[Chronique] Deux ou trois choses à propos de Rouillan, par Bernard Desportes

[Chronique] Deux ou trois choses à propos de Rouillan, par Bernard Desportes

janvier 13, 2009
in Category: chroniques, UNE
10 2288 4

Suite à l’article de Clément Bulle et Julien Bielka sur les Chroniques carcérales (2004-2007) de Jann-Marc Rouillan, Bernard Desportes nous a fait parvenir ce texte qui, élargissant la perspective, propose une réflexion éthique, politique et esthétique.

On a recommencé à parler de Rouillan lorsqu’il a été question de son adhésion au NPA (prochain nom de la LCR élargie). A ce propos, Krivine puis à son tour Besancenot, de façon plus hésitante semble-t-il et encore moins claire, ont fait valoir qu’il y avait des divergences politiques entre ce dont ce réclame toujours Rouillan et le futur NPA. Mais dès le départ le problème était faussé : il ne peut ni simplement ni proritairement s’agir avec Rouillan de seuls problèmes d’accords ou de désaccords politiques et de stratégies (par exemple actions minoritaires et symboliques pour lui, actions de masse pour la LCR). La question est ailleurs, Rouillan et ses amis d’Action directe ont assassiné deux hommes : ils se sont arrogé le “droit” et le pouvoir d’abattre deux hommes de leur choix au nom de critères ne relevant que d’eux-mêmes.

Ils ont payé pour cela, c’est entendu, mais le problème qui demeure est qu’ils ont considéré et considèrent toujours ces assassinats comme un acte légitime et même exemplaire ayant montré par là qu’ils ont “osé mettre en accord (leurs) actes à (leurs) idées révolutionnaires”. C’est tout simple pour Rouillan : ils se sont réunis, ils ont débattu et ils ont pris la décision de tuer ces deux hommes. Non seulement cela ne concernait ni “la classe ouvrière” ni “les masses” mais, contrairement aux principes de la justice bourgeoise à laquelle ils prétendent s’opposer, cette exécution a fait suite à un “procès” sans débat contradictoire, sans témoin et à huis clos, sans avocat et donc sans défense, sans appel pour aucun de ces deux hommes. Simplement la bande à Rouillan a établi son verdict et les a abattus comme des chiens. Circulez y’a rien à voir – et y’a jamais rien eu à dire. On sait à quelle idéologie et à quels régimes renvoient ce mépris de la vie humaine et de pareilles méthodes. Ces deux hommes ont de plus été exécutés dans un pays qui justement (principal droit acquis ces 30 dernières années) a aboli la peine de mort. La bande à Rouillan a donc balayé les droits les plus élémentaires et les plus précieux conquis par les hommes dans certains pays, dont le nôtre (avocats libres et abolition de la peine de mort), pour commettre un pur et simple assassinat, qui plus est au nom d’une classe (ouvrière) qu’ils ne représentent en rien mais au contraire insultent par la stupidité de leurs “analyses” et la bestialité de leurs actes et de leurs méthodes, et au nom d’une cause (la révolution socialiste) que leur exemple, après bien d’autres, rendrait ignoble s’il devait être suivi ou même seulement approuvé. Enfin, comble d’une élégance qui n’a rien à envier aux bataillons franquistes et autres escadrons de la mort, ils ont jeté les corps suppliciés pliés en quatre dans un coffre de bagnole. On imagine sans peine ce que donnerait une clique pareille si elle avait le pouvoir : assassinats expéditifs et disparitions pour tous ceux qui ne pensent pas comme eux ou même simplement leur déplaisent, à l’image de la “révolution cambodgienne” des sinistres “combattants Kmers rouges”…

La question aujourd’hui n’est pas de savoir s’ils ont “payé”, s’ils ont purgé leur peine, leur condition d’incarcération suffit à pourrir – et c’est bien là-dessus que Rouillan joue – le mot de justice, dont on sait par ailleurs ce qu’elle est, et ce qu’elle devient de plus en plus, dans une société d’oppression. La question politique (et non plus judiciaire, puisqu’il a “payé”) est que Rouillan se réclame toujours des ses actes passés. Alors, il faut le dire très clairement, Krivine et Besancenot se trompent gravement : le débat ne peut avoir lieu avec Rouillan tant que celui-ci n’est pas revenu sur ses actes barbares, tant qu’il n’a pas compris quels problèmes éthiques pose sa conception de la lutte politique. Il ne s’agit donc pas, sur Rouillan, d’un simple débat de ligne politique mais d’une incompatibilité idéologique majeure. Si Rouillan était moins enfermé dans cette arrogance bornée sûre de son fait et peut-être aussi, ce qui en découle, s’il était moins inculte, il saurait (lire Leur morale et la nôtre de Léon Trotski) qu’en matière de révolution socialiste (mais pas seulement), et contrairement à l’idéologie capitaliste, la fin ne justifie pas les moyens, ou plus exactement la fin nécessite des moyens en accord avec elle-même et à son image, c’est-à-dire en accord avec une éthique exprimant les idéaux de droits et de liberté du socialisme, soit une éthique radicalement et en tout point contradictoire et incompatible avec celle de la bande à Rouillan (à supposer qu’elle en ait une ou qu’elle sache, même vaguement, de quoi il s’agit quand on parle d’éthique).

♦♦♦♦♦

Ce préambule indispensable étant posé, Rouillan, donc, se met à écrire. Pourquoi pas ? s’est-il dit. Après tout c’est pas plus compliqué que de manier un flingue ou de faire de la politique expéditive. Rouillan, voyez-vous, quand il a envie il fait. Et Rouillan, ça tombe bien, il sait tout faire. Alors il nous raconte sa vie et, dans la foulée, nous donne des leçons de comportement social. Il se juge bien placé pour. En toute modestie et en toute lucidité. Rouillan, c’est pas l’gars qui doute, c’est ça qu’est bien. Ça me rappelle Cantat (qui aura fait, lui, quatre ans de prison pour avoir éclaté la tête de sa compagne à coups de poings – encore ces ennuyeux dégâts collatéraux de la vie domestique…), Cantat dis-je qui, dans sa dernière chansonnette, aimablement et gratuitement diffusée sur Internet, explique au bas peuple effaré, abruti et grisé de reconnaissance, comment c’est qu’il faut se comporter dans la vie quand on est un homme. Merci Bertrand ! Il pourrait lui aussi citer Montaigne, comme le fait Rouillan qui nous précise, sa citation dudit Montaigne faite : “Ce n’est pas de moi mais de Montaigne” – des fois qu’on aurait confondu, n’est-ce pas.

Bref, Rouillan disais-je se met à écrire : Chroniques carcérales (2004-2007). C’est sa vie en taule, une écriture bavarde et plate avec, parfois, recherche de ce qu’il croit être un “style littéraire”, semé d’envolées poétiques comme on imagine les lettres d’amour d’un gendarme ou d’un équarisseur. Ce qui donne, dès la 3e page : “Cette nuit arlésienne fut extraordinaire, la lune libérée des projecteurs et de l’éclairage public cabotait sur l’immensité du ciel renversé. Aucune lumière humaine ne troublait plus la cité engloutie. Aucun autre bruit que les clapotis du fleuve vagabond. Penchés aux bastingages, les détenus savourant la nuit buissonnière.” Ça vous donne pas des frissons ? Une écriture banale à mourir, sans éclats et sans chutes, sans souffle, sans rythme, souvent prétentieuse et ampoulée, toujours académique, morne, asexuée. Une écriture sans ombre, sans dérive, sans fantasmes, sans danger, sans abîmes. C’est-à-dire non seulement l’écriture “bourgeoise” d’un être “intellectuellement et idéologiquement dominé” (commentaire de Prigent lors du débat), mais une écriture en rien subversive et même à l’opposé de toute subversion : une écriture écrasée – ou, ce qui revient au même, bottée, genre escadron de parachutistes. Une écriture culturellement et idéologiquement donc politiquement dominée. Rouillan use de la langue des dominants comme un valet la langue de ses maîtres, avec des méthodes similaires, de la même façon qu’il a conçu son combat politique. Car si la langue de Rouillan n’est en rien subversive, en quoi la bande à Rouillan a-t-elle, à aucun moment, œuvré à la subversion des esprits et de la société ? quelle grève exemplaire a-t-elle organisée, quelle occupation, quelle manifestation massive ? quel éveil des consciences ? quelle brèche, si minime fût-elle, les actions de la bande à Rouillan ont-elles ouverte dans le bloc de béton de la pensée bourgeoise, de la société capitaliste ? Action directe faisait de la politique comme des barbouzes de la bourgeoisie ou des commandos staliniens, elle ne subvertissait pas la société ni n’œuvrait à aucune émancipation : elle réglait des comptes. Sa politique, c’était la balle dans la nuque. (Pas étonnant alors que Rouillan parle dans son ouvrage des “incantations du tartuffe Badinter”, lui il est pas pour l’abolition de la peine de mort puisqu’il pratique en action directe la balle dans le dos.)

♦♦♦♦♦

Il ne s’agit donc pas – et en rien – de “défendre” Rouillan. Mais simplement de dénoncer, pour lui comme pour tous les autres dans son cas, des conditions scandaleuses, indignes et intolérables parce que inhumaines de détention. Il s’agit, d’abord, de dénoncer ces conditions d’incarcération parce qu’en se taisant on les avalise et que nous ne voulons pas, si peut que ce soit, nous trouver dans un quelconque rapport de ressemblance, sur quoi que ce soit, avec celles et ceux qui ont prévu, conçu et organisé des conditions pareilles d’emprisonnement, avec celles et ceux qui, en toute bonne conscience hypocrite et saloparde, en perpétuent la barbarie. Nous n’avons rien à faire ni rien à voir avec ces gens-là – si bien représentés au sommet de la hiérarchie de l’actuel pouvoir en France –, des gens qui jugent selon l’ADN et établissent pour des condamnés ayant purgé leur peine une peine après la peine par l’emprisonnement éventuellement à vie, non plus à la suite d’actes réellement commis, mais d’après l’intuition que pourront avoir des psychiatres d’actes qu’ils risqueraient éventuellement de commettre s’ils étaient en liberté. Ainsi passe-t-on de la notion de présomption d’innocence à la notion de présomption de culpabilité pour crime éventuel. Le tout ne relevant plus d’une quelconque justice – agissant quand même, aussi dévoyée fût-elle, à partir de faits réels – mais de la seule intuition, de la seule éthique et finalement du seul bon vouloir d’une poignée de psychiatres, dont on sait à quel point ils brillent généralement par leur progressisme et leur ouverture d’esprit. Que la multiplication des gardes à vue arbitraires, qu’une justice dont “tout prouve (sa) complaisance à l’obscurité et à l’isolement arbitraire des cachots” (Charrière-Bournazel, bâtonnier de Paris), insidieusement, se mette en place par un pouvoir dont le mépris des pauvres, la violence cynique envers les classes laborieuses, les lois pour les copains, l’étalage clinquant et la vulgarité toute berlusconienne sont la marque, doive mobiliser toutes celles et tous ceux qui sont soucieux de dignité humaine, c’est une évidence et une urgente nécessité.

Pour le reste, qu’apporte le témoignage de Rouillan qu’on ne savait déjà ? Rien. Quelle dose de démagogie, de mauvaise foi ou d’imbécillité pure faut-il pour prétendre le contraire ! Pas plus qu’il ne pense l’écriture comme une subversion de la pensée, Rouillan ne pense la politique comme une subversion du rapport au monde et au réel. C’est comique et dérisoire de l’entendre citer Apollinaire ou Genet, quand en réalité sa vision des choses se résume si bien au refrain de ce Skalpel de la K.bine qu’il cite, opportunément cette fois, en conclusion de son triste pensum : “Pas de solution à part la révolution / Trève de discussion, sors les munitions / Les mots doivent devenir des actions / Pour faire payer leurs exactions… ”

Que dire enfin des pauvres contributions des démagogues souteneurs de Rouillan ? du sinistre “cp” (Charles Pennequin pour les intimes) notamment, hoquetant son indigence intellectuelle de Mesrine en Rouillan ? Rien. C’est éculé. Pas de dialogue possible. Nous avons déjà si souvent entendu cette jactance haineuse et stupide… A ceux dont le discours de haine rejoint celui de la bande à Rouillan nous opposons la pensée : l’esprit contre le meurtre. Ceux qui considèrent que l’homme n’est rien, qu’on peut l’abattre à vue en tout arbitraire, qu’une fin radieuse ultra minoritaire (au nom de laquelle on aura assassiné ou réduit en esclavage des millions d’hommes au long du XXe siècle) justifie tous les moyens entre les mains d’une poignée de fanatiques haïssant la vie, ceux-là nient toute morale humaine au profit des seules “valeurs” de la barbarie : la violence et la ruse. Le monde n’a pas d’autre sens que le sens que se donne l’homme à lui-même. Cela est fragile bien sûr, mais persistant. Et, par chance, ou par harmonie, cette démarche contient une qualité qui est absolument étrangère aux tenants de la barbarie – elle se nomme l’intelligence.

 

, , , ,
rédaction

View my other posts

10 comments

  1. a&dman

    Franchement hilarant !
    Jamais lu un texte aussi drôle !

    (On dirait le type de Sitaudis ! C’&st ça, c’&st lui ? C’&st un pseudo ? )

    Bref, Bernard Laporte, alias Intelligent 1er, citant « Leur morale et la nôtre » de Léon Trotski, Id &st, le garçon-Boucher qui opéra à ciel ouvert les marins du Potemkine quelques temps avant d’échouer en demi-finale au concours de « GRAND DIRECTEUR CHEF DES ABATTOIRS », pour flinguer les démagogues souteneurs de Rouillan & Mesrine, le sinistre “cp” (Charles Pennequin pour les intimes) notamment, hoquetant son indigence intellectuelle (sic) !

    Franchement, on croit rêver… & Modeste hein, avec ça, le Bernard :
    lui, il &st intelligent ; donc toi, t’es un gros con ! & toc !
    (brrr)

    Que dire en effet ???

    Rien (ça c’&st vrai, ça !)
    C’est éculé : YES SIR !
    « Pas de dialogue possible : YES SIR ! »

    Bref : nous avons trop souvent entendu cette jactance haineuse et stupide de lyncheur médiatique fou, pénitent de l’esprit façon trotskiste ou maoïste repenti, devenu plus royaliste qu’un chien policier maladivement paranoïaque, mais assermenté, confondant Rouillan, Mesrine & Pennequin avec les escadrons de la mort, avec des barbouzes de la bourgeoisie ou avec les SS bottés des bataillons krypto-franquistes… (Quelque part aux Maldives ou ailleurs.)

    Franchement, fallait oser le faire…

    ESPECE DE GRAND MALADE, VA !!!

    Signé:
    A&dman (A comme courageux A&dmanonyme du XXIème siècle)

  2. quelennec

    excellent a&dman ;-)) je lis Pennequin et pas Desportes, maintenant je sais pourquoi;-)))

  3. rédaction (author)

    Pour ma part, au sens où cet article de Desportes a été proposé par Fabrice Thumerel, je partage une grande partie de celui-ci. Le dernier paragraphe sur Pennequin, je le trouve inutile, 1/ parce qu’il est une attaque directe qui ne discute pas réellement, 2/ parce que le Pas de tombeau pour Mesrine est loin d’être une sorte de livre fasciné, mais bien plus il déconstruit toute fascination dans la remise en perspective de la connerie humaine. Et en cela c’est un livre très important. Sans compter la fragilité de la phrase qui est très forte, qui déroge à toute mécanique littéraire, et qui justement transmet la tension qui s’exerce chez Charles dans ce texte.

    Ceci dit, on peut ne pas lire Desportes, comme tout autre auteur, toutefois, je pose qu’il est un grand auteur, et que son univers critique et hyperbolique, autour de Vlad, est ce qui m’a été donné de lire de plus réjouissant littérairement depuis de nombreuses années. Brêves histoires de ma mère a été une découverte fabuleuse, montrant comment à la fois la modernité pouvait poursuivre son travail de critique de notre réalité et d’autre part montrant en quel sens il est possible de créer un univers propre qui n’a pas besoin de mimer le nôtre.
    Desportes est un auteur rare selon moi. Au même titre que Pennequin.

    Ce qui les différencie ici, dans cette référence à Rouillan, n’est pas sans doute dans le ressenti de leur être, car la violence de l’un et de l’autre est réelle, leur probité de même, et ce que j’ai vu de Desportes, pouvant attaquer et ridiculiser en public, le consul de France au Maroc et sa soit disant culture, est un des gestes que peu qui glapissent dans leur coin seraient capable. Ce qui les différencie tient au rapport que nous avons aux possibilités d’action.
    Desportes pense — et je partage tout à fait cette pensée — que là où le langage s’arrête, là où le langage est interdit à l’autre, naît la barbarie, naît la violence qui ne fait plus face au visage de l’autre, lui déniant son humanité. Le terrorisme et le meurtre de sans froid appartient à cette barbarie. Toute logique de tord, pour reprendre Lyotard, parce qu’elle interdit la discussion, en imposant par la force une contrainte à la victime, entre dans cette barbarie que rien ne saurait relativiser.
    Si cette logique de tord est constitutive pour une part de ce qui a lieu dans un grand nombre de prison (le prisonnier incarcéré devenant la victime privée de parole de toute contrainte à laquelle on la soumettrait), cependant force est de reconnaître, que les actes de Rouillan et d’autres sont de même nature : jugement sans discussion, et application par le juge lui-même de la sanction. Juge et partie, tant de barbarie naisse de cette confusion, de cette prétention à dire de la part des bourreaux : « moi la vérité je parle ».

    Que l’on ne veuille pas discuter avec Desportes, soit, mais que l’on prône à l’encontre de ce qu’il dit, une forme de violence, de négation de sa parole, c’est justement entrer dans le cercle de sa propre analyse, et revêtre les premiers habits du barbare. « Toi, je ne te reconnais pas, je te nie ».
    Ce qui est dommage depuis que cette discussion sur Rouillan s’est ouverte, c’est qu’hormis Pennequin (il y a eu aussi quand même soulignons le , tel Prigent), qui a essayé vraiment de tenir une parole, de se tenir dans la parole, en public ou en privé, tant d’autres se sont tus, préférant une forme de haine sourde (de laquelle nous avons été informée, car tout circule).

    Que reprocher vraiment aussi bien à Bielka/Bulle qu’à Desportes ? si ce n’est justement de dire, de témoigner en quel sens ils ne peuvent lire sans critique ce qui est écrit par Rouillan ?
    Que leur reprocher, si n’est pas fait, n’est pas tenté, d’expliquer en quel sens il n’y a pas accord avec ce qu’ils écrivent ?
    Mais toujours la même posture : celle de celui qui en retrait, dans la sécurité de sa propre proximité et de celle qu’il n’a pas à convaincre, pense tant avoir raison, pense tant détenir la vérité.

  4. Fabrice Thumerel

    Merci Philippe pour cette mise au point, que je partage très sincèrement (à ceci près : si j’apprécie souvent le travail de Charles Pennequin, je ne saurais le comparer à celui de Bernard Desportes et j’ai plus de réticence pour certaines de ses positions).

  5. saihtaM

    Ce texte me pose problème pour plusieurs raisons, dont une qui est de l’ordre du ressenti, dans le rapport à l’autre qu’il révèle. Aucune empathie ne s’en dégage ; l’auteur se met délibérément au-dessus de ce dont il parle, arguant d’une aristocratie du langage. La violence qui est à l’œuvre ici est une violence, symbolique certes, mais une violence excluante et transformant les personnes qu’elle prend pour objet en « choses » insuffisantes, malfaisantes, monstrueuses, forcément dans l’erreur, et toutes amalgamées. C’est un mouvement qui ne va pas vers l’autre et le transforme en quelque chose d’inférieur et méprisable.
    Je par exemple préfère le mouvement à l’œuvre dans l’Espèce Humaine d’Antelme, recherchant plutôt ce qui nous rassemble et l’unicité de l’espèce.
    Par ailleurs, je trouve que l’analyse sur Action Directe (et au delà du terrorisme d’extrême gauche) superficielle…
    Autre chose, ce texte me semble être l’éloge du statu quo politique.
    Bref il me pose problème à la fois micropolitiquement dans le rapport à l’autre, et politiquement. 🙂
    Je vais trop vite (désolé), et précise que par ailleurs je tiens également en haute estime « Brèves histoires de ma mère ».

  6. Fabrice Thumerel

    Content, Richard, que tu aies apprécié « Brèves histoires de ma mère » !

    Pour le reste… C’est bien la première fois qu’on traite Bernard Desportes de « tiède » !

    Est-ce qu’il faut être terroriste pour être efficace ? pour témoigner une ouverture à l’autre ?
    Le genre de groupuscule que représentait Action directe a-t-il changé quoi que ce soit ? apporté quelle que prise de conscience que ce soit ?
    C’est plus expéditif d’éliminer au hasard un représentant du capitalisme que d’éradiquer un fléau multiforme qui nous gangrène tous…
    Y a-t-il révolte sans esprit critique ? Y a-t-il efficacité dans l’isolement terroriste ? Y a-t-il une société possible à partir d’actes terroristes ? Peut-on dialoguer avec ceux qui nient l’Autre ?
    Et pourtant, le thème de l’hospitalité hante l’oeuvre de Desportes.

    Est-il plus courageux de céder à ses pulsions individuelles ou de résister et préparer collectivement une mutation durable mais longue à advenir ?

  7. a&dman

    Peut-on dialoguer avec ceux qui nient l’Autre ?
    Ben non, pas toujours. Je prend cet exemple au hasard :

    Salem Souli est mort samedi 21 juin 2008 au centre de rétention administrative de Vincennes (CRA) dans des circonstances encore non élucidées. Le 22 juin, suite à l’incendie qui a détruit le centre, les services du ministère de l’Immigration indiquaient que M. Souli serait décédé d’une crise cardiaque.

    Ce n’est qu’en octobre 2008, par hasard, que l’ex-compagne et le fils de ce ressortissant tunisien, ont appris son décès, par le biais d’un
    travailleur social qui le croyait toujours détenu à la prison de la Santé.
    Sept mois après, ils ne savent toujours pas où se trouve son corps.
    Alors que les services du ministère disposaient nécessairement de tout le
    dossier social de cet homme dès le soir du décès – et donc des coordonnées
    de tous ses proches – l’Administration n’a entrepris aucune démarche
    pour prévenir sa famille ni l’informer des circonstances du décès, lui
    interdisant de fait d’offrir une sépulture au défunt. Les pouvoirs publics
    ont en revanche trouvé le moyen de transmettre de fausses informations aux
    médias, salissant la mémoire de cet homme en l’accusant de crimes
    qu’il n’a jamais commis.
    Mardi 20 janvier, l’ex-compagne de M. Souli et son fils ont porté plainte
    pour rétention d’information, homicide involontaire par manquement aux
    obligations de sécurité, omission de porter secours et, enfin, fausses
    informations, atteinte à la mémoire du mort et à sa réputation ainsi qu’à celle
    de sa famille.
    La Cimade, en soutien aux proches de M. Souli, a décidé de se porter partie
    civile en appui de cette plainte.

  8. Fabrice Thumerel

    Oui, absolument : on a tendance à oublier, dans cet effroyable « Après-11 septembre », que l’oppression est plus le fait des puissances molaires que des groupuscules terroristes.
    En témoigne cette histoire, révoltante en effet…

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *