[News] News du dimanche

[News] News du dimanche

décembre 7, 2008
in Category: News
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News du dimanche : sur le web : à propos d’Ici-là de publie.net, humeurs à propos de la littérature en format numérique et de la trivialité quantitative des argumentaires.

    [SUR LE WEB]    

[+] Lancement par publie.net sous la direction de Pierre Ménard d’une revue web à télécharger en PDF : d’ici-là. L’aventure de publie.net se poursuit et j’en suis heureux. Le n°0 est vraiment une très belle réussite graphique, assez pop/art contemporain. Des textes mis en page avec intelligence (Pierre Ménard, Arnaud Maïsetti, Franck Smith…). Reste que se pose la question de la pertinence du format revue au niveau du web. L’une des seules revues littéraires qui ait eu à mon sens une pertinence sur le web fut Chaoïd, du fait qu’était interrogé, parfois jusqu’à l’absurde, le format de la revue (avec Chaoïd, il s’agissait vraiment d’une revue multimédia, réfléchissant à chaque numéro à son interface (programmée) et aux médiums de diffusion). La question de la revue littéraire, en tant que périodique, me semble absolument liée à la question du support. Le web, étant un lieu de flux, c’est bien plutôt la question du flux qui est à mettre en question, tout à la fois comme processus continu et discontinu. Malgré ces quelques critiques, que les intéressés me pardonneront je l’espère, je souhaite bonne chance à cette aventure.

[+] On lira aussi avec attention, les différentes critiques portant sur les liseuses, tel par exemple cet article de Christian Fauré, qui explique : "Finalement, aussi moderne soit-il, j’ai eu la sensation que c’était un périphérique fait pour les pratiques de lectures les plus passives, je veux dire pour des pratiques sages, dociles et linéaires de la lecture. Ainsi je m’y suis senti à l’étroit, comme dans ces attractions où il faut “s’attacher et ne pas bouger” pour pouvoir profiter du spectacle." Je renvoie de même aux liens que l’on retrouve sur le site de La feuille dans l’article d’Hubert Guillaud mais aussi à cet article que j’avais écrit il y a plus d’un an : "je lis "un" livre je ne lis pas "le" livre". Plus je réfléchis à cette question du livre numérique, plus insiste étrangement en moi, cette idée qu’un livre — notamment dans les contrées contemporaines — ne peut être détaché de son support, contrairement à la musique. La musique, s’écoutant, le rapport au support matériel, est ajouté à l’écoute. Que le fichier soit purement numérique, un CD, ou bien une clé USB, l’écoute ne dépend pas du support, ou encore le support ne change pas fondamentalement le rapport esthétique spécifique à l’oeuvre. Par contre la littérature est irrémédiablement liée, quant à sa pratique au support. Il ne s’agit pas d’écouter une lecture (CD audio, enregistrement, etc) mais bien de lire. Le support est tenu entre les mains du lecteur et entre dans la relation de lecture. La liseuse formate le texte, comme si le texte n’était qu’une réalité dématérialisée. Un bref détour par flashback : en 1992 je fus gardien au musée du Louvre pendant deux mois. Durant cet été-là je vis passer nombre de visiteurs avec camescope, prendre leurs images, filmer, ou avec leur appareil photographique et de même saisir les toiles. La question que je me posais tenait au fait de savoir s’il se souviendrait en regardant leur photographie, ou bien leur vidéo sur leur TV de la différence de taille entre la Nef des fous de Bosch faisant 58 cm sur 32 cm  et de l’autre côté la Cène de Frans II Pourbus mesurant 3m70 sur 2m40, car la taille des deux oeuvres sera formatée au cadre de l’écran. Je ne pense pas, au sens où le contact aux oeuvres n’est d’aucune manière liée, pour ces gens-là, à un affect ou une rencontre de l’oeuvre, mais bien plus à la définition de leur propre personne, au fait de leur situation : avoir été au Louvre. La question du livre numérique demande, comme certains en témoignent, d’inventer la littérature ouvrant les potentialités du numérique (et ici François Bon a raison d’insister dans le sens de la découverte de nouvelles fonctionnalités de navigation par exemple avec les liseuses). Dans bien des cas, il ne s’agit que de support de diffusion, pour des textes qui n’ont de numérique que le fait d’être écrit sur support informatique (traitement de textes). Aucune pensée du numérique.
Ce qui domine en bref, quand je vois l’agitation actuelle : c’est surtout une logique économique du quantitatif (il n’y a qu’à lire les annonces : on parle de nombre de livres à disposition, de nombres de livres que l’on peut emporter, de marchés potentiels ) et non pas une réflexion sur ce qu’est la littérature et en quel sens elle peut inventer de nouvelles directions au contact de la technique. La trivialité quantitative — pour reprendre une expression de Debord — qui domine la musique envahit (mais elle était déjà là) le livre. Le syndrôme IPOD arrive. L’important ce n’est pas ce qui est écouté, mais bien le nombre de fichiers écoutables, emportables. Double impensé là-dedans : d’une part la musique qui est souvent écoutée par les ipodeurs, ne l’est pas réellement, elle est bien plutôt là pour isoler d’un contexte (transport), pour aménager du temps transitoire, pour libérer l’esprit. La musique, est alors transformée en musique d’ascenseur. Toute musique peut devenir musique d’ascenseur, comme tout texte peut devenir un passe-temps anodin (cf. le butinage sur internet). La question du ipod rejoint la logique de consommation généralisée de biens. Deuxième impensé : celui de la limite, de la finitude. Notre nature est celle qui tombe dans le fini. Nombres dans l’histoire l’ont dit : exister c’est s’intensifier dans la certitude sans espoir de la mort. De même tous nos rapports dépendent de limites. Ce qui fait la valeur sans doute d’une oeuvre par rapport à une autre c’est que je les saisis dans mon temps, et que ce temps de la saisie n’est pas infini. C’est la question du choix qui est en jeu. Or, l’illusion donnée par la trivialité de l’infini quantitatif numérique ouvre à un oubli du choix. Emportez toutes votre bibliothèque ! Question : pour quoi faire ? L’approche d’une oeuvre ne peut-elle se faire dans le contact parfois très limité d’un seul aphorisme d’un auteur alimenté alors non par l’hyperérférentialité technique (juxtaposition et multiplication d’informatons objetcives), mais par la vie même d’une pensée qui porte avec elle l’oeuvre vivante ? Qu’est-ce qui est prôné dans cet accès immédiat à la totalité, si ce n’est justement pour une part la négation de nos limites, de nos choix, de notre patience, de nos attentes, de nos frustrations. Toutes ces déterminations étant essentielles et déterminant notre être. De même, cela implique sans doute la question de ce qu’est écrire, de revenir sur son texte, de le réfléchir. L’heure du numérique est l’heure semblerait-il de l’accès immédiat à la publication/diffusion (garantie 100% efficace pour l’ego et son auto-constitution, d’où tant de précipitations, y compris pour moi). Mais ces textes sont-ils tous réfléchis ? Si pour une part on ne peut que se féliciter de l’horizontalisation de la diffusion, et de la possibilité de transmission (par contournement des hiérarchies verticales traditionnelles qui s’autocongratulent cyniquement de leur position), est-ce que pour autant il faudrait se taire sur la vacuité de plus en plus grande qui gagne  le web-littéraire, au sens où un grand nombre fasciné par la potentialité éditoriale, n’est plus dans la réflexion de ce qu’est véritablement le texte ? Qu’est-ce qu’écrire ? Qu’est-ce que l’attente ? Qu’est-ce qu’un refus de publication relançant l’aventure de l’écrit (car, oui, je défends pour une part que le refus de l’autre est aussi le lieu de l’aventure de notre écriture, de sa remise en chantier, de son élaboration. Et je sais de quoi je parle.) ?
De plus reste, aussi la question du fétichisme intentionnel que nous avons pour les objets matériels, et qui me paraît être très fort au niveau de l’objet livre. Il faudrait interroger cela sans doute avec insistance, sans vercer dans la caricature que l’on peut voir à certain moment. Ce fétichisme étant aussi pensable, comme on peut le constater avec les supports numériques, mais là, il y a une grande différence entre fétichiser le livre d’un auteur, celui-là qu’on possède et de l’autre fétichiser un instrument de lecture. Il n’y a qu’à faire la différence entre un livre et des lunettes.
Tout cela sous la forme de questions, jetées en direction de tous ceux qui sont disposés à réfléchir véritablement aux mutations actuelles./PB/

     [PUBLICATIONS RECUES]    

[+] Pause 01, publication du FRAC de Bourgogne. Pause est un journal et pas une revue. Pause a une péridodicité non définie, parce que Pause ne sera pas une publication mécanique et prédéfinie, mais répondra aux exigences de réflexion de la part du Frac et d’artistes ou de critiques sur ce qu’est un projet artistique, ou bien sur un débat animant le monde l’art notamment celui du Frac de Bourgogne. Pause consacre son espace à peu d’auteurs, pour leur laisser la place suffisante à l’exposition de leurs idées. Tous ces points sont très importants. Ce que souligne Eva Gonzales-Sancho et Frédéric Oyharçabal dans leur préface, c’est qu’il est nécessaire de réfléchir non seulement à ce que l’on pubie mais aussi à la manière dont cela peut se faire. Avec Pause 01, le lecteur ne sera pas dans l’univers souvent décevant de la critique d’art (copinage et discours interchangeable), mais bien plus dans le fil de deux pensées qui explorent la thématique qui s’est imposée à travers un choix très réduit d’artistes. Ici : la question générationnelle. Les trois artistes  choisis :  Knut Asdam, Johanna Billing et Marcelo Cidade.  Le premier grand article est d’Eric Chauvier, L’adolescence comme projet critique, au suje des sitcoms philosophiques de Knut Asdam. Grâce à l’espace qui est accordé à ce chercheur, spécialisé dans les questions anthropologiques, on découvre avec son article toute la pertinence du travail de Knut Asdam, et surtout on l’approfondit par le biais de la question de l’adolescence. Article passionnant, qui montre comment à travers l’adolescence, le travail vidéo interroge non pas seulement des individus mais la structuration même de l’espace social à partir des postures (jeu, surjeu, déplacement, mise en tension du rapport spectateurs/acteurs) mais aussi du langage/communication reliant les individus. Pour ceux qui veulent, vraiment lire des réflexions construites et qui prennent le temps de la mise en lumière de leurobjet, je ne peux que conseiller de trouver Pause, car ils y trouveront assurément, un accès pertinent aux oeuvres de l’art contemporain. Pause _ infos@frac-bourgogne.org _ 3 € _ ISSN en cours./PB/

[+] Mobile, album / international, 01_ thème IN BETWEEN. Importante revue qui sort ici, importante du fait de son sommaire qui est d’abord et avant tout un sommaire d’artistes et d’écrivains choisis au niveau international, où une part de créations rencontre une part de réflexion. Cette nouvelle revue franco-américaine est née des efforts de Montagne froide (Michel Collet et Valentine Verhaeghe). Elle est entièrement bilingue et se découpe donc en une partie : Papillonne (tout en quadri) avec des oeuvres de Michel Auder, Maud Capelle, Mathieu Exposito, Julien Blaine, John Giorno, Bob Lens, Hortense Gauthier et encore pas mal d’autres. Tous ces travaux, et les textes qui y sont liés, interrogent cette question de l’écart, notamment du point de vue de l’image, de la représentation, etc… Grâce aux petites introductions qui précèdent chaque oeuvre, le lecteur a immédiatement l’angle par lequel les aborder. La richesse des points de vue permet de saisir toutes les problématiques qui tissent ce between. Car la force d’une telle réunion, ce n’est pas tant dans les ressemblances, que les tensions, les écarts, les distances qui apparaissent entre chaque oeuvre, entre chaque proposition. Ces tensions se retrouvent de même dans la seconde partie, plus textuelle où on retrouve Démosthène Agrafiotis, Patrick-Beurard Valdoye, Denis Chevalier, Krzysztof Knittel, Richard Martel, Edgar Morin ou encore Louis Ucciani …. Que cela soit à travers des articles de recherche comme ceux de Richard Martel questionnant l’intermédia chez Dick Higgins et Giordano Bruno (oui, oui, vous avez bien lu), ou bien l’entretien d’Edagrd Morin mené par Michel Collet, interrogeant la notion de l’entre-deux comme structurant la complexité de la représentation sociologique, ou bien que cela soit à travers des témoignages de performances ou d’oeuvres, comme avec Krzysztof Knittel, chaque texte élabore cette question du between, pour montrer comment elle est au coeur des oeuvres mais aussi des démarches de lecture de l’art. On ne peut qu’inviter les lecteurs à la découvrir, car ce premier numéro est d’une réelle qualité. Mobile 01 _ 10 € // abonnement 20 € les deux  numéros _  ad: Welcome, 2 bis Place de Lattre de Tassigny, 25000 Besançon _ mobilealbum@free.fr. Diffusion Les Presses du Réel.

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rédaction

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4 comments

  1. Christian Fauré

    Merci pour la référence à ma note.
    La réflexion est ici plus qu’intéressante, notamment quand vous soulignez la dimension problématique de l’argumentaire quantitatif du marketing qui abandonne de facto tout esprit critique quant aux mutation probables du texte et de la littérature qu’il s’y joue.
    Comme vous le soulignez, avoir sa « discothèque » ou sa bibliothèque sur un périphérique ce n’est pas la même chose, contrairement à ceux qui font un peu trop un copié/collé des argumentaires utilisés pour l’iPod.
    Malheureusement j’ai peur que nous aurons droits à tout ces poncifs fallacieux dans les prochains mois et années.

  2. Fabrice Thumerel

    Je souscris totalement aux propos de Philippe comme de Christian. Et comme ce n’est pas encore la trêve des confiseurs, réveillez-vous, tous nos amis libr-critique ! Car la chose est sérieuse…

  3. Pierre Ménard

    Merci pour l’annonce du numéro 0 de la revue d’ici là.

    En avant-première, le sommaire du premier numéro de 90 pages à paraître sur Publie.net le 21 décembre est le suivant :

    Félicia Atkinson, Isabelle Boinot, Raymond Bozier, Mathieu Brosseau, Michel Brosseau, Philippe Cou, Pierre Coutelle, Philippe De Jonckherre, Caroline Diaz, Armand Dupuy, Stéphane Dussel, Pierre Escot, Guillaume Fayard, Pierre-Yves Freund, Rémi Froger, Olivier Guéry, Amande In, Anne Kawala, David Frédéric Lavignette, Lespiau, Arnaud Maïsetti, Xavier Makowski, François Matton, Pierre Ménard, Matthieu Mével, Grégory Noirot, Lolita Picco, Philippe Rahmy, Hubert Renard, Esther Salmona, Anne Savelli.

    Sur la question de la pertinence du format revue au niveau du web, la question de la revue littéraire en tant que périodique, tout à fait d’accord avec toi, Philippe, pour dire qu’elle est absolument liée à la question du support. Je ne prends pas du tout ce que tu écris à ce sujet comme une critique, bien au contraire : Le web est un lieu de flux, et d’accord pour mettre en question la question du flux, tout à la fois comme processus continu et discontinu. Mais c’est justement ce que l’on découvrira au fil des numéros, et sur lequel on travaillera, en collaboration avec tous les participants, actuels et à venir, dans leur diversité. Ce qui est du reste en jeu dans l’expérience numérique de Publie.net.
    Faire exister l’écriture, la création par tous les moyens, dans un éclatement permanent de tous les formalismes. Travailler toujours plus loin dans la rupture, en tentant de débrider nos représentations du réel. S’ouvrir à d’autres champs que la littérature, à travers des procédés générateurs communs au texte, à l’image et au son.

  4. fgriot

    tu as raison de la vigilance, et d’accord pour une bonne partie.
    en particulier quant au fait, probablement souhaitable, de réinjecter un peu de temps, de durée, dans les processus numériques, ceux de travail du texte comme ceux d’édition.
    pour être en train de passer bcp de temps à la construction de publie.net, je peux dire que je suis à la fois « passionné » par cette quasi immédiateté de la possibilité d’éditer un texte (même si travail long en amont de lecture, maquette, intégration), et à la fois désireux d’y retrouver un temps sans précipitation, une durée de maturation.
    et encore… pour pratiquer la méditation et les textes tibétains, comme je suis en accord avec ta citation « exister c’est s’intensifier dans la certitude sans espoir de la mort »…

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