[LIVRE] Pascale Petit, Manière d'entrer dans un cercle & d'en sortir

[LIVRE] Pascale Petit, Manière d’entrer dans un cercle & d’en sortir

mai 20, 2007
in Category: Livres reçus, UNE
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pascale_petit.jpgManière d’entrer dans un cercle & d’en sortir, Pascale Petit, ed. Seuil, coll. Déplacements, 207 p. ISBN : 978-2-02-093053-6, 16 €
[site du seuil]
[site de François Bon présentant la collection Déplacements]
4ème de couverture :
Un éclatement de formes où interviennent des lettres, des phrases d’enfant, des descriptions d’objets scientifiques et des listes d’inventions à faire. Le monde : d’étranges jardins, parfois familiers, parfois fantastiques. Il ne s’agit plus d’un homme, d’une femme, et du témoin de leur relation, mais les personnages deviennent roi, reine, coiffeur. Un univers qui fait de notre quotidien le palais de notre relation à l’autre. En quoi le monde aujourd’hui modifie le plus élémentaire de cette relation d’un être à un autre. Pascale Petit n’invente pas de roman, ne décrit pas le monde, ne se réfugie jamais dans l’allégorie : elle met à l’épreuve ce qui nous lie à nos proches, dans le contexte le plus actuel de ce qu’est vivre aujourd’hui. F.B.

Pascale Petit a notamment publié Tu es un bombardier en piqué surdoué, aux éditions Bleu du Ciel en 2006, Salto Solo aux éditions L’Inventaire et des pièces de théâtre à L’École des Loisirs.

Premières impressions :
Pascale Petit, à travers cette relation triangulaire, du roi, de la reine et du coiffeur, explore non pas la relation directe, mais les relations possibles que chacun d’entre eux tisse aussi bien à eux-mêmes qu’aux autres. En effet, à travers leurs lettres, leur journal ou leurs messages, ce qui se constitue n’est pas le plan solide d’une mise en jeu relationnelle définissable, ni non plus un monde appréhendable, mais c’est l’indéfinissable des univers de chacun des protagonistes, qui sont pris, surtout pour le roi et la reine, dans l’impossible fixation de leur propre pensée et delà l’impossible de leur relation.
Ainsi on suit la multiplicité des inventions scientifiques et techniques du roi. Inventions relayées aussi bien par lui que par la reine ou leur témoin. Chacune d’entre elles, apparaît comme une mécanique plus ou moins absurde, aux fonctions parfois peu discernables. Et c’est bien tout l’univers de ce texte qui se révèle comme ces mécaniques : une forme d’assemblage mouvant, aux parties précises mais aux combinaisons précaires, que chaque protagoniste endure dans la solitude de sa propre parole.
Ce texte ne cherche pas tant à créer un univers qu’à montrer la fragilité des assemblages mentaux de l’humanité ici en jeu avec ces trois présences. La reine, femme, prise dans sa position de femme, qui tend vers le roi, toujours déjà absent, retiré dans l’amphithéâtre de sa pensée, obnubilé par lui-même, au point qu’il ne l’entende pas, de sorte que, comme elle l’écrit dans ses brouillons de lettre au roi : « Plus je vous appelle, moins je vous parle. Ce sont des cris d’appel qui signifient autre chose ». La reine prise dans les affres de ses désirs, notamment celui des enfants, qu’elle ne peut toutefois parvenir à imaginer, car tel que le dit le coiffeur : « Elle a essayé de compter tous les enfants qu’elle n’a pas eus. Mais elle n’y arrive jamais : »Ils bougent tout le temps, ils sont tellement vivants ».
Le roi, enfermé dans ses inventions, notamment son tricycle, élaborant un univers complexifié de poulies, de cordes et de ficelles, lui-même ne peut se saisir. Pris sans doute dans sa propre tentative d’agrandissement de l’espace, il ne peut maintenir son propre temps, le stabiliser dans ses souvenirs : « Il y a des cas où il est strictement impossible de pouvoir prendre des notes sur ce qui se passe dans sa propre vie & ce qu’on peut cependant recueillir s’avère parfaitement inutilisable. »
Ces univers donnés à lire par Pascale Petit sont ainsi non pas tant lapidaires, que fragmentaires, tout à la fois très concrets, et dans une certaine forme de dérive, où peu à peu ce qui insiste tient bien de la question de la relation, de sa possibilité : tout à la fois dans la parole et les secrets.
En lisant une première fois ce texte, m’est revenue une phrase de Godard, glissée dans Nouvelle Vague : « Les femmes sont amoureuses, les hommes solitaires ». Ce qui se noue et dénoue dans ces lettres destinées à l’autre, ces écrits donnés seulement pour soi, me semble entrer en écho avec cet énoncé. D’un côté une femme en tension vers l’homme et qui est submergée par son désir et l’univers en décomposition de ce désir toujours différé dans sa réalisation, et de l’autre la posture masculine du roi, tout à la fois ouvert à la reine, mais ouvert dans une forme de dénégation, au sens où toute relation du roi à la reine est inscrite dans une autre relation : celle qu’il a avec lui-même./PB/

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rédaction

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4 comments

  1. CHAUSSOIS

    Oui, le livre de Pascale Petit MANIÈRE D’ENTRER est l’un des plus beaux et originaux qu’il m’ait été donné de lire depuis longtemps.

    Il mérite de faire son chemin et qu’on en parle. (A ce sujet, votre critique rend parfaitement cet univers si particulier.)

  2. rédaction (author)

    En effet, ce livre dans ce qu’il entraîne est très original, au sens où le croisement des fragments de ces voix intérieures, ou adressées tissent un étrange et beau tissu. On pourrait en quelque sorte pour caractériser ce qui a lieu ici reprendre la liste des résolutions qui sont énoncées par la reine [p.148-151] : elles décrivent combinées aux compléments qui sont listés [« avant, devant, après, derrière, de travers, à cause de, …] bien les différentes intentions qui sont en jeu dans chaque fragment, dans chaque phrase écrite par l’un des trois protagonistes. De plus l’univers qui se dessine, celui visuel de ce monde à travers la description des jardins, les ordonnances, donnent une impression de monde tout à la fois très concret, mais aux lois [physiques ou politiques] absurdes. D’ailleurs ils répondent un peu de ce qu’écrit le roi : « le paysage que nous allons découvrir ne ressemble pas à ceux que nous avons l’habitude de traverser » [p.184].

  3. CHAUSSOIS

    Merci pour votre réponse. Oui, ce texte a quelque chose de magique à la limite de la fascination. Lu depuis du même auteur « Je suis un bombardier en piqué surdoué ». Et aujourd’hui une bonne critique du Monde qui vient confirmer s’il en était besoin notre
    enthousiasme pour cet auteur.

    Bravo à vous, rédaction.

  4. L'entrée des sauvages

    Je connais cette femme. Je la connais très bien. Elle exerce sous le nom de tor-ups le plus dangereux des métiers qui soient. Elle flotte de longs mois dans le vide intersidéral et récupère, sauve les dossiers mis à la corbeille par erreur Ces gens-là sont des héros, on ne le dira jamais assez.

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