[Chronique] James Sacré : prolégomènes à une consistante défaite, par Jean-Paul Gavard-Perret

[Chronique] James Sacré : prolégomènes à une consistante défaite, par Jean-Paul Gavard-Perret

septembre 7, 2018
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[Chronique] James Sacré : prolégomènes à une consistante défaite, par Jean-Paul Gavard-Perret

James Sacré, Une main seconde, dessins de Jacques Clauzel, Fario éditions, été 2018, 36 pages, 13,50 €, ISBN : 979-10-91902-45-8.

Grâce aux « gribouillis » de Jacques Clauzel, James Sacré comprend non seulement l’archéologie et l’art mais la généalogie de sa propre écriture. Chaque brouillon devient une poulette près du mur de l’œuvre à construire. Père dur, mère oubliée elle picore des graines comme sterne pique. Et il y a de quoi soudain ou peu à peu envisager autant la question de la sexualité primordiale que l’agencement du poème où Déesse et Dieu sont parfois dans un même lit comme pécheresse et coquin.

Les dessins de Clauzel servent donc au poème de beaux draps à sa propre propédeutique. Et Sacré cultive le mérite de la proposer non en début (où l’on ne sait rien ou si peu) qu’en fin de parcours. Cela permet d’éviter d’enculer des mouches poétiques et même de se passer des trous à joie que les tailleurs de pierre se plaisaient à enfiler, après les avoir farcis de suif de bœuf tiède au XIIème siècle et comme il en existe encore dans l’église monolithique d’Aubeterre – la bien nommée. Avec James, le poète n’est plus un pauvre bougre devant une telle guérite, mais un monstre tel de Clauzel pour sa part a appris à dessiner et scénariser.

A priori le poète n’a pas choisi d’être là. Il aurait préféré aller au cinéma ou se faire masser chez une bougresse. Il y aura été parfois comme les premiers héros de l’artiste. C’est pour le poète comme pour de tels personnages une manière de faire abstraction de l’œil du Dieu qu’on dit bon. C’est aussi la preuve qu’en art comme en poésie que ce qui commande n’est pas l’être suprême. Par leurs « brouillons » les créateurs construisent leur propre autel ou hôtel de passe.
Les œuvres préparatoires, pour peu qu’elles ne soient pas raides comme des piquets, traquent les alentours de nulle part – et de traiter ce qui sort des entrailles de l’inconscient. « L’âme à tiers » chère à Lacan devient dessin ou texte qui permet non d’attendre la suite mais d’aller voir ailleurs et de se fiancer avec l’impossible, l’invisible, le non dit.

Platon sort ainsi de sa caverne. L’artiste pense avec sa main, le poète avec son cœur pour entrer dans les parenthèses et les greniers du silence. Souffle et esprits délavés, « sac à moi » troué, plus besoin d’ascenseur pour s’envoyer en l’air. Tout est affaire de travail afin que, les consistantes apprises défaites et leurs dentelles relevées, le créateur entre dans un autre monde que l’abstinence. Sa tête dans le ciel tourne comme une bétonnière et son moteur.

Bref, par les gribouillis premiers, le monde est ramassé, déplacé, inventé, retourné (au besoin), égaré loin de toute frugalité, pour peu que l’artiste ou le poète soit un garnement qui possède de l’habileté lorsqu’il agite sa crécelle et qu’il sache de quoi le plaisir comme la douleur est fait. Peu à peu l’œuvre picturale ou poétique ne ménage rien : elle s’approprie le monde pour un feu d’artifices aux multiples spirales. Lacets défaits, l’art et la poésie permettent de connaître l’animal jusque là étranger. Ce n’est pas mal pour une première approche que les brouillons induisent, mais peu à peu avec reprises, repentirs et ouvertures du passé empiété naît ce que ni Sacré ni Clauzel avait imaginé ainsi.

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rédaction

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