[Chronique] D'entre les vivants (à propos de Antoni Casa Ros, Médusa), par Jean-Paul Gavard-Perret

[Chronique] D’entre les vivants (à propos de Antoni Casa Ros, Médusa), par Jean-Paul Gavard-Perret

novembre 26, 2015
in Category: chroniques, Livres reçus, UNE
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[Chronique] D’entre les vivants (à propos de Antoni Casa Ros, Médusa), par Jean-Paul Gavard-Perret

Antoni Casa Ros, Médusa, dessins de Paul de Pignol, Fata Morgana, Fontfroide le Haut, 48 pages, 2015, ISBN : 978-2-85194-944-8.

 

Depuis Le théorème d’Almodóvar qui fut son best-seller contesté par certains jusqu’à remettre en doute l’identité de l’auteur, Casa Ros a évolué vers une littérature plus profonde, bref elle s’est enrichie. Sous l’image de la Méduse, c’est aujourd’hui  le regard du sourd et le visage du mort qui se font face dans une hybridation langagière propre à la littérature sud-américaine cher à l’auteur catalan « d’adoption » (si l’on peut dire)  :  « Le regard du mort passe, il ne caresse pas, il devient un élément de la nature, une perle noire dans la jungle, un ami des feuilles de bananier et des colibris étincelants ».

Surgit  une rencontre « sans témoins au cœur de la solitude » à l’exception de « Trompes marines, cromornes, serpents sonores et noirs ». Médusa   prouve que l’individu n’est que le fondement de rien et c’est le pari de la littérature de le rappeler : à partir de ce rien la création se fonde. Et si arpents de vérité il y a, ils doivent être forcés par autre chose qu ‘un  « je »  que l’auteur émettrait pour un lecteur. Car dans un tel précipité ne se cache qu’un précipice : Casa Ros l’évite. Par l’infini du fini de Médusa il illumine de manière transversale nos gouffres. Métaphoriquement l’auteur n’oublie pas le trait verticale qui dans la nudité fait de Médusa une femme. Manière aussi de dire que  l’arbre du vivant est lié de façon précise à l’ouverture du sexe féminin, elle-même liée de façon exacte et intense au prononcé du vivant dans le jailli d’univers qu’elle propose en un acte éternel d’enfantement que l’auteur reprend à son compte.

 

Médusa veille ainsi sur la  découverte  des transformations de l’univers, elle ne craint pas que tous les écrits de la terre disparaissent dans le grand incendie de la Bibliothèque d’Alexandrie et des autres. Sans son corps femme, le regard du vivant échappe. Elle en  assure la continuité, dans le temps et de femme en femme. L’univers ne se connaît lui-même que par elle. Ainsi le monde est-il l’effet d’un acte éternel, qui se produit dans le temps, dans cet ex-il de l’infini que Casa Ros prend à sa charge en s’exilant lui-même du royaume des vivants. En Médusa survient donc la narration primale, celle qui court dans toutes les langues et qui ouvre l’histoire de tous les peuples et, de surcroît, se donne chaque fois comme valable pour tous les autres. Ici le jaillissement d’écume, aphros, est jeté à l’océan.

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rédaction

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