouffent ("il est de plus en plus dur de se maintenir en vie (…), c’st de plus en plus impossible car on est cerné, on est entouré, on est contraint" (p.11)) . Toutefois, Pennequin ici décrit et précise davantage le contexte. Pas de tombeau est plus réaliste quant à sa description de l’époque, du fait des références explicites qu’il donne. De plus, dans ce texte, il s’attache à séparer spécifiquement l’époque de Mesrine, de l’autorité de l’Etat, de la guerre d’Algérie, de l’époque actuelle, qu’il désigne comme post-moderne. “Mesrine est d’un autre temps”.
L’époque dans laquelle vit Mesrine, est celle d’un pouvoir politique autoritaire, à l’idéologie moderne, fondée sur la croissance continue aussi bien économiquement, qu’au niveau de l’idéologie des sciences et techniques. Epoque de la crédulité en la rationalité. Mesrine a vécu le système coercitif de l’Etat, ayant servi en Algérie, ayant torturé la population, comme lui-même fut touché par les tortures des nazis. Mesrine est dans une époque moderne, et c’est en ce sens que son action, contre l’Etat, sa haine, n’a pu s’incarner que selon une logique de modernité négative. Mais non pas littérairement (ce qui caractérise en grande partie le geste des avant-gardes), mais par la violence. “La violence contre la brutalité policière, la violence désespérée de la vie, la vie de ceux qui combattent (…), la vie violente de ceux qui laissent leur vie contre la brutalité des systèmes, les systèmes qui cassent tout espoir de vivre”(pp.29-30). Mesrine est moderne, au sens où son action, est celle d’une possibilité révolutionnaire. D’une action politique réelle dans le tissu social. La pensée incarnée dans le politique. On retrouve cela chez bon nombre d’intellectuels du début des années 70, cette tension révolutionnaire conjointe à la pensée, tension qui trouva son assomption pour beaucoup d’entre eux dans le maoisme.

Toutefois, en posant que Mesrine était en définitive moderne il en vient à poser la forme de désarrois et de mollesse d’une époque post-moderne et à se poser la question de ce qu’aurait fait actuellement Mesrine.
L’époque postmoderne est molle, elle est démocratique (p.29), or, nous le savons la démocratie bande mou comme l’avait énoncé Christian Prigent. L’époque postmoderne est la fin de l’époque révolutionnaire, des illusions de changer le monde. “Notre époque est une mise en bière de toute époque un peu révolutionnaire” (p.14)
Pennequin reconnaît qu’en cette ère postmoderne, si n’apparaissent plus des gestes de la radicalité de Mesrine, toutefois, il y a la possibilité d’une existence d’individus qui ressentiraient comme Mesrine, mais pas forcément avec des armes, mais dans la possibilité de l’expression : “il n’y a pas cependant à voir que du mauvais dans la post-modernité, car il y a aussi des Mesrine qui tant bien que mal vivent là-dedans, dans ce nid-là, et qui se démerdent bien, et qui se mettent à penser, qui mettent à écrire, à philosopher, qui posent ls flingues pour peindre”. (p.58)

Mais ce texte de Charles Pennequin dépasse le simple cadre de la critique politique, sociale, éditoriale. Il déborde ces questions pour poser une forme de description ontologique du sujet. Le vécu de sens comme lentille grossissante, démesurant dans le textualité ce qui est ressenti. Le langage est la peau du vécu. Et c’est ici que se dénoue le sens de pas de tombeau : comment assumer une époque post-moderne quand la situation ontologique du sujet est celle d’un étouffement radical et absolu. Que faire quand la chair, en elle-même est la tension ressentie d’une violence qui n’est plus possible en tant qu’action ?

Éthique du sujet
En différence du geste de Mesrine, Pennequin propose en quelque sorte de repenser l’art comme possibilité éthique. Possibilité d’habiter et de penser le monde, de se poser en lui sans être détruit, étouffer et pousser au silence.

Dans binôme (POL), Pennequin écrivait que “l’action d’un humain c’est son écriture, sa seule réalité, on est confronté à elle, c’est l’écriture qui nous confronte à la réalité, elle nous travaille c’ets comme la mort” (p.50).
Si la France pue, ce qu’il n’écrit pas pour la première fois, c’est que les gens sont pris dans des mécanismes qui les déproprient d’eux-mêmes, qui les amènent à s’oublier en tant qu’homme. Ce n’est pas la France en tant que telle qui pue, mais la puanteur, qui peut amener à des gestes comme ceux de Mesrine, ou bien qui conduit à une pensée qui endure la violence dans les arts et l’écriture, comme souffle de vie, est issue d’une forme de comportement. Celui de la masse. “la France tout ça qui pue parce qu’un peuple s’oublie. (…) Un vieux s’oublie dans chacun des jeunes en France. Et il s’oublie dès la naissance. Dès la naissance un vieux referme la boîte en partant” (pp.81-82).
Bien évidemment, on voit ici une ontologie essentialiste de l’homme, posé sur la volonté de liberté. L’éthique qu’ouvre Charles Pennequin, qu’il esquisse, tiendrait alors à la possibilité de la réappropriation de la violence dans l’ordre de l’action poétique et artistique. Non pas en tant que cela transformerait la société (utopie des avant-gardes historiques qui les a conduit aux collusions par exemple avec le maoisme), mais comme possibilité d’endurance de soi et de relation à l’autre.
Car c’est bien cela qui est en jeu pour ceux qui sont ontologiquement dans un vécu de sens de la souffrance et du désespoir : comment endurer et comment rencontrer ceux qui de même témoignent d’un même vécu de sens.

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Philippe Boisnard

Co-fondateur de Libr-critique.com et administrateur du site. Publie en revue (JAVA, DOC(K)S, Fusees, Action Poetique, Talkie-Walkie ...). Fait de nombreuses lectures et performances videos/sonores. Vient de paraitre [+]decembre 2006 Anthologie aux editions bleu du ciel, sous la direction d'Henri Deluy. a paraitre : [+] mars 2007 : Pan Cake aux éditions Hermaphrodites.[roman] [+]mars 2007 : 22 avril, livre collectif, sous la direction d'Alain Jugnon, editions Le grand souffle [philosophie politique] [+]mai 2007 : c'est-à-dire, aux éditions L'ane qui butine [poesie] [+] juin 2007 : C.L.O.M (Joel Hubaut), aux éditions Le clou dans le fer [essai ethico-esthétique].

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3 comments

  1. denis hamel

    je viens de finir le livre de charles sur mesrine. c’est un petit
    livre tout gris, plein d’amertume et d’aigreur. moi je suis né en 73,
    alors mesrine, c’est assez abstrait pour moi, je n’ai pas vécu les
    evenements en direct, mais ce que dit charles peut encore etre
    valable aujourd hui. charles il est tres critique avec la democratie,
    il persifle et se moque : c’est rigolo, dit-il, de croire encore à la
    democratie, comme si c’était de la faute à la democratie si il y a
    des gens comme mesrine. mais des mesrines il y en a à toutes les
    époques et dans toutes les sociétés. non mesrine n’est pas un poète-
    martyre, mesrine est un beauf sanguinaire qui a bien cherché ce qu’il
    a eu. c’est schubert le poète-martyre qui aide à vivre, pas mesrine.
    les gens comme mesrine n’apportent que de la souffrance, du malheur
    et de l’épouvante, ils n’aident pas à vivre, non. la question, c’est
    que faire avec les gens comme mesrine ? moi je sais pas, c’est pas
    mon bouleau de décider ça. mesrine c’est pas robin des bois ou
    guillaume tell, non. mesrine il a pas lu les fondements de la
    metaphysique des moeurs, non. moi je suis pas un revolté comme
    charles, juste un lampiste, un planqué, un jean-foutre, alors
    mesrine, bah je m’en tape. je suis democrate parce que c’est le moins
    pire des systèmes et je voterai toujours contre les partis
    extremistes, point barre. au niveau de l’ecriture le livre de charles
    est bien torché. mais mesrine méritait-il ce livre ?

  2. quelennec

    Un livre rapide comme une balle, j’attends une écriture de ce niveau concernant action directe;-)

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