[Livre] L'usage des mots (à propos de F. Andoka et L. Dorfner, American Love Story), par Jean-Paul Gavard-Perret

[Livre] L’usage des mots (à propos de F. Andoka et L. Dorfner, American Love Story), par Jean-Paul Gavard-Perret

juin 20, 2018
in Category: chroniques, Livres reçus, UNE
0 2398 9
[Livre] L’usage des mots (à propos de F. Andoka et L. Dorfner, American Love Story), par Jean-Paul Gavard-Perret

Florence Andoka et Léo Dorfner, American Love Story, Littérature mineure, Rouen, 2018. Deux feuilles de papier cream 150 gr pliées l’une sur l’autre, l’une dans l’autre. Impression noire et pliage à la main. Dimensions : 15,2 x 19 cm environ.

Rien ne fait que le réel s’épuise dans le mot, il n’est qu’une question ouvrant à l’ignorance. C’est pourquoi tant d’  « auteurs » y renoncent préférant la nostalgie à l’hors de portée où le mot est  toujours débordé par ce qu’il dit. Croyant atteindre son but il le repousse un peu plus loin dans une misérable grandeur de l’écriture, sa tension, son effet de claque (à tous les sens du terme).

A l’inverse – et en s’appuyant sur une planche d’aquarelles « mémorielles » d’une star décédée de Léo Dorfner – Florence Andoka propose un « cinéma du cinéma », un processus d’évocation d’un corps iconique d’où il ne reste bientôt qu’une bouche sans lèvres, des lèvres sans bouche là où soudain les mots ne sont plus dedans mais devant.

La poésie ne signifie plus la maison de dieu ni celle du réel mais celui d’un imaginaire qui « réimage » une star qui rendait le réel dépassable, mais qui fut rattrapée par lui. D’où l’aspect « fragment amoureux » d’un tel livre qui ne cerne pas ce qu’il pensait capter mais dit mieux là où le dessin montre – et volontairement – « mal ».

Le texte devient un mouvement et une attente enfermant leur contraire. Il fait et défait avec une beauté qui entraîne la reprise de la circulation du désir dans  l’errance des images. L’écriture reste proche de la disparition  Il y a en elle ce qui n’est pas. Il n’y aura jamais de même, même par le mot « même » car le texte incise une image sensiblement inexistante. 

Mais c’est porter atteinte au vide après l’avoir rempli pour qu’un autre abîme naisse. Le livre engage donc toujours le mouvement vers le plus juste que l’image en quelque sorte « rate ». Cherchant l’apparition il crée la distance nouvelle en se jetant dans le trou dont l’image est abîme. Et si le verbe n’est pas chair il n’en est pas le contraire la sensualité qu’une telle écriture émet superbement.

, , , , ,
rédaction

View my other posts

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *