Une fois encore le charme de Suzanne Doppelt opère, qui nous transporte de l’immobile au mobile, du prosaïque au féerique, du réel au spirituel…
Suzanne Doppelt, Vak spectra, P.O.L, mai 2017, 80 pages non numérotées, 13 €, ISBN : 978-2-8180-4198-7.
 La Boîte d’optique avec des vues intérieures d’une maison néerlandaise  (vers 1655-1660), ingénieusement créée par Samuel Van Hoogstraten  (1627-1678), est pour Suzanne Doppelt l’occasion de nous emmener dans  son domaine des spectres : "Pareille au trouble produit dans la chambre  où s’ébauche une belle décomposition, les murs disparaissent, le plafond  se retourne et la mouche avec, le sol offre à peine un chemin, de jolis  miroirs si habilement placés et des lignes qui vont, elle est un vrai  mirage, tout se défait et se refait. Pour mieux revenir entre deux  étages dans l’escalier profond, dans cette boîte à ancêtres où on dort,  au pied de la table, sur le tapis feutré comme une toile et en  sautillant près des armoires, l’esprit des lieux remue la matière, rien  ne s’élance autant qu’une maison"… Ce qui fascine l’auteure chez le peintre hollandais du siècle d’or, c’est son dispositif optique qui favorise les miroitements internes, les jeux de réflexions entre réel et représentations, la contemplation extatique de formes géométriques – d’un monde immobile où tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté… Le petit trou d’une "boîte à malice" stimule les fantasmes et les fantômes : "Rien n’est jamais au repos, les choses sont des ombres mobiles imitant toutes sortes de profils" – et comme le dit le grand Hugo, "tout vit, tout est plein d’âmes"… Voir en mode mineur permet même d’être à l’écoute "des sons mécaniques, derrière la porte des choses à demi pensées" – un peu comme au Moyen-Âge on pouvait être charmé par la musique enchanteresse des étoiles du firmament…
La Boîte d’optique avec des vues intérieures d’une maison néerlandaise  (vers 1655-1660), ingénieusement créée par Samuel Van Hoogstraten  (1627-1678), est pour Suzanne Doppelt l’occasion de nous emmener dans  son domaine des spectres : "Pareille au trouble produit dans la chambre  où s’ébauche une belle décomposition, les murs disparaissent, le plafond  se retourne et la mouche avec, le sol offre à peine un chemin, de jolis  miroirs si habilement placés et des lignes qui vont, elle est un vrai  mirage, tout se défait et se refait. Pour mieux revenir entre deux  étages dans l’escalier profond, dans cette boîte à ancêtres où on dort,  au pied de la table, sur le tapis feutré comme une toile et en  sautillant près des armoires, l’esprit des lieux remue la matière, rien  ne s’élance autant qu’une maison"… Ce qui fascine l’auteure chez le peintre hollandais du siècle d’or, c’est son dispositif optique qui favorise les miroitements internes, les jeux de réflexions entre réel et représentations, la contemplation extatique de formes géométriques – d’un monde immobile où tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté… Le petit trou d’une "boîte à malice" stimule les fantasmes et les fantômes : "Rien n’est jamais au repos, les choses sont des ombres mobiles imitant toutes sortes de profils" – et comme le dit le grand Hugo, "tout vit, tout est plein d’âmes"… Voir en mode mineur permet même d’être à l’écoute "des sons mécaniques, derrière la porte des choses à demi pensées" – un peu comme au Moyen-Âge on pouvait être charmé par la musique enchanteresse des étoiles du firmament…
 Dans  la mesure où c’est la perspective qui crée le monde, pour que le monde  devienne vertigineux il suffit de choisir des points de vue privilégiés  et de mettre en branle la machinerie optique. Des perspektiven au perpetuum mobile… Dans l’univers cosmopoétique de Suzanne Doppelt – de Lazy Suzie à Vak spectra, en passant par La Plus Grande Aberration et Amusements de mécanique  -, poétique et optique vont de pair, animées par "une mécanique  admirable" : "tout bouge autant que le décor d’un théâtre bien équipé,  une belle féerie optique, les yeux levés vers le monde là où s’exerce de  gauche à droite et l’inverse la ruse d’un regard oblique"…
Dans  la mesure où c’est la perspective qui crée le monde, pour que le monde  devienne vertigineux il suffit de choisir des points de vue privilégiés  et de mettre en branle la machinerie optique. Des perspektiven au perpetuum mobile… Dans l’univers cosmopoétique de Suzanne Doppelt – de Lazy Suzie à Vak spectra, en passant par La Plus Grande Aberration et Amusements de mécanique  -, poétique et optique vont de pair, animées par "une mécanique  admirable" : "tout bouge autant que le décor d’un théâtre bien équipé,  une belle féerie optique, les yeux levés vers le monde là où s’exerce de  gauche à droite et l’inverse la ruse d’un regard oblique"…

![[Chronique] Suzanne Doppelt, Vak spectra, par Fabrice Thumerel](http://www.t-pas-net.com/libr-critique/wp-content/uploads/2017/07/HoogstratenInterieur-Chien.jpg) 
	
	![[Chronique] Suzanne Doppelt, Vak spectra, par Fabrice Thumerel](http://www.t-pas-net.com/libr-critique/wp-content/uploads/2017/07/band-DoppeltHoogstraten.jpg)
Cette perspective nous fait effectivement penser un monde. Pour moi, celui de Jan Van Eck et celui de Velasquez. Tout vit, tout est ouvert. D’où l’intérêt de Suzanne Doppelt.
Belle découverte.
Fabienne Roitel
« Tout vit, tout est ouvert » : belle formule, chère Fabienne Roitel !
Merci pour votre intérêt.