[Livre - chronique] Pierre Guyotat, Par la main dans les Enfers, par Jean-Paul Gavard-Perret

[Livre – chronique] Pierre Guyotat, Par la main dans les Enfers, par Jean-Paul Gavard-Perret

octobre 21, 2016
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[Livre – chronique] Pierre Guyotat, Par la main dans les Enfers, par Jean-Paul Gavard-Perret

Pierre Guyotat, Par la main dans les Enfers. Joyeux animaux de la misère II, Gallimard, "Hors Série Littérature", 20 octobre 2016, 432 pages, 24 €, ISBN : 978-2-07078447-9.

Présentation éditoriale

«Une mégalopole à la jonction de trois continents, d’océans, de cordillères ; mégapoles, bras de mer, fleuves, massifs, pics, glaciers, terres riveraines sous montée des eaux ; enchevêtrements de voies au sol et suspendues ; tours de verre, temples, ports, théâtres sur l’eau, habitats de pilotis, décharges-montagnes ; rats, chiens, rapaces diurnes et nocturnes, singes, serpents, fauves.
Guerres, asservissements, peu de zones libres, très peu d’humanité paisible.
En bordure d’un district de l’une des cités-mégapoles qui constituent la mégalopole, et devant une zone de chantiers portuaires, dans un ancien bar avec habitation à l’étage, un bordel. Un maître, fils de l’ancien tenancier, y possède trois putains : une petite femelle, muette, étendue à l’étage, deux mâles – celui, sans nom, qu’il a hérité de son père et l’un des très nombreux "petits" de ce mâle, épars dans les mégapoles : nommé, lui, Rosario.
Ni "clients" ni "prostitué(e)s", figures et termes d’une sociologie et d’un érotisme désuets ; mais "ouvriers", "tâcherons" – presque tous bons époux et bons pères – et "putains" ou "mâles" et "femelles" ; humains et non-humains.

La première partie de Joyeux animaux de la misère s’achevait provisoirement sur la copulation de Rosario avec sa génitrice en activité dans un bordel d’un lointain massif minier : une progéniture en est attendue.
Cette deuxième partie, Par la main dans les Enfers, met en scène, en voix, entre autres, la castration, dans une rixe, du géniteur de Rosario puis le transport "sanitaire" du castrateur, pauvre ouvrier tueur de rats la nuit, aveuglé par ses rats en rage, vers des "urgences" d’accès difficile, à travers stupre, massacre et beauté.»
Pierre Guyotat.

Chronique de Jean-Paul Gavard-Perret

Dans ce deuxième temps des « Joyeux animaux », Guyotat poursuit ses déferlements premiers : il criait « ah mince il faut que j’y change de cri si le petit ventru me fait crier, que je m’y pense quand, sa paume à ma fesse, il m’entraîne au pieu, qu’il m’y bascule sur le dos… à peine il m’a déjà enfilée… ». Le courant de conscience est bien loin de celle de Joyce. Sa furie verbale semble repoussée au rayon des antiquités. Plus que jamais l’auteur répond à ce que Leiris pensait de lui : à savoir un auteur capable d’hallucinations à un degré exceptionnel. Il prouve ce qu’il advient du langage lorsqu’il rapproche la pensée du sexe.

Ses « sanies » font merveilles, elles agissent venant non assouvir la soif de sexe mais le porter dans une errance où les « chattes mâles » sont béantes. Héritier de Sade et de Genet, Guyotat éclaire sur les comportements « clandestins » de l’être. On peut le prendre comme un animal et le regarder comme un aliéné. Les sujets essentiels sortent du logos admis, et l’auteur de s’emporter contre ce beau gars d’égout qui veut le quitter « pour la femelle (…) …une si jolie fraîche à seins que ça sent (…) le petit con frais palpite que tu descends ta lourde braguette y toucher la toison. »

L’homme devient putain (mot masculin s’il en est chez Guyotat), à proximité des ports et des chantiers ou dans des restes d’immeuble où des êtres viennent pour divers « voyages ». « Salope » se transforme en mot sinon d’amour, du moins de tendresse dans un monde de raies, de chiens, et d’enfilade. En ses incantations le langage s’enfonce dans le corps esclave, joyeux, toujours en chasse.

Partout perce le théâtre intrinsèque de cette écriture-sperme jaillissant en  « Labyrinthe-Guéhenne ». Et ce, une fois de plus, dans l’attente de « Histoires de Samora Machel », œuvre annoncée il y a déjà plus de trois décennies et évoquée plus d’une fois dans Coma si cher à Chéreau. Pour l’heure, le tome 2 des « Animaux » écrit dans « le présent de l’écriture » convoque en «  langue aisée  » le proféré transgressif. La parole ample est souffle et houle qui arrache tout sur son passage.

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rédaction

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1 comment

  1. A.L

    Et pourtant je considère Eden, Edent, Eden…comme un des plus forts livre jamais écrit, jamais lu, une éprouvante traversée de quelque chose qui n’est rien sans le langage, mais le traverse pour nous relier à de l’obssession, de la folie singulière, ce qui nous expose de manière imparable à la vérité du monde enroulé dans la guerre, le sexe et le pouvoir. Mais, j’ai trouvé long, répétitif et incompréhensible souvent le tome 1 des joyeux animaux… Sans le sous-texte, l’émotion hypnotique qui me prenait à la lecture d’Eden. Sans le côté déchirant des ouvrages ou Pierre Guyotat raconte sa vie, ses addictions. Il a l’air de bien aller sur ce chemin qui lui appartient et qu’il prenne plaisir à le suivre, tant mieux. J’espère qu’il nous reviendra de cet autre côté sollipsiste où il me semble vouloir s’enfermer.

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