[Livre] François Cusset, Les Jours et les Jours, par Périne Pichon

[Livre] François Cusset, Les Jours et les Jours, par Périne Pichon

avril 29, 2015
in Category: Livres reçus, UNE
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[Livre] François Cusset, Les Jours et les Jours, par Périne Pichon

François Cusset, Les Jours et les Jours, P.O.L, février 2015, 352 pages, 17,90 €, ISBN : 978-2-8180-1488-2.

 

Si la vie vraiment vécue était l’imaginaire ? Sous le patronage de Saint-Marcel, François Cusset livre les pages de ce journal aussi intime que fictif, un « journal infime plus infirme qu’intime », clin d’ œil à Proust qui lance cette idée du « Dernier Journal », à faire « exploser, déborder du côté de la fiction, de l’imaginaire ». Le défi est lancé, le décompte des jours commencé.

 

Pas de précision sur l’année : n’importe laquelle sera la bonne. Mais le journal reste un témoin du « jour », aussi vide d’occupation et de signification qu’il puisse être. Aussi, le « je » de François Cusset campe la silhouette d’un baroudeur du dimanche qui, s’occupant à ne rien faire, est occupé à regarder faire les autres. En marchant dans les rues ( le plus souvent parisiennes), il croque les excès d’une « fashion week » au Louvre, commente la manifestation des personnages de cartoon et croise des célébrités politiques, artistiques et sportives de toutes époques : de Gainsbourg à Pernette du Guillet en passant par Jaron Lanier. Dans ces rencontres, programmées ou hasardeuses, le diariste conserve ce rôle de témoin silencieux de plusieurs siècles de noms historiques.

 

Mais il est aussi (parfois) dans l’action : armé de ces quelques « gadgets », il pourrit la vie de people peu sympathiques. Activités de farces et attrapes qui permettent de remplacer le mot par le geste lorsque le ras-le-bol menace de se transformer en ras-de-marée. Activités imaginaires contre des noms bien réels pourtant, accordant à ce journal fictif un point d’ancrage dans une réalité.

 

 

« J’ai le même rapport en yo-yo avec ce journal qu’autrefois avec ma vieille psy : j’y vais à reculons, n’ai rien à y dire, lui en veux de me servir à rien ; puis dès que la petite colère retombe, s’impose à nouveau le besoin brut, un peu bêta, silencieux et sans contenu, que je continue à en avoir, vaille que vaille. »

 

 

Le journal fictif est finalement presque plus contraignant que le journal intime : non seulement il faut y écrire presque tous les jours pour lui conserver sa forme, mais on ne peut l’abandonner aussi facilement que son homologue. Ce que résume le paradoxe entre le constat d’un journal qui ne sert à rien et le « besoin » d’en avoir un. Sans doute le journal, même fictif, reste-t-il le lieu où l’on peut « dire » avec contradiction, voire avec vagabondage de parole et de raison. Mais c’est le cynisme dans toutes ses nuances qui prédomine dans cette tension entre écriture du jour et fiction de l’écriture. On peut être déçu par le réel, mais quand le réel est une fiction, comment en sortir ?

 

 

« Longtemps je m’étais couché très tard, de peur de mourir, ou d’être seul. Maintenant que je ne suis plus grand-chose, que je suis en bon terme avec le vide, je peux enfin me séparer – puisque c’est ça me coucher, se mettre au lit, dormir, c’est juste se séparer, rien de plus, comme me l’avait fait comprendre Mathilde Troper-Friedman après huit ans de séances deux fois par semaines. »

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rédaction

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