[Livre] Gérard Genoud du bâton à la béquille, par Jean-Paul Gavard-Perret

[Livre] Gérard Genoud du bâton à la béquille, par Jean-Paul Gavard-Perret

novembre 26, 2013
in Category: Livres reçus, UNE
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[Livre] Gérard Genoud du bâton à la béquille, par Jean-Paul Gavard-Perret

Jean-Paul Gavard-Perret nous fait apprécier de subtils jeux de miroirs.

 

Gérard Genoud, Mémoires enchâssées – Récit et photographies, coll Re-PACIFIC, Editions art&fiction, Lausanne, novembre 2013, 104 p., 37 CHF/25 €, ISBN : 978-2-940377-69-5.

 

 

Celui qui tremblait dans ses rêves y erre à nouveau à l’aune de la vie cloné  d’un de ses patients. Il tente de le remettre à flot en le retirant des sombres jours de sa jeune mais pantelante existence. Le rêveur insomniaque, c’est Gérard Genoud. Ecrivain, photographe, créateur du collectif lausannois « Hapax », il est aussi psychothérapeute. Son livre est le récit croisé de deux existences. L’enfant espérait pour la sienne des cartes du tendre : il doit faire avec celles que le hasard lui a jetées. Elles sont autant pipées que claustrales. Celui qui pensait pouvoir s’éployer sur des îles de sérénité fut débarqué sur une contrée condamnée. Face à ce miroir, Genoud rentre dans ses propres vieilles images comme dans des trous de tourbières.  Face à la vie en panique de l’enfant qui ne connut pas des bains de jouvence : le thérapeute ne peut donc faire abstraction de ses fantômes qui rôdent. D’où ces « mémoires enchâssées » dont les photographies retiennent les tracés sinueux.

 

Au fil du texte des images sourdes remontent chargées d’azote. L’auteur ne se veut ni singe savant, ni sage qui jouerait les re-pères. Face aux précipités de ce que Beckett aurait nommé les « foirades » de ce qui fut torché en vrac, l’auteur tente de créer des remparts. Et si l’existence du « malade » (de tout ce qu’on l’a spolié)  semble encore mourir d’une douleur qui devient commune subsiste toujours un peu de sang vermillon même s’il se transforme en  flot noir à briser les poitrines. Loin du pathos, un tel livre est passionnant. Arqué vers le passé il lorgne sur l’avenir. Genoud ne prétend en rien recoller les lambeaux de ce qui fut. Sa tache est plus humble : il s’agit de reconquérir ce qui pourra être sauvé afin que l’enfant retrouve un asile sous ses pas et qu’il fasse abstraction des bacchanales sombres où sa chair et son esprit se délitaient. Reste l’espoir secret qu’une boulimie de sens vienne faire enfin la nique à ce qui jusque là n’en avait pas. Ou trop mal.

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rédaction

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