[Entretien écrit] Eric Arlix à propos des éditions è®e

[Entretien écrit] Eric Arlix à propos des éditions è®e

septembre 12, 2007
in Category: entretiens, UNE
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arlix.gif Eric Arlix est écrivainil a publié [Et Hop] en 2002 et [Mise à jour] en 2003 aux éditions aldante et [le monde jou]en 2005 aux éditions verticales , il dirige les éditions è®e qu’il a créées et la collection Et hop aux éditions IMHO.

[HG] De quoi est né ton désir d’édition, ton désir d’éditeur ? Quelle envie, quel impératif, quelle nécessité t’a poussé à te lancer dans cette aventure ?
[EA] C’est juste contextuel, une sorte d’occasion, une envie et un désir aussi évidemment de voir en librairie les bons livres et pas que les mauvais. Je n’ai pas une vision professionnelle et carriéristes du métier d’auteur ou d’éditeur que j’exerce en ce moment, je suis avant tout artiste, un chercheur qui utilise des outils d’agencements de symboles pour lire, critiquer, découvrir le monde.

[HG] Qu’entends-tu par ce tire ère ? une réflexion sur l’époque, une manière de positionner dans le contemporain et en même temps dans un temps long ?
[EA] Oui c’est ça.

[HG] Le r entouré, est-ce une façon de créer non seulement un titre, mais un label, une marque ? Mais c’est aussi une façon de souligner l‘importance de la question économique, en faisant un clin d’œil à la logique marchande qui est censée fonder toute entreprise commerciale, et éditoriale ?
[EA] Trouver un titre ce n’est pas simple, oui c’est une marque, un label, une entité intellectuelle et commerciale, une manière d’assumer l’aspect commercial mais avec une certaine éthique.

[HG] Comment envisages-tu ce rapport entre l’économie et le littéraire dans le contexte actuel de l’édition, mais aussi de façon plus générale ? Il me semble que tu as trouvé une formule intéressante au niveau des supports de publication, à la fois papier et numérique, à la fois sur CD et DVD, mais aussi sur le net, avec bientôt des podcasts et des mp3 à télécharger sur le site, que représente pour toi ce rapport à l’économie matérielle de la création et des supports de diffusion ?
[EA] La marchandisation de la culture entamée au début des années 1980 est maintenant totalement opérationnelle. Seule l’activité hyper rentable et commerciale est tolérée dans l’édition aujourd’hui. Les gros éditeurs ne font de « l’expé » ou de la « littérature contemporaine critique » que s’ils ont des financements du CNL ou si ces livres ne dépassent pas 1% de leur catalogue. Pour internet ou d’autres supports (matériels ou immatériels) l’édition française est carrément moyen-âgeuse et totalement réactionnaire, les grands éditeurs ne peuvent tolérer plus de 3 lignes d’extraits de leurs livres sur leur site alors des fichiers numériques gratuits ça les faits bondir. Un grand éditeur de « gauche » (d’une certaine gauche) me disait récemment qu’un papier dans Elle est un pur bonheur pour un éditeur, ça en dit long sur le niveau de désenchantement d’une profession qui est passé d’Intellectuel à Épicier. S’intéresser à l’art c’est forcément partager des idées, d’une manière ou d’une autre, et le « payant » et le « gratuit » ne s’oppose pas, ils sont hyper complémentaires, peu de personnes le comprennent actuellement, qu’elles soient grosses ou petites, les communautés artistiques restent sectaires, corporatistes et prétentieuses.

[HG] La question du numérique semble en effet incontournable, quelles en sont les implications, les enjeux à la fois économiques, littéraires et politiques ?
[EA] Sans même parler des enjeux économiques, littéraires et politiques, je dirais qu’il s’agit juste de bon sens, d’une cascade d’évidences, partager des données quoi de plus évident ?

[HG] Comment pourrais-tu définir la ligne éditoriale de è®e ? Tu publies à la fois des écrivains, des universitaires, des chercheurs, des artistes… croiser, confronter des disciplines, des horizons de réflexions hétérogènes, c’est pour toi une façon de s’attaquer au réel par tous ses côtés ?
[EA] Oui. La ligne éditoriale est généraliste mais chaque projet est sélectionné pour son aspect critique ou inattendu ou décalé. Nous nous intéressons par exemple aux révoltes ouvrières mais il n’y avait aucun intérêt à publier le 48eme livre sur les Canuts, par contre il n’existait aucun livre en français sur les Luddites il semblait donc indispensable d’en publier un. Oui è®e à pour ambition d’être un outil au croisement de plusieurs disciplines, d’horizons de réflexions hétérogènes. Outil parce que nous attendons des auteurs qui travaillent avec nous qu’il s’appuie sur è®e pour travailler et non qu’ils attendent de nous une simple commercialisation de leurs projets. C’est pour cela que certaines collaborations s’arrêtent vite alors que d’autres continuent.

[HG] Mais c’est aussi une façon de décloisonner la pensée, et de créer un espace de réflexion ouvert, qui ne se situe pas dans les arènes officielles, médiatiques, universitaires, etc… ?
[EA] Oui.

[HG] Tu as crée une collection « chercheurs d’ère » de recherche en philosophie et en sciences sociales, animée par Vincent BOURDEAU, François JARRIGE et Julien VINCENT, que signifie pour toi le fait de s’emparer de ce champ, ou de pénétrer dans ce champ de la recherche, bien trop confinée à des spécialistes, à des cénacles ? Pourrais-tu nous présenter ces trois animateurs ?
[EA] Des milliers de livres passionnant en sciences humaines et sociales sont publiés chaque année à travers le monde et la France est un pays totalement à la ramasse incapable de traduire ce flux, juste les quelques stars incontournables. Ces trois jeunes chercheurs (histoire et philosophie politique) lisent ces livres, voyagent, collaborent et vont « profiter de l’outil è®e » pour publier de 2 à 4 livres par an et une bulletin numérique assurant un travail de veille en sciences humaines et sociales.

[HG] Les genres et les formats sont variés, fictions, essais, narration collective, revue, projets multimédias, et cinématographiques, DVD, créations sonores, è®e est à la fois dans une dynamique transdisciplinaire, tout en étant très pointue dans ses choix, comment parviens-tu à être dans cette ouverture en même temps que dans cette exigence ? Comment sélectionnes-tu les travaux ? Qu’est-ce qui fait le lien pour toi entre tous les créateurs, penseurs, écrivains que tu soutiens ?
[EA] Il n’y a pas de « casting » ou de plan précis mais une situation générale de la marchandisation de la culture qui exclue les projets les plus critiques ou atypiques des circuits de diffusion et de commercialisation. Dans ce contexte improbable et « totalitaire » ou les « marques » dictent leurs lois mieux vaut savoir ce que l’on fait vraiment. Pour è®e il n’y a pas pour l’instant de « manifeste », de lignes clairement définies, juste l’envie de maintenir un outil critique en état de marche au milieu des ruines (de l’art, du monde). Un outil qui se perfectionne et dont les utilisateurs amènent de nouveaux schémas à redéployer.

[HG] Une œuvre d’art, un texte littéraire, un texte philosophique ou de sciences humaines sont tous au même titre des vecteurs d’investigation du réel qu’il faut rassembler, confronter pour pouvoir être vraiment en prise avec l’époque ?
[EA] Oui

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Hortense Gauthier

études littéraires (lettres sup'), diplômée de Science Po' Lille - mène un travail poétique trans-média en explorant les différentes matérialités de l'écriture (sonores, visuelles, plastiques, numériques, corporelles ...) - fait des performances sonores et multimédias sous le nom HP Process (avec Philippe Boisnard) - anime la revue littéraire Talkie-Walkie, http://www.talkiewalkie.org - secrétaire de l'association Trame Ouest

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