[Livre] MERCIER, L'An 2440 [collection

[Livre] MERCIER, L’An 2440 [collection « Le Répertoire des îles]

janvier 28, 2010
in Category: chroniques, Livres reçus, UNE
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Louis Sébastien MERCIER, L’An 2440 (1771), édition Burozoïque, janvier 2010, 334 pages, 17 €, ISBN : 978-2-917130-23-0.

Bien que nous doutions fortement aujourd’hui que l’An 2440 puisse "amener la félicité sur la terre" et que, dans cette société future, les "gens de lettres" puissent être considérés comme "les citoyens les plus respectables", il convient de (re)lire cette utopie critique dans l’édition de poche soignée et superbement illustrée que nous proposent les éditions Burozoïque.

Présentation éditoriale :

"Né à Paris en 1740, Louis Sébastien Mercier fut tour à tour professeur de rhétorique, député à la Convention, membre de l’Institut, des Cinq-Cents, et tout à la fois dramaturge, romancier, essayiste, poète, moraliste. C’est en 1771 que l’auteur du Tableau de Paris écrit la version originale de L’An 2440, rêve s’il en fut jamais, considérée comme un des premiers textes d’anticipation. En prédisant "tous les changements possibles depuis la destruction des Parlements jusqu’à l’adoption des chapeaux ronds", Mercier est moins "le véritable prophète de la Révolution", que le formidable chroniqueur de "ce monde qui finit, et de ce monde qui commence" qu’est le XVIIIe siècle."

Note de lecture : Paris au XXVe siècle…

"Le temps présent est gros de l’avenir…" (Leibniz).

Avec cette somme du trop méconnu Louis Sébastien MERCIER – dont la rédition était d’autant plus indispensable que le volume paru à La Découverte n’est plus disponible et que, en conséquence, il nous fallait nous contenter jusqu’à présent des scans proposés par Gutemberg et Gallica -, l’inédite collection du "Répertoire des îles" s’enrichit d’une utopie supplémentaire dont l’intérêt réside, plus encore que dans celui d’annoncer la fin de l’Ancien Régime, dans la rupture avec le modèle dominant du récit décrivant une société idéale inlocalisable, c’est-à-dire localisée sur une île. Dans sa postface, Michel Lallement situe ainsi le projet de Mercier dans le champ intellectuel de l’époque : "À défaut de pouvoir encore tirer pleinement parti des deux infinis (l’atome et l’Univers) qui s’ouvrent à la conscience humaine, il fallait, pour conquérir de nouvelles îles d’utopie, inventer un troisième infini. Ce sera le temps, cet autre territoire qu’il est loisible d’explorer et d’exploiter (…)."

Cette uchronie d’un type particulier oscille entre la critique de la société contemporaine et la projection vers un avenir radieux : le Paris de 2440, que nous découvrons au fil des d’ambulations d’un guide anglais, est exemplaire en matière d’urbanisme, d’"écologie", d’égalité, de respect des "droits naturels"… Nous sommes même invités à méditer sur le microcosme littéraire : "La critique n’est permise qu’à celui en qui les lumières, le discernement et la probité ne sont altérés par aucun intérêt personnel" (168) ; "je ne connais rien de plus dangereux que les médailles de nos académies littéraires. Le vainqueur se croit réellement un personnage, et le voilà gâté pour le reste de sa vie" (189).

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Fabrice Thumerel

Critique et chercheur international spécialisé dans le contemporain (littérature et sciences humaines).

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