[Création] Daniel Cabanis, Enchaînement logique des alibis (4/5)

[Création] Daniel Cabanis, Enchaînement logique des alibis (4/5)

septembre 6, 2017
in Category: créations, UNE
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[Création] Daniel Cabanis, Enchaînement logique des alibis (4/5)

Où Daniel Cabanis joue au chat et à la souris… [Lire/voir le précédent]

 

Quatro

 

Non, ce n’est pas mon genre d’élever la voix. Je refuse de clamer mon innocence.

 

Le mercredi 12 juin, en rentrant chez moi vers dix-huit heures trente, j’avais perdu mes clefs, au Parc Montsouris, je pense, où j’avais passé une partie de l’après-midi. Je n’avais rien de particulier à faire au parc mais il faisait beau, une sieste bien sûr, traîner, lire, et mes clefs ont dû glisser hors de la poche de ma veste quand je me suis endormi au pied du séquoia géant. Je suis vite retourné sur les lieux. J’ai cherché. Les doigts écartés en râteau, j’ai fouillé l’herbe. Et rien trouvé. Un gardien m’a engueulé. Il voulait que je dégage. Je l’ai envoyé s’faire foutre. Il a sifflé à l’aide ses collègues, lesquels ont surgi des bosquets. Trois ils étaient, qui m’aboyaient dessus et gesticulaient. J’ai craint qu’ils ne me tabassent. J’ai dit Messieurs de Montsouris, du calme ! J’ai perdu mes clefs alors soyez un peu aimables, mettez-vous à quatre pattes et passez avec moi la pelouse au peigne fin ; votre flair aidant, je ne doute pas que nous puissions les retrouver, merci. À voir leurs figures que la colère congestionnait, j’ai compris que mon propos avait fort déplu. Et je suis parti en courant. Habituellement je déteste le jogging, mais là il s’imposait. Ils m’ont poursuivi. Je leur ai fait faire deux fois le tour du lac avant de leur échapper définitivement en sortant du parc. On aurait dit le remake improvisé d’un court-métrage muet des années vingt. Ça m’a fait du bien de ridiculiser en grand ces braves balourds. Certes, ce n’est pas très charitable mais après tout j’avais perdu mes clefs, j’étais à la rue, seul, affamé, sans ressource : autant de raisons valables d’être d’humeur méchante. J’ai repris souffle un pâté de maisons plus loin, et j’ai téléphoné à Liz. J’espérais l’émouvoir avec le récit de mes ennuis, et qu’elle m’héberge, me nourrisse, me masse, et me console. Ben, des clous ! Liz n’était pas joignable etc. etc. J’ai rappelé dix fois. En vain. J’ai fini par solliciter les services d’un serrurier. Tout ça est vérifiable.



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rédaction

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