[Chronique] Sylvain Courtoux, De la guerre comme élément de l'histoire naturelle (d'après Première ligne de Jérôme Bertin)

[Chronique] Sylvain Courtoux, De la guerre comme élément de l’histoire naturelle (d’après Première ligne de Jérôme Bertin)

janvier 25, 2014
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[Chronique] Sylvain Courtoux, De la guerre comme élément de l’histoire naturelle (d’après Première ligne de Jérôme Bertin)

Voici la brillante réflexion de Sylvain Courtoux sur et à partir du Première ligne de Jérôme Bertin, cette singulière suite d’apocalypses écrite dans une langue-uppercut qui privilégie les télescopages des signifiés comme des signifiants. [Lire la première présentation]. [Vous pouvez rencontrer Sylvain Courtoux ce soir à MANIFESTEN (19H) : 59, rue Thiers à Marseille] /FT/

Jérôme Bertin, Première ligne. 105 mesures pour une guerre, Al dante, 40 pages, 7 €, ISBN : 978-2-84761-779-5.

 

De la guerre comme élément de l’histoire naturelle.

D’après Première ligne de Jérôme Bertin, Al Dante, 2014.

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Etat des lieux(avant la chute) : depuis quelques années déjà, la tradition avant-gardiste, celle héritée des avant-gardes historiques (zutisme, symbolisme, futurisme, dada, surréalisme, objectivisme, lettrisme, situationnisme et autres -ismes azimutés) redynamitées par le textualisme des années 70’s (la triade Tel Quel1TXTChange), boit la tasse. Les grands éditeurs parisiens (Seuil, POL) ne s’échinent (même) plus à publier des poètes expérimentaux (disparition de la collection de François Bon au Seuil, disparition de la collection de Chloé Delaume chez Joca Séria ; Bernard Comment virant tout ce qui n’est pas "coup littéraire" ; POL ne publiant que des post-tarkosiens2 prigentiens), alors que dans les années 1970’s, ça se passait plutôt chez ces grands éditeurs-là (la collection Le Chemin chez Gallimard, la collection Textes chez Flammarion, la collection Tel Quel au Seuil, la collection TXT chez Christian Bourgois, la collection Gramma chez Aubier-Flammarion, les débuts de POL chez Hachette, …). Tout cela bien clairement amplifié par la crise économique post-2008 (revues qui ferment leurs portes, collections qui se cassent la gueule ou qui publient moins, poètes qui préfèrent se tourner vers le roman) et le marasme symbolique global [la dernière "grande révolution poétique", qui date des années 1990 en France et qu’on a appelé benoîtement « la nouvelle poésie française », a depuis longtemps fait fructifier ses avoirs ― structurés autour de POL et de la Revue de Littérature Générale / de la revue Java / de la revue Action Poétique, de la revue IF et de la collection Bip/Val chez Fourbis, sans oublier les grandes anthologies colorées d’Henri Deluy / de la revue Nioques et de la naissance d’Al Dante en 1994, et de la montée en puissance de petits éditeurs incisifs et défricheurs : La main courante, Horlieu, Ecbolade, Æncrages & Co, L’Attente, Le bleu du ciel, Derrière la salle de bain, Spectres familiers ―, cette « révolution symbolique », donc, était (aussi) le fait d’un mouvement générationnel de poètes et de poétesses nés entre les années 1955 et 1970 et qui sont arrivés en nombre à la fin des années 1980 et au début des années 1990].

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Comme l’avant-gardisme théoriciste fut chassé des préaux à la fin des années 1970-début des années 80, par la « nouvelle philosophie », l’individualisme prôné par les « nouveaux économistes » et les politiques libérales, la ruée patrimoniale du début des années 80, et bien sûr, avec tout cela, grâce à tout cela, en compagnie de tout cela, le retour en forme & en force de la poésie Lyrique, les poésies lyriques, néo-, post-, re-lyriques, avec un « Je » majuscule plus tout à fait émasculé, et du vers (Roubaud n’y étant pas pour rien), couronné d’un oubli des formes, célébrant le retour à la saine tradition du récit et du même coup à la vraie vie, et représenté (du moins pour les poètes) par Philippe Delaveau, William Cliff, André Velter, Lionel Ray, Guy Goffette, James Sacré, Claude Esteban, Alain Borne, Henri Meschonnic, Christian Bobin, Charles Juliet, Yves Bonnefoy, et compagnie ― poètes qu’on a retrouvés très souvent ces dernières années en couverture de la collection de poche « Poésie / Gallimard » ; comme ce fut le cas pour l’avant-gardisme seventies, donc, ou à cause de lui, il est arrivé la même chose à l’"avant-gardisme" de cette « nouvelle poésie française », battu en brèche par le même retour poétiquement réactionnaire, anti-moderne, dont certains éditeurs3, aujourd’hui, peuvent être pris pour le paradigme qui sont, pour certains, et cela est une nouveauté, politiquement à gauche ou feignent de l’être (qu’importe le flacon, si on a l’étiquette et l’ivresse institutionnelle).

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Force est de constater que les forces en présence sont irréductiblement plus efficaces symboliquement et numériquement d’un côté ― Allez faire un tour au rayon poésie de votre librairie, s’il est fourni en nouveautés, et vous verrez que ces néo-lyriques sont légions, pas seulement chez les éditeurs traditionnels de poésie lyrique mais aussi chez ceux qui publient, qui ont publié des modernistes. Si bien que le lecteur moyen de poésie, comme le critique, est obligé de prendre des vessies lyriques pour des lanternes modernes.

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Et comme le petit village gaulois, entouré de Babaorum, Petibonum, Aquarium, et Laudanum (il faudrait dire : Xanax, Stilnox, Seroplex et Lexomil), la liste des quelques maisons/collections qui persistent à signer des poètes expérimentaux, sans concessions pour les formes dominantes de l’époque, comme Al Dante, les éditions de L’Attente (parfois), Laure/Li (idem), Questions Théoriques, POL (idem), se réduit à peau de crachat. La Bérézina, en quelques sorte, pour les horribles travailleurs de la langue (je rappelle que La Bérézina est historiquement une défaite tactique alliée à un nombre important de pertes côté français, mais aussi une victoire stratégique).

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Janvier 2014(vingt ans en première ligne ― la poesie est une guerre de tranchées) : Une victoire stratégique, peut-être pas, sûrement même jamais, mais c’est pourquoi nous avons d’autant plus besoin de livres comme le Première ligne de Jérôme Bertin, de sa poétique prigentienne guerrière et de son célinisme artésien assumé (il n’est qu’à vérifier le nombre de poètes qui aujourd’hui pourraient se réclamer de Louis-Ferdinand Céline pour s’en assurer – la réponse, vous la connaissez : aucun). De cette plume qu’il « trempe dans le curare ».

Ce texte est sous-intitulé « 105 mesures pour une guerre » : la guerre, dont il parle, on ne la connaît que trop bien, parce que c’est celle que l’on peut vivre tous les jours, face à son banquier, ou face à sa psy, ou face à l’assistante sociale, ou face à son médecin, ou face à sa famille, ou face à ses collègues de travail, ou face à l’indifférence générale, ou face à sa télé, c’est à la fois la guerre pour la parole et la reconnaissance, à la fois la guerre pour être (et pour certains : avoir) et parler, la guerre sociale, donc, contre tout un système politique, social, psychologique, langagier et culturel de domination (une société de classes et de classements, presque de castes / dont nous tenons tous notre sens et notre fonction), qui dirige et crée des formes de vie spécifiques (de celles qui ne laissent au fond que des choix raisonnables), dirige, impose et crée des formes de pouvoir spécifiques (le spectaculaire : cette scission de soi avec soi), dirige, impose et crée des discours de vérité (la somme de toutes les violences symboliques et de toutes les humiliations et différenciations sociales), __________________ mais c’est également une guerre symbolique, une guerre qui passe par les formes de narration ou de syntaxe, qui passe par l’ouverture ou non à l’expérimentation, par la défense et l’illustration de procédés artistiques, esthétiques particuliers qui sont souvent antagonistes (et en lutte symbolique pour la domination du champ), qui s’étale dans la liste des meilleurs livres de l’année des magazines (que ce soit Les Inrocks ou Le Point), ou dans l’inconscient des littérateurs qui préféreront toujours viser le "prestige" probabiliste des romanciers que la bohème funeste de la constante ubiquité des poètes de merde4. Cette guerre d’écrivain à écrivain, de groupes à groupes, de maisons à maisons, d’écrivain à critique, etc., qui persiste et signe dans les propriétés des textes comme dans les trajectoires des uns et des autres, cette guerre de positions, de conversions qui fait qu’une certaine idée de la poésie nous force à être toujours en première ligne contre les ravages d’une langue spectaculaire, tautologique et vide, qu’on lit partout, qui a pénétré partout (même la politique politicienne se sert de story-tellers, c’est dire que le narré est partout), qui reproduit la « doxa littéraire » partout (même dans les places fortes du modernisme), cette langue dominante exclusivement basée sur la narration et sur l’existence de personnages et qui est le transcendantal historique hyper-normatif de tout écrivain et de tout lettré qui se respecte (ou pas) ; cette croyance en cette importance de la narration qui fait que quand on ne raconte pas, c’est compliqué de littérairement, éditorialement, exister, surtout que cette forme est majoritairement maniée par ceux qui ont le plus envie de voir, par exemple, la poétique politique d’un livre comme celui de Jérôme Bertin cesser d’être éditée. Car un livre n’existe pas seulement pour ce qu’il dit. Les romanciers devraient le savoir. Et quand ils le savent, c’est pour, de toute façon, encenser les vieilles avant-gardes historiques (dans un fort relent de nostalgie), tout en pissant sur les vrais descendants aujourd’hui de ces mouvances5.

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Aujourd’hui, Al Dante a vingt ans (cette simple assertion est déjà en soi un acte de résistance). Et nous ne sommes qu’une poignée ici ou là qui prenons toujours les Denis Roche, Christian Prigent, Joseph Guglielmi, Jacques-Henri Michot ou Michel Robic comme références et/ou influences. Jérôme Bertin est de ceux-là. Il ne peut se satisfaire des tournures que peut prendre la poésie contemporaine quand elle est acculée dans la crise (cet état de crise permanente qui est sans doute le statut du poète depuis toujours), laquelle détermine certains poètes, même proches de nos valeurs mineures et minoritaires, à "fricoter" avec tout ce qui peut, a pu, aggraver, voire qui aggrave cette crise, quitte à creuser encore et encore le (profond) sillon hyper-individualiste de l’anar de salon ou du petit-marquis de l’institution.

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La petite musique de Première Ligne est précieuse parce que rare, rare et donc inestimable en soi, c’est le tac-tac-tac (ou « le tic tac » p. 30) d’une mitraillette langagière poétique prête à ravager la tête du lecteur (assonances et allitérations, rimes internes en cascade & en contre-bande6), « Il faut s’armer, il ne faut plus s’aimer mais saigner » façon haikaï 47, où « chaque phrase est un slogan » accompagné d’une rythmique précise que l’on retrouve tout au long du livre : « Présent chape de plomb. Défilé de mordre. Elle est morte sur le coup » (p.24) ; ou « Comme sur des roulettes russes. Des montagnes de corps décharnés. Tête cible fume » (p.31). Cette petite musique qui nous rappelle à la fois Céline, pour la violence désenchantée mais lucide (on l’a déjà dit), mais aussi Prigent, pour ces jeux de langue et de sonorités carnavalesques, ces « sables mourants », que l’on trouvait déjà dans ses Fragments du carnage (Voix, 2008), l’une des spécialités de Bertin, et qui en fait l’un des très rares aujourd’hui à prétendre réellement à l’étiquette post-TXT ― Ce texte, qui pourrait tout à fait y prétendre, est en quelque sorte le Manifeste poétique de Jérôme Bertin. Car, à la différence de ses textes poétiques antérieurs (en vers), la forme, en séquences courtes et en blocs de vers (justifiés), sied beaucoup mieux à sa poésie guerrière et inquiète, et à son univers en forme de nœud coulant.

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Le livre est formé de séquences brèves, de trois ou quatre lignes chacune, formant donc ces « 105 mesures » d’une guerre qui est tout bonnement le monde réel (dans tout son champ d’existence ; le livre décrit toutes sortes de situations dramatiques, où violence pure et violence symbolique se partagent à part égale, pourrait-on dire, la représentation du monde, de la plus intime à la plus politique ― les pronoms sont nombreux et l’indétermination règne / Chaque séquence est comme un cut de réel où nous ne sommes que spectateurs), toutes ponctués par un « ou » en italique qui forme le seul espace de respiration où le réel est en suspens, blanc comme neige, se neutralisant. Ces mesures qui sont à la fois « la distance convenable pour parer ou pour porter un coup d’épée, avancer vers son adversaire ou se mettre hors de portée » et, à la fois, la « division du temps musical en sections d’égale durée » ; on retrouve dans ces deux définitions, les deux façons dont on peut prendre le livre de Bertin, la musicalité et la rythmique de Première ligne (« des notes de zéro à rien ») où « chaque mouvement [est] une chute » (p. 28), où chaque poème est une « sentence », comme une plongée cinématographique dans le réel le plus brut (où le « je » n’est presque jamais présent) et comme une guerre sans fin où il faut constamment porter des coups au réel et constamment les éviter, pas pour que le réel s’évanouisse (Bertin n’est pas un idéaliste, il nous met la gueule dedans), mais pour s’y frotter, s’y confronter encore et encore, car là, est notre seule destinée, car là est notre seule possibilité. Ces deux façons de voir le livre sont emboîtées : « le poète doit se faire voyou (avec violence à graver) » et il doit créer des « symphonie[s] pour crashs [et] crachats ».

Ce ou, en ponctuation-silence,

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pour nous dire que le réel n’est que combinatoire de combinatoires jamais assignables et qu’il est impossible d’en fixer un seul sens, un seul accès, une seule représentation (le monde comme ensemble de ses combinatoires ?). On retrouve là encore Prigent et les tenants du Manifeste Négatif qu’avait co-écrit Bertin et votre serviteur en 2001 dans un numéro de la revue Action Poétique. C’est dire que Jérôme Bertin laboure le même sillon, au moins depuis Round 99, chez Al Dante, en 2006, et dans tous ses livres depuis, c’est dire qu’il laboure la même vision du monde, certes désespérée, certes violente (mais un livre qui donne le change au réel ne se doit-il pas d’être d’une certaine violence ad hoc ? / La violence des dominants et de ce capitalisme, comme fait social total, n’implique-t-elle pas un véritable état d’exception du fait littéraire et de sa pratique ?), c’est dire la même poétique (expérimentaliste), élaborée spécialement pour notre monde, en direct de notre monde, c’est dire la même vision polémique et dissidente, quelque part (toujours) entre Céline, Miller, Artaud, Guyotat, et Kafka ― commentant un monde absurde dans et pour lequel on se bat, ça rentre, ça sort, ça ne s’éloigne pas, dans la dérive et le désarroi, mais aussi dans la jubilation à nommer ces lieux où le combat (poétique) est tout ce qui reste, où nous n’avons que notre langue pour répondre aux coups, aux injonctions, aux verdicts, où nous payons chaque jour, chaque mot, où nous payons pour chaque jour et pour chaque mot, alors que le champ poétique, lui, reste toujours aussi réticent devant des livres qui exhibent la violence brute du monde. Mais heureusement que nous avons ce genre de poétiques un peu "folles", un peu "borderlines", qui nous bousculent, qui nous acculent, qui ne nous font pas plaisir et qui ne sont pas là pour nous réconforter (qui n’offrent pas de plaisir du tout, et elles ne sont pas là pour ça), au contraire de tous ces livres fades et stéréotypés que nous voyons aux devantures des librairies ou sur les écrans des émissions littéraires, qui sont pleins d’un confort, convertibles à n’importe quelle satiété, sauf celle du monde réel, sauf celle du monde, en tout cas, dans lequel on meurt, on viole, on tue, on châtie, on punit, on pourrit. « Je ne crois pourtant pas qu’il faille éponger toute trace de la diction expressionniste », nous a dit Prigent (et Bertin est l’un des rares à avoir véritablement repris cette "leçon") ― la France n’a jamais eu beaucoup de poètes "expressionnistes", à part Jacques Prevel (1915-1951) et quelques autres (Ilarie Voronca, Francis Giauque, les premiers Bernard Noël, Danielle Collobert, Abdellatif Laâbi dans Le règne de barbarie, par exemple), toujours aussi mésestimés aujourd’hui, mais Bertin est, sans nul doute, de ceux-là (comme Cédric Demangeot, aujourd’hui, d’une certaine façon, ou Fabienne Courtade, tous les deux chez Flammarion, dans le collection d’Yves Di Manno). Car un livre n’existe pas seulement pour comment il le dit. Les poètes devraient le savoir.

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Et parce qu’il y a des livres et des événements qui sont autant de casus belli symboliques,

nous resterons, avec Bertin, en première ligne.

 

1 Triste Sollers aujourd’hui défendu par BHL, soit l’arrière-garde auto-parodique de la littérature avec la poubelle de la "philosophie" médiatique héroï-comique.

2 Manuel Joseph est l’exception qui confirme la règle.

3 Dans une première version de ce texte, je donnais plusieurs exemples de ces éditeurs ; mais je ne voudrais surtout pas « personnaliser » le débat ou n’en faire qu’une variante d’un plaidoyer pro domo, qui, bien sûr, ne peut, ici, qu’exister, je ne le nie pas, je ne suis pas idiot. Il ne s’agit pas non plus de donner de bons ou de mauvais points, mais d’indiquer des profils d’ensembles, des lignes de fractures, y compris dans le champ des poétiques de l’« ultra-contemporain ». Par ailleurs, ma vision de ce que doit être la poésie d’aujourd’hui ne coïncide pas absolument avec ce que peuvent être mes goûts personnels en matière de poésie (même si, évidemment, tout est très lié). J’insiste : j’ai beaucoup de plaisir à écouter de la pop mainstream, même si ce n’est pas ce que je ferai si j’étais musicien. Par ailleurs, Pierre Bourdieu a une réponse à cette question (mais je ne sais pas si je vais la suivre) : « Comme l’enseignait Marx, la science sociale ne désigne "des personnes que pour autant qu’elles sont la personnification" de positions ou de dispositions génériques – dont peut participer celui qui les décrit. Elle ne vise pas à imposer une nouvelle forme de terrorisme mais à rendre difficiles toutes les formes de terrorisme ».

4 Il y a tout de même des poètes qui « tournent » beaucoup ― de librairies en galeries d’art, en passant par toutes les institutions littéraires ou culturelles possibles. Pour ces poètes qui se font facilement un SMIC (minimum) par mois, la « bohème » radicale et politique (dont ils peuvent par ailleurs venir) n’est qu’une position (une posture) comme une autre. La sincérité n’est pas leur propos.

5 C’est ce qu’on pense d’une revue poétophobe comme L’Infini, qui n’arrête pas de se voir dans la continuation fantasmée des grandes avant-gardes de naguère (de Artaud à Debord) mais qui ne publie que des "trucs" soumis à l’allodoxia (en gros des livres qui se voudraient avant-gardistes mais qui ne sont en fait que des produits de l’époque s’accommodant fort bien de la dialectique du marketing), tout en ignorant (au mieux) les vrais « premières lignes » d’aujourd’hui.

6 exemple, page 5 : « L’odeur de ses cheveux, cuite. Cuisse de lait et petite laine. […] Buvard sa langue à sa mangue à sa menthe rose. »

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Fabrice Thumerel

Critique et chercheur international spécialisé dans le contemporain (littérature et sciences humaines).

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16 comments

  1. pennequin

    Les grands éditeurs parisiens tels pol viennent de publier Edith Azam !!! Azamienne? courtouzienne ? libre-crottienne ?????
    Cela dit en passant, pour corriger quelques effets d’aigritude du texte (si mon commentaire passe! ce qui m’étonnerait fort!) Manuel Joseph a publié 4 ans avant le premier Tarkosien, qui s’appelle Tarkos…

  2. Fabrice Thumerel (author)

    Eh non, pas de censure quand on est libre et critique.
    Et quand on est libre et critique, on cherche à éviter les faux débats, qui tournent d’autant plus à la polémique qu’ils sont réducteurs : quoi de plus vain que des enjeux d’écuries et des petits jeux de placements et de déplacements sur le petit échiquier de la création poétique autonome !

    Sylvain a pris le risque de livrer une analyse sociologique empirique à partir de son point de vue comme de la position qu’il occupe ; mais, s’il ne saurait y avoir d’objectivité dans ce cas, faut-il pour autant nier en bloc l’intérêt de sa démarche ? Les acteurs d’un espace social ne sont pas forcément démunis de toute lucidité et leurs prises de position ne manquent pas forcément de pertinence.

    Il est vrai qu’il ne faut pas tomber dans la fausse opposition « petits éditeurs » = originaux / « grands éditeurs » = commerciaux. D’ailleurs, avant même que tu n’intègres P.O.L, j’ai eu l’occasion de montrer que la politique éditoriale de Paul Otchakovski-Laurens est plus subtile qu’on ne le croit, réagissant à un article de revue (cf. mon CHAMP LITTÉRAIRE FRANÇAIS AU XXE SIÈCLE, 2002). Lequel POL s’est toujours dit éclectique : donc, oui, depuis le début, il a pu publier Novarina, Prigent, Lucot, Pennequin, ou Joseph – mais les avant-gardes comme les écritures expérimentales ne sont pas des spécialités maison. En revanche, des éditeurs qui se consacrent presque exclusivement aux écritures expérimentales, il ne reste guère que Al dante – dont le catalogue est déjà historique (catalogue morcelé, hélas, vu son histoire en pointillés.

    Par ailleurs, il ne faudrait pas circonscrire le débat aux seules maisons d’édition : le textocentrisme reste de mise, alors même qu’une grande partie (la plus grande ?) de la production expérimentale s’effectue sur le net et/ou dans des performances live/enregistrées.

  3. JM espitallier

    Le problème est d’abord adjectival. Petit/grand véhicule des sens très divers dont le sens péjoratif fait souvent écran (ou se mélange) au sens quantitatif (or un petit éditeur est d’abord un éditeur qui a un petit chiffre d’affaires, peu de salariés, moins de parutions annuelles qu’un grand, tautologique en diable! – cf. par exemple Bourdieu évoquant le mot « paysan », immédiatement interprété comme dévalorisant avant d’être « lu » comme déterminant simplement une catégorie socio-professionnelle ou territoriale, un métier, etc.) et, dans cette logique, on peut dire que certains petits éditeurs sont de grands éditeurs. Il me semble que la littérature ne peut tout à fait se juger/jauger à l’aune de ses modes de production, ou disons que s’instaure un phénomène de boucle parfaitement flou, parfaitement trouble, où le bon écrivain publiant chez un éditeur rend l’éditeur bon, ce bon éditeur rendant bon l’écrivain qu’il publie , etc. (Vous me suivez?…;-). Où en étais-je? Ah oui. Un peu décousu, mais je continue: cette question du « grand éditeur parisien » est une vieille lune qui, comme pour le 11 septembre, par exemple, a ses adeptes légèrement complotistes (les méchants éditeurs parisiens corrompus, puisque parisiens, et grands puisque parisiens ET corrompus). A l’inverse, l’image du « petit éditeur » (de province ?) renvoie immédiatement à l’image d’un labeur dans la passion intacte, de l’authenticité sacrificielle –ô, Christ, prends pitié -, de la difficulté élevée au rang de grâce et, bien sûr, en monnaie d’échange, du sans faute esthétique, politique, éthique, etc. Chemin de croix = label qualité. Souffrir pour être belle, comme disait l’autre. Tout ça n’est donc pas exempt d’un réflexe légèrement judéo-chrétien, et même catholique romain, où la faute originelle sera forcément absoute dans la souffrance, la douleur et le goût du peu (ici, encore, je me sens tellement du côté de l’aristocratisme nitzschéen !). Les choses sont en réalité moins tranchées, mais tt de même, cette idée d’un axiome petit = grand, grand = petit (con) est bien commode aussi comme cache-misère. Enfin, il y a de grands éditeurs qui sont de bons éditeurs (de grands éditeurs qui sont de grands éditeurs, si vous voulez), mas là aussi, rien de plus agaçant que cette fétichisation de certains, POL comme saint Graal, par exemple, alors que, comme on sait, chaque époque génère ses éditeurs, et je ne suis pas sûr que ceux qui, en 2014, veulent absolument « entrer » chez POL (au demeurant bon éditeur, là n’est pas le problème), ne se trompent pas d’époque (dans leur désir, je veux dire). Un ami écrivain me disait l’autre jour « Al Dante est l’antichambre de POL », comme si publier chez POL était une fin en soi (la fin en soi, mec, c’est ce que tu inventes !). Cette figure a pu être pertinente (surtout dans ses résultats, d’ailleurs) il y une dizaine d’années, je ne pense pas que ce soit le cas aujourd’hui. Publier de la poésie chez Gallimard (dans la blanche) était un accès assuré au nirvana il y a … 30, 40 ans ? Qu’en est-il aujourd’hui ? Fini, terminé ! Certains y croient encore… (en vrac et très lacunaire, je pourrais en écrire des pages sur le sujet – pas dit que je ne le fasse pas, un jour !!!).

  4. pennequin

    la corporation réponds, langage de postures et d’impostures pour un faux débat qui ne flatte que les égos des bons serviteurs de la soi disante avant garde ! ça ne dit rien, ça blablate de la sociologie et personne ne le dit. vive le monde pépère de la poésie !
    Par exemple (question courage) j’aimerais qu’on éclaircisse ce passage : « laquelle détermine certains poètes, même proches de nos valeurs mineures et minoritaires, à « fricoter » avec tout ce qui peut, a pu, aggraver, voire qui aggrave cette crise, quitte à creuser encore et encore le (profond) sillon hyper-individualiste de l’anar de salon ou du petit-marquis de l’institution. »
    c’est qui ? des noms ? c’est pas un nom qui est justement dans la playlist de sylvain ?
    Faite hier !!!
    http://www.radiogrenouille.com/actualites-2/sujets/poetes-musiciens-chanteurs/
    COURAGE ! DES NOMS !

  5. JM espitallier

    Je rumine une réponse un peu plus argumentée, mais en attendant, me ruant sur la playlist que tu évoques, Charles, je la trouve, Sylvain, tt de même assez planplan. Je ne parle pas de la qualité de chaque occurrence (Anne-James, parfait, Cadiot, Quintane, aussi, etc., bien évidemment sont des poètes, écrivains dont j’estime le travail!- sur le coup, personne ne pourra me prendre à défaut, il suffit de relire Java ou mes deux livres chez Pocket), je ne parle pas de contenu, donc, mais de ce qui me paraît être un subtil petit montage très équilibré et à risque zéro. Une pincée de poésie sonore, un peu de Cadiot (c’est obligatoire, surtout avec Burger) pour la branchitude patrimoniale, un chouïa de Quintane pour le côté hyper-littéraire mais expé, quand même, et désinvolte intello, Hubaut parce que la perf, c’est quelque chose, F Ferdinand pour la rock’n roll touch de bon ton. Et dans ce petit appart sympathique (moins de dix pièces), Sylvain Courtoux. Tout de même, Sylvain, comment peux-tu dénoncer dans le même temps la stratégite galopante qui, à tes yeux, serait le mobile premier des écrivains que tu égratignes sans les nommer? La ficelle est un peu grosse, non? Cette playlist est un flyer de vente, du marketing par délégation, un petit appartement témoin, et une obligation d’achat (7 pour le prix de 6!). Sans risque si ce n’est celui, majeur, de n’en prendre aucun.

  6. Fabrice Thumerel (author)

    Content de voir que tu continues à lire LIBR-CRITIQUE, Charles.
    Pour le reste… l’analyse sociologique est justement un effort pour échapper aux corporatismes – très actifs dans le petit milieu poétique, tout comme les égocentrismes (Christian Prigent le signalait en 1996 dans A quoi bon encore des poètes ?).
    Et je salue Sylvain pour un tel effort : la réflexion exclut la vaine polémique. Donner des noms, dresser des playlists, c’est tomber dans la réduction simpliste… Et au fait, qui parle de playlists ? D’où tiens-tu cette playlist-là Jean-Michel ? Dans son texte, Sylvain s’évertue à étudier des généalogies, pas à établir des hit-parades – même si l’on connaît ses goûts.
    Là où je vous rejoins : Sylvain va parfois vite, ne faisant pas dans la dentelle… Faudrait qu’il nous explique : « POL ne publiant plus que des post-tarkosiens prigentiens »…

  7. JM espitallier

    C’est la playlist qu’évoque Charles. Le problème est qu’elle intervient le jour même où Sylvain écrit sa rubrique… Et quant aux post-tarkosiens, ou je ne sais quoi, quand va-t-on arrêter de regarder le monde avec les lunettes des généalogies? Les années 90 sont finies depuis… 15 ans! Oui, ce fut un âge d’or, mais il ne tient qu’aux plus jeunes générations de continuer la partie. En rédigeant de nouvelles règles et avec des cartes toutes neuves (quitte à foutre en l’air des vieux pions!).

  8. stéphanie éligert

    Commentaire posté sur FB , et collé ici : « Si « j’aime » ce nouveau lien, c’est surtout par joie de constater qu’une question théorique (indépendamment de cette belle maison d’éditions, d’ailleurs) puisse susciter un peu d’échanges collectifs, etc. Cependant, je regrette que la densité du texte de Sylvain soit réduite à des questions d’éditions et de noms, qu’il manque ou pas, de play-lists, etc. Sans doute est-ce important, mais la lecture que j’en ai faite, et viens d’en refaire, est plus immédiatement sensible aux grands mouvements politiques et formels tracés, certes anciens, mais qu’il fait toujours plaisir de voir brutalement schématisés, et repoussés, avec l’énergie qui s’impose : l’avant-garde (ou l’expé) et la réaction lyrique, etc. Il y a dans ce texte une urgence politique, je trouve, qui devrait pouvoir dépasser les clivages, ou les indélicatesses. Par exemple ceci : « la guerre, dont il parle, on ne la connaît que trop bien, parce que c’est celle que l’on peut vivre tous les jours, face à son banquier, ou face à sa psy, ou face à l’assistante sociale, ou face à son médecin, ou face à sa famille, ou face à ses collègues de travail, ou face à l’indifférence générale, ou face à sa télé, c’est à la fois la guerre pour la parole et la reconnaissance, à la fois la guerre pour être (et pour certains : avoir) et parler, la guerre sociale, donc, contre tout un système politique ». D’autres choses pourraient être dites, ou contredites, mais l’essentiel, par les temps qui courent, est de faire front commun ».

  9. pennequin

    Front commun avec des livres et avec celui de Jérôme : A fond !
    je ne ferai jamais front commun avec l’arrivisme.

  10. AnnaO

    …/…
    Dans le chant post-atlantique, il y a Karl, Samuel, internet, les diffusés, les arbres, les non-dupes-c’est pas pratique, du tissu, cette femme qui s’ignore pour le bon déroulement, ce livre, une fleur sans bleu, ouverte et déçue, il y a Georges qui hésite, il y a des soldes dans sa tête, nous sommes samedi 2′, Vido comprend très bien ce pas-tout qui le dirige-insu et Marthe s’en doute comme elle sait, quant à Françoise elle préfère les cocktails et le rose fushia à tout ça.
    …/…
    Dupe qui peut !

  11. Fabrice Thumerel (author)

    Arrivisme… du point de vue d’un arrivé ?
    Soyons sérieux : les deux derniers livres de J. Bertin méritent attention (pour ma part, je reviendrai en Une sur son PROJET WOLFLI) et l’entreprise de Sylvain dresse des lignes de partage/fracture/faille au sein de l’espace poétique autonome.
    Sur l’approche généalogique… On trouve dans l’article de Sylvain deux approches différentes : celle, vitale, qui consiste à situer historiquement les courants principaux de la modernité ; et celle, propre à la critique journalistique, qui se réduit à condenser l’originalité d’un auteur par de vagues caractérisations adjectivales – du genre « post-tarkosiens prigentiens »… La première est d’autant plus éclairante qu’elle évite à la critique de s’emballer inutilement (mais déplaît aux écrivains contemporains, qui voudraient bien apparaître comme incomparables, irréductibles, inouïs) ; la seconde n’est qu’une facilité qui permet l’économie d’un véritable travail critique.

  12. Françoise Lonquety

    Elle ne voulait qu’il. Pyromane, romance. Un roman
    pointu comme. A cheval sur la haine.Comme boire le
    nectar dans un verre fêlé cette aube qui se traîne.
    Il ne voulait qu’elle.

    N’en oublions pas de lire Jérôme Bertin.

  13. nowak

    Je n’ai pas exactement la même lecture du texte de Courtoux. Il me semble qu’il y a là une lecture bourdieusienne du champ éditorial. Et une contextualisation : le constat d’une normalisation de l’édition ces 20 dernières années. L’édition n’échappe pas en effet à la prise de pouvoir des intermédiaires – diffuseurs et distributeurs – au détriment des auteurs et des libraires. En gros il arrive à la culture la même chose qu’il est arrivé à l’agriculture dans les années 50. Ceci posé comme fait général, cela n’empêche pas des aventures éditoriales à contre-courant de la normalisation ambiante. Il y a d’un côté les limites d’une certaine sociologie tautologique – les dominants dominent les dominés – et les limites du cas individuel confirmant la règle générale. On s’en émancipe comment ? Rancière est un des seuls qui pense l’émancipation contre des discours de la domination.
    Concernant la playlist de Sylvain Coutoux dans l’émission de radio, je ne partage pas les commentaires de JM Espitallier, ce n’est pas un best of, c’est un choix qui mélange des titres connus, et d’autres à faire découvrir aux auditeurs. J’aime bien l’idée du risque et me demande, tu connais bien mieux ce champ que moi, qu’est-ce que ça serait pour toi une play list risquée ?
    Concernant le livre de Bertin, Première ligne, je considère que c’est son meilleur livre publié. On peut lire dans laviemanifeste.com la note de lecture que j’ai rédigé.

  14. Rivoirard

    ah bah un peu polémique ça fait pas de mal on s’endort tellement dans ce foutu pays ce qui est rigolo surtout c’est de voir un milieu riquiqui mais avec un bon gros melon s’écharper avec force sous-entendus quasi imbitables pour les non-initiés de la secte supérieurement éclairée.
    les expérimentateurs au dessus de tout ah ah l’avant garde ah l’hermétisme oui la poésie presque sans public trop triste critique celle qui en a trop rsa contre smic contre a.r.e. ça fout le bordel un peu bien.
    les pères t’enverraient tout ça au boulot feignasses qui c’est les vendus les moins vendus les plus beaux vendus hein hou hou les subventions toi t’as trop de la subvention et des contacts et des copains pas assez moi la résidence et moi c’est pour moi je suis le pur plus pur celui qui quand même il est financé par l’architecture dégueulasse ah bah oui je résume schématise là mais c’est ça aussi non les gars si on creuse ?
    ça revient dans la gueule ah tiens tout ça poubelle dans les couloirs froids de l’histoire nous sommes bien drôles on rit bien mais pas trop en lisant de la grande littérature avant-gardiste dans son petit coin ça donne pas trop envie d’être édité votre milieu et vos conclusions mais pour ça d’accord il faudrait avoir du votre talent sans doute mais moi je moi je suis trop un vrai poète de merde non pas poète juste de la merde jetons les livres et sortons dans la rue la poésie nous ennuie je cet aprem je vais je dois je au supermarché bisous à tout le monde

  15. sylvaincourtoux

    Cher Stéphane, l’émancipation dont tu parles, moi je pense qu’elle se joue dans les formes et le travail discursif/langagier des auteurs expérimentalistes…. Ce n’est pas autre chose que ce je dis dans ce texte. Lénine : un contenu  »révolutionnaire » ne peut se passer de formes « révolutionnaires ». Pour moi, en tant que « poète », c’est la seule manière de s’émanciper de la doxa littéraire et des discours normatifs et sociaux sociaux de domination. Un poète, politiquement, ne peut pas faire grand chose, mais il peut faire quelque chose à son propre niveau : l’artistique. C’est-à-dire, travailler la forme autant que le contenu (sans narration aucune, bien sûr – ou si peu) pour créer des objets livresques absolument inouïes. Mais il faudra que l’on reparle de tout cela. Je t’embrasse bien fort, s.

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