[Entretien] Charles Pennequin par Sylvain Courtoux

[Entretien] Charles Pennequin par Sylvain Courtoux

janvier 26, 2006
in Category: entretiens
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Long et passionnant entretien de Charles Pennequin par Sylvain Courtoux. [extrait 1ère question] : "1. Charles, pourrais-tu te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas ? Je suis né à Cambrai dans le Nord en 1965. J’écris des textes qui ressemblent parfois à ceux publiés par P.O.L (bibi) ou par Al Dante (Dedans). Il m’arrive d’écrire des poèmes en vers (Bine, chez le Corridor Bleu, ou Le père ce matin, chez Carte Blanche). Beaucoup disent qu’ils ont du mal à lire mes poèmes. Cela m’étonne, parce que pour moi c’est comme ça que je vois l’écriture. Je pense qu’il faut lire Céline, les proses de Beckett, le journal de Nijinski, la graphomanie de Parant, le verbe de Novarina, et on comprendra peut-être un peu mieux après. Mais il faut faire ce travail là, cette traversée (Rabelais ! Proust ! – que j’ai pas encore lu cela dit !), et on ne peut guère la faire pour lui (le lecteur). Faudrait-il lire ce que j’ai lu pour me lire (les écrits bruts, un peu d’Ernst Jandl, de Maurice Roche, du Corbière, beaucoup de Prigent, une pincée de Gertrude Stein…), ce qui m’a intrigué, attiré, repoussé, laissé sur le carreau (l’effet Cadiot, époque « Art poétic’ », l’épaisseur feuilletée d’un Hubert Lucot, la beauté complexe d’un vers de Philippe Beck, le cut-up de Burroughs…) ? Et comment lire ça ? Comment j’ai touché ça de la vue ? Comment j’ai senti physiquement le corps écrit d’Artaud, par exemple ? Qu’est-ce qu’on fait comme expérience, quand on découvre tout ce petit monde ?" Lire la suite

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rédaction

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5 comments

  1. philippe

    quand on clique sur « lire la suite » on ouvre la page « Http/1.1 Service Unavailable »…
    j’ai hâte de lire cette interview.
    merci

  2. guy niole

    Sans doute voulu de la part de libr-critique ou de Courtoux?
    voici le texte que j’ai retrouvé dans mon ordinateur…

    ENTRETIEN CHARLES PENNEQUIN /Revue Cancer!

    1. Charles, pourrais-tu te présenter pour les lecteurs de Cancer! qui ne te connaissent pas ?

    Je suis né à Cambrai dans le Nord en 1965. J’écris des textes qui ressemblent parfois à ceux publiés par POL (bibi) ou par Al Dante (Dedans). Il m’arrive d’écrire des poèmes en vers (Bine, chez le Corridor, ou Le père ce matin, chez Carte Blanche). Beaucoup disent qu’ils ont du mal à lire mes poèmes. Cela m’étonne, parce que pour moi c’est comme ça que je voie l’écriture. Je pense qu’il faut lire Céline, les proses de Beckett, le journal de Nijinski, la graphomanie de Parant, le verbe de Novarina, et on comprendra peut-être un peu mieux après. Mais il faut faire ce travail là, cette traversée (Rabelais ! Proust ! – que j’ai pas encore lu cela dit !), et on ne peut guère la faire pour lui (le lecteur). Faudrait-il lire ce que j’ai lu pour me lire (les écrits bruts, un peu d’Ernst Jandl, de Maurice Roche, du Corbière, beaucoup de Prigent, une pincée de Gertrud Stein,…), ce qui m’a intrigué, attiré, repoussé, laissé sur le carreau (l’effet Cadiot, époque « art poétic’ », l’épaisseur feuilleté d’un Hubert Lucot, la beauté complexe d’un vers de Philippe Beck, le cut-up de Burroughs,…) ? Et comment lire ça ? Comment j’ai touché ça de la vue ? Comment j’ai senti physiquement le corps écrit d’Artaud, par exemple ? Qu’est-ce qu’on fait comme expérience, quand on découvre tout ce petit monde ? Comme quand j’habitais Melun et que je découvrais, par le biais de la revue Action Poétique et du livre Ceux Qui Merdrent (Essai de Christian Prigent publié chez POL), toute cette modernité. Il m’arrivait d’avoir quatre livres de ces auteurs dans la main ! Certains étaient comme des poteaux, continuellement devant moi. Je vivais avec eux. Je ne savais plus quoi penser, ni surtout comment écrire !
    Comment décrire un cheminement, un trajet dans l’écriture ? Il faudrait peut-être expliquer les choses devant tel passage du livre, ce qu’on peut lire ici ou là, et faire le rapprochement avec le travail d’un musicien. J’ai parfois pensé, en écrivant certains passages de bibi, aux Variations Goldberg de Bach par exemple, par le biais de Thomas Bernhard (le Naufragé). J’ai relu aussi mes textes, plus anciens, et les ai remixé dans bibi. J’ai re-visionné quelque chose qui était resté en moi, comme un goût dans la bouche, un goût de rythme et de pensées mélés. Des Flashs, des traversées, des lignes que je redessine. Il me semble qu’il y a plusieurs épaisseurs et, en même temps, ça peut paraître très fluide. Simple. Facile. Avec Christophe Tarkos on a fait une revue, elle s’appelait Facial. Christophe me disait que c’était bien, car ça faisait penser à « facile ». Une écriture comme la sienne ça donne envie, ça peut susciter des vocations. Moi, ça me faisait respirer. J’étais content de vivre, d’être sur la même planète que ce type qui me donnait de l’air !

    2. Comment est venue ton envie d’écrire, quels sont les livres et les auteurs qui t’ont marqué et qui t’ont donné envie d’écrire ?

    En perdant pied, comme je l’ai dit plus haut. Je mélangeais tout. J’en étais, dans mes recherches les plus poussées, à Henri Michaux, et me voici propulsé dans Louve Basse (de Denis Roche), roulé dans la prose de Commencement (de Prigent), cloué au poteau par le rire carnavalesque de Verheggen ! Pour moi c’était plus fort que le rock alternatif ! C’était furieux, et je n’y comprenais rien ! Les livres tels que peep show, ou De R’tour (d’Eric Clémens), n’avaient rien à faire dans une bibliothèque. C’était trop neuf. J’étais comme aveuglé ! J’ai écrit à Prigent. Je maîtrisais à l’époque mon Rimbaud revisité par les rockers-poètes des années 70. J’avais rafistolé un « manifeste drap plat hôtellerie » ( !) Avec de la prose de ma période stupra version beatnik, agrémenté d’anecdotes bizarres à la Michaux et de micros-romans à la Butor. Le tout nappé d’une histoire glauque et hachée menu couleur Bérurier Noir ! Mais ça n’allait pas loin tout ça ! Du coup, j’ai dit au poète d’Ecrit au Couteau que je voulais connaître toutes les œuvres des auteurs qu’il mentionnait (mélangeant les peintres avec les poètes !), mais que je ne lui enverrais rien pour TXT, la revue qu’il dirigeait, parce que je ne savais plus écrire. Il m’a répondu très gentiment. M’a dit qu’on pouvait quand même s’écrire, se parler. Durant cette relation épistolière, je déménageais au Mans. C’est là qu’il habitait, lui aussi !

    3. Tu as commencé par écrire dans des revues et tu as même participé régulièrement à certaines d’entre-elles (Action-Poétique de Henry Deluy, le Jardin Ouvrier d’Ivar Ch’Vavar, Fusées de Matthias Perez), quand tu ne les créais pas toi-même (Prospectus, Facial ou Patate avec Pascal Doury). Peux-tu nous parler de ce qu’a représenté pour toi ce travail quasi expérimental avec et dans les revues, les tiennes et celles des autres ?

    J’ai eu envie de publier avec d’autres en fait, autour d’un thème, de quelque chose qui ferait un ensemble homogène. Prospectus, c’était l’idée reprise de publicités sur la bidoche. Un spécial congélateur avec des morceaux de choix de Suel, Tholomé, Garcia, Quintane, Demarcq, Le Pillouër, Beck, etc. Mon préféré est le dernier numéro, « la vérité sur la famille », avec des poèmes d’enfants vivants dans les rues de Dakar, et des dessins de mes filles. Facial, c’est déjà plus dur comme concept. C’est après la revue « poézi prolétèr » de Kati Molnar et Christophe Tarkos. Il fallait faire dans le détergeant ! Genre : Action rapide – spécial professionnel (1 bouchon par litre). Facial est une formule puissante, qui continue d’actionner ses petits ressorts dans ma tête. Il faut toujours que je pense à Facial pour ne pas dégringoler trop dans la mièvrerie, dans la poésie avec des belles images. Pour moi, la revue doit être un objet d’ensemble. Il y a les contributions, mais celui qui façonne doit travailler l’espace, lui donner de l’ampleur. Ce n’est pas un enfilage de texte. Sinon c’est une grosse saucisse. Beaucoup de revues ressemblent à des saucisses malheureusement. Des saucisses mal ficelées ! Le comble ! Des trucs mis bout à bout, des dossiers par-ci, des micros-climats de pensées par-là. Il faut faire des revues comme on pense les livres, mais faire le livre avec plusieurs mains. Patate, c’est autre chose. C’est un « album » en quelque sorte, fait avec les amis de Doury et ce sont des expériences complètement différentes. Là, c’est lui qui mettait en scène. Et beaucoup de poètes au CNL ont cru s’étouffer quand ils ont vu le projet ! On leur demandait des sous en leur envoyant des images de suicidés ! Aujourd’hui, j’attends avec impatience le deuxième numéro de Plastiq. J’aimais bien, et j’aime toujours, participer à des petites revues, comme ffwl de Christian Desquesne, ou le Corridor (qui a bien grossit !), de Charles Mezences Briseul. Tout ce qui peut me pousser à écrire est le bienvenu en fait, dans la limite des stocks disponibles ! Mais en vérité, je songe plus à faire des livres maintenant. L’aventure à plusieurs ça ne m’intéresse plus trop à vrai dire. Ça va un temps, c’est réconfortant car on ne se sent pas seul, certes. Mais après tu travailles avec ce que tu as en toi, les autres écritures, que tu visites encore parce que tu es parfois un peu curieux, ne t’apportent plus de quoi changer radicalement ta façon de faire.

    4. Ton premier livre Le Père ce matin, publié en 97 chez Carte-Blanche, et certains de tes textes plus courts comme Ça va chauffer, Storage ou encore Mordre ou Cerveau tous micro-édités par Derrière la salle de bain, ont une forme poétique, ce qui n’est déjà plus le cas avec ton second livre Dedans (Al dante, 99) ou Bibi (POL, 2002) qui sont faits de gros blocs de prose compacts. Que représente la poésie pour toi ? D’après-toi, que parvient-elle à symboliser et que le roman ne peut dire ?

    Pour moi Dedans c’est la pierre tombale. Le cercueil dans lequel j’ai mis toute ma poésie de plusieurs années. Dedans c’est tout bien rangé, et c’est un suicide aussi. Une grosse douleur et il m’a fallu du temps pour digérer cette parution. Ce n’est pas un concept et il n’y a pas de programme. Bibi a suivi le rythme, a intensifié les questionnements je crois. J’ai toujours aimé la poésie par le petit bout de la lorgnette. Les noms que j’ai donné là-haut témoignent de mon goût pour ce qui n’est pas vraiment situable. Pourtant je n’ai su lire que de la poésie. Mais je n’aime pas la poésie quand elle est querelle de clocher, affaire de puristes (du style : « Heidsieck n’est pas un vrai poète sonore ». Quelle connerie entre nous ! Alors qu’une telle cathédrale que Vaduz, pour la poésie sonore – pour la poésie tout court ! – ça ne se refuse pas !). Et je pense souvent à Jules Doudin (!) quand je lis que les poètes numériques se plaignent de ne pas être invités au printemps des poètes. Je plains tous ceux qui se regroupent en chapelle, se disent de la poésie de demain (le futur ! encore ! quel romantisme !), de l’apex plus ultra de cet art et se nomment eux-mêmes les « créateurs les plus novateurs » d’aujourd’hui. Quand Bernard Heidsieck a commencé, il trouvait déjà que la poésie avait facilement 10 ans de retard par rapport à d’autres arts tels que la musique. Et puis quel cruel manque d’humour dans ces travaux ! On est souvent très loin de Dada ou des futuristes. Certes, je crois qu’il faut penser la poésie aux côtés de la musique pop, faire des lectures avec des DJ’s , montrer que ça peut aussi s’écouter distraitement, en longeant les dance-floor comme à l’anti-rouille de Montpellier, où j’avais été faire une lecture en compagnie de Jean-Michel Espitallier, de Jacques Donguy, de Kati Molnar, etc. Certes, aussi, de l’autre côté, j’entends les critiques sur la nouvelle génération. On reproche à certains jeunes d’utiliser innocemment des techniques d’auteurs confirmer. Artaud disait : « nous avons le droit de dire ce qui a été dit et même ce qui n’a pas été dit d’une façon qui nous appartienne, qui soit immédiate, directe, réponde aux façons de sentir actuelles, et que tout le monde comprendra ». C’est pour ça que je défends malgré un pan des théories de Christophe Hanna, même si, en lisant son livre on se rend compte d’un paradoxe : d’un côté la volonté louable de donner des outils aux poètes, de l’autre une guéguerre entre universitaires qui pour nous est vraiment sans intérêt. Et puis, ce qui m’ennuie surtout c’est qu’il y a une ligne directrice pure et dure, alors qu’il me semble qu’aujourd’hui, la chance de la poésie c’est qu’elle part dans tous les sens ! En fait, je me suis peut-être un peu senti dépassé par les « événements » (même s’il m’arrive de jouer avec les langages HTML ou Javascript ou de bidouiller certains programmes, je suis quand même dans la « tradition » des poètes faisant des lectures classiques), surtout qu’on m’a reproché que ce que j’utilisais était peut-être pas franchement nouveau (ce qui est mal connaître mon travail malgré tout, car il y a quelques années déjà je travaillais sur la série Urgences et je pourrais tout aussi bien revendiquer ma place dans « poésie action directe »…). Mais je m’interroge si ce n’est pas cette réactivation d’une pseudo avant-garde et cette obsession du nouveau qu’on peut trouver finalement dépassés ? Ce qui a été « novateur » pour moi, dans la poésie des dix dernières années, ça s’est souvent passé dans des performances ou des lectures sans dispositif particulier, tout se passait dans la frontalité qu’il y avait dans les lectures d’un Prigent, ou dans le côté sex pistols-franchouillard d’un Joël Hubaut, la fragilité tendue d’un Bruno Montcel ou les improvisations drôles et parfois pathétiques d’un Tarkos.

    Enfin, pour ce qui est du roman, je n’ai jamais su lire et ça ne m’intéresse pas. Je trouve que Houellebeck fait des livres attirants. Je lis deux pages quand j’en vois un dans une gare. Mais ce n’est pas mon propos, c’est pour moi un autre monde avec beaucoup de paillettes et de polémiques toc. Je pense que dans la poésie on ne sort pas sa carte du jeu. Au contraire, on la met bien dans le tas avant de mélanger les cartes. Pour moi ça me permet d’accepter le milieu dans lequel j’évolue. Je donne du temps pour le travail parce que dans cette société il faut donner de soi, pour avoir une vie décente, et donc donner du temps. Mais pour moi la vie doit passer par l’écrit, traverser la trame poésie. Je me sens bien dans le milieu humain que si l’on me donne la possibilité d’écrire, c’est-à-dire de parler à ma façon. Plus que cela même : c’est ma façon de respirer qui est en cause. M’empêcher d’écrire c’est m’empêcher de vivre parmi les hommes. Et puis la poésie c’est pas la littérature, c’est la vie, et comme dit encore Artaud, c’est celle qui « s’épuise le moins vite, puisqu’elle admet l’action de ce qui se gesticule et se prononce, et ne se reproduit jamais deux fois ».

    5. Tu as été, dès tes débuts, très proche de Christian Prigent ; as-tu été influencé par ses conceptions théoriques, notamment sa définition de ce que doit être une écriture moderne, “[tout] ce qui érode l’assurance des savoirs d’époques, [qui] défait le confort formel et propose moins du sens qu’une inquiétude sur les conditions même de production d’un sens. (…) J’appelle moderne ceux qui vivent toute langue comme étrangère et doivent donc trouver une autre langue – une langue dont la nouveauté perturbe le goût dominant et déplace les enjeux de l’effort stylistique (…) Des formes qui mettront à chaque fois la littérature en crise. Des formes qui seront quelque chose comme le nom de cette inquiétude qui pousse à ne pas se contenter de l’expérience du monde telle que la fixe les langues socialisées mais à re-présenter et à piéger cette représentation – à la refaire.”?

    Oui. Mais je me pose des questions. Je ne sais pas ce que c’est que le réel (lui non plus sans doute, c’est peut-être pour ça qu’il écrit des essais !), ce qu’est un corps. Je sais pas non plus pour le mot « moderne ». Il faudrait peut-être relire Saussure ou Kristeva pour ça. Tout est bon à foutre à la poubelle ! tous ces savoirs, plus rien n’est bon pour nous. Alors Christian Prigent à raison. Et ils sont peu nombreux ceux qui s’inquiètent de ce qui arrive.

    6. Penses-tu avoir été ou être encore dans une perspective moderniste telle que celle décrite par Prigent, ou dans cette problématique du mal et de la négation qu’il a développée dans ses textes sur Bataille, Guyotat, Artaud, Céline, Joyce, ou encore Burroughs : «Dans ces oeuvres le mal n’est pas seulement un thème, un sujet à décrire, il est cette force informe qui travaille les langues et leur donne à travers des formes étrangères une exorbitante violence. Elles savent [ces oeuvres] que le Mal est cette vérité qu’on ne saurait affronter frontalement dans des langues apaisées, réconciliées, socialisées vouées à la sélection cathodique stabilisé d’une communication sans restes. (…) Peut-être nos sociétés ne savent-elles plus ou ne veulent-elles plus voir ces formes esthétiques et ces gestes d’écriture dont tout l’effort est de prendre en charge la négativité, sa symbolisation et l’effort pour la penser.»

    Oui et non, je ne sais pas. L’époque est très différente, ce n’est plus Mai 68 mais l’après 11 septembre. Effectivement, on peut encore lire Sade, lire ce que certains devraient apprendre avant de voter Le Pen ou de continuer à ignorer ce qui se passe dans le monde (mais aussi, dans le sens contraire, arrêter de s’apitoyer et d’être naïvement de toutes les causes). Ça me semble daté ces formules pour enfoncer les clous théoriques. Il y a beaucoup du poète maudit aussi là-dedans, avec sa négativité de pauvre gars mal aimé. Le poète aujourd’hui, pour moi, est plus bas que terre. K.O. C’est de la merde son travail. Il ne compte pour rien. Il est rien. Pire qu’avant ! Alors ? La problématique du mal et de la négation, il faut je pense arrêter d’en parler et se mettre à table. Faire table rase. Mais ce n’est pas pour ça qu’on est obligé de crever les yeux, de sortir la mitraillette théorique. D’écrire des trucs d’écorchés. Je pense que c’est parfois plus pernicieux de faire des œuvres comme les grands-mères faisaient du crochet. Un beau travail bien fait, au cordeau. Tellement bien fait qu’il en devient terrible. Du Brisset par exemple, qui aurait croisé la prose parkinsonnienne de Stein. J’ai aussi envie de défendre des écritures comme celles de Nijinski (qu’on ne trouve pas dans le rayon littérature !). C’est là toute ma difficulté en ce moment. Comment écrire ? Comment rendre visible ? Il me semble que mon travail va souvent dans ces endroits-là (la violence, « le mal » comme il est dit plus haut). Mais on n’y va guère plus en nombre. Ou alors, on y va tous un peu, mais différemment. Très différemment même ! Je pense que l’époque est tourmentée, autant que les années 70, mais il n’y a plus cette frontalité faite d’un bloc solidaire, de pensées communes. Pour autant, il y a encore de l’écrit et des énervés pour résister, face au rouleau compresseur de la communication et de l’économie libéralo-mondialiste.

    7. Alors comment écrire à l’heure de la ‘global information dominance’ (Virilio) et du retrait d’un projet idéaliste et moderniste commun aux avant-gardes ? A quoi bon encore écrire alors que la littérature s’enfonce (depuis longtemps) dans le jeu du spectaculaire intégré (jeux des chaises tournantes, poésie de révèrence comme on peut dire qu’il y a un journalisme de révérence) ? A quoi bon encore écrire alors que la masse de textes est immense et que beaucoup de choses semblent avoir été déjà dites, déjà écrites, déjà répètées ? La messe est-elle finie ?

    La messe est peut-être finie pour cette théorie là et la réthorique qui s’y rattache. Mais il y a maintenant des choses qui apparaissent, se dégagent, des résistances se font, même si le résultat est parfois nul. Il n’y a d’ailleurs pas de résultat à attendre. La recette c’est bon pour le commerce, il me semble qu’on agit plutôt en négatif de ce monde (comme l’indique très bien Philippe Boisnard, qui avait écrit là un article très instructif sur notre part « maudite »). Mais ce que tu avances, je le lis effectivement ça et là, par exemple chez Christophe Chemin. La littérature est terminée. Bon. C’est sans doute vrai pour lui, mais pour ma part rien n’est résolu et les problématiques d’hier sont encore là aujourd’hui. Je pense qu’en dehors des mondanités littéraires, un travail se fait, en sourdine. Doc(k)s propose toujours des travaux du monde entier (c’est d’ailleurs la seule en France à montrer se qui se fait et se pense aux quatre coins de la planète, notamment avec l’outil internet), une revue comme BoXon présente des poètes qui semblent travaillés par ce qui les entoure dans le quotidien. Une nouvelle génération arrive, avec toi, Emmanuel Rabu, Jérôme Bertin, Antoine Dufeu, Christophe Manon, ou Jérôme Mauche. Et puis il y a de quoi faire, de quoi penser tout de même, politiquement ou socialement parlant !

    8. Dans ta lettre à Jacques Sivan, publiée dans la revue Java n°21-22 (juin 2001), tu dis : “Nous sommes des débiles et le formalisme et la technologie ne doivent pas complètement nous recouvrir de merde.” Plus haut dans cette même lettre, tu dis en avoir soupé des technologues. Penses-tu que ce regain de poses autour des nouvelles technologies, de la poésie cybernétique etc. qui se constituent d’emblée comme la nouvelle jérusalem de la littérature moderne (Cf. l’essai de Christophe Hanna) ne sert, pour reprendre ton expression, que “les salons où les bons mots et les rires friands circulent” ?

    Pour ma part, je sais que tu ne partages pas ce point de vue, je trouve qu’Anne-James Chaton produit son effet et que son style techno-beat conserve un fond politique détonnant. Maintenant, j’estime qu’il manque dans notre petit cercle de la pudeur, du retrait, en un mot du respect pour ce qui se fait autour, dans la pensée, le théâtre ou l’art. Pour ma part, les propositions de François Tanguy et de son théâtre, à mille lieues des grands tapages de la littérature branchée, sont vraiment renversantes (tout ça avec des textes remontant à Jacques Amiot ou Hölderlin !). Un homme hors du monde et pourtant questionné par la vie de ses contemporains, impliqué dans ce qui secoue notre humanité mercantile et guerrière d’aujourd’hui. La Fonderie au Mans, c’est plus qu’un lieu de spectacle, c’est un des rares endroits qui propose toute sorte de réflexion sur l’art, l’économie, la politique. La fois dernière, en prenant le métro, j’ai croisé une vieille femme qui mendiait en jouant de la flute. Toujours le même air !
    Avec les nouvelles technologies, on n’est pas dans le registre nul et pauvre. Toujours un qui va vous montrer sa dernière acquisition « hype » ! Rien à voir cependant avec un Montessuis, gros travailleur du son et de l’image et qui pourtant reste très (trop ?) discret. Tout ça est difficile. Pourquoi les cloisonnements ? On reconnaît un travail par sa force, son intelligence, sa légerté, le trouble qu’il provoque. Peu importe avec quoi c’est fait.
    Et puis à qui s’adresse-t-on ? c’est l’autre qu’on doit bousculer. Celui qui surtout ne connaît rien, apprend ou désaprend, découvre. C’estl’autre, celui qui n’est pas dans le cercle des initiés. Il faut vraiment retrouver la fonction du poète dans la société, et c’est pas de l’utopie ça ni un discours démago! Je le constate en faisant des lectures (d’autres aussi, comme Serge Pey par exemple, un poète totalement ignoré par les hautes instances poétiques françaises !).

    9. Dans la vie, et je ne pense pas outrepasser les règles de la bienséance en révélant cela ici, tu es gendarme. J’aimerais savoir, mais on a déjà dû te poser la question vingt-mille fois, comment tu arrives à ‘jongler’ avec ton métier (et tout ce qu’il peut t’imposer , emploi du temps, devoir de réserve, tout ce que cela peut charrier d’images négatives etc.) et ton écriture (qui brasse des thèmes a priori assez éloignés des préoccupations militaires) ? Parviens-tu à bien vivre tout cela (ce qui pourrait de prime abord être pris pour un grand écart quand bien même dans tes textes, je pense notamment à bibi, on retrouve une sorte de schizophrénie) ?

    Je pense qu’être vivant et avoir des relations humaines, c’est-à-dire parfois être marié, père de famille, avoir un rôle social ou professionnel, des amis, et être poète, c’est déjà faire le grand écart. Bien des poètes ou artistes sont dans ce cas là. Certes, gendarme, comme métier c’est pas anodin ! Mais un préfet, un commissaire de police ou un facteur, ont un rôle de fonctionnaire à remplir, des obligations face à la République. Ce n’est pas toujours incompatible avec ce qui travaille l’être en profondeur. Moi je pense qu’on est sacrément dans la merde ! Et c’est pas de la littérature. L’autre fois dans le train, quelqu’un à mes côtés lisait un livre sur la sauvegarde du patrimoine. Ça relatait toutes les époques, depuis les invasions barbares et les destructions, les ébauches de préservations, jusqu’à nos médiathèques françaises. Et il m’est venu cette phrase à l’esprit : « pourquoi tu tiens tant à faire partie des hommes ? ». Pourquoi ces collections, ces musées, ces mémoires à plus savoir quoi en foutre ? Pourquoi on s’en fout plein la panse du passé ? à s’en faire péter les neurones, et plus de place pour le présent, ce qui se dit, se tient là dans l’immédiateté. On n’est pas une société dans le progré à l’heure actuelle, on est dans l’af-flic-tion, on béni les morts. On en a plein la bouche de toutes les épopées culturelles. Et nous ? Etrons du présent. Qu’est-ce qu’on fait ? c’est pour ça que j’écris, pour penser que je ne suis plus que devant le poteau de moi-même. Mais j’avance pas car le poteau c’est aussi les livres, les arbres de littérature, les pères la-science. Il y a de vieux arbres qui me parlent toutefois, ceux que j’ai placé plus haut, mais j’étouffe dans cette forêt où vous lisez partout sur les lèvres, et depuis tout petit, que la vérité, la beauté, c’est pas là qu’elle se trouve. C’est pour ça qu’on gaspille notre énergie, notre temps. Parce qu’on nous ment. J’ai lu à des enfants, je vois bien ce qu’ils ressentent. Ils savent très bien quand on ne leur ment pas. Pourquoi passe-t-on sa vie après à lire de la merde comme les livres d’Emmanuel Carrère ? Pourquoi nous fait-on avaler que le fin du fin c’est Boris Vian ou Albert Camus ? A cause de ça je suis devenu sourd, je veux plus rien entendre, je me méfie de tout, j’ai trois chiens chez moi près à mordre ! Je plaisante ! Toutefois, j’ai déjà fait pour ma part le grand écart avec ce qui se dit, se pense, s’entretient bon an mal an dans ce monde.

    10. Tu publies maintenant chez POL, après être passé par de plus petits éditeurs et par de plus petites revues, et on peut dire que ton travail est maintenant plutôt reconnu par le milieu littéraire et par une fraction du public cultivé (article dans Les Inrocks etc.), quel regard portes-tu sur le fonctionnement du milieu littéraire et en l’occurence sur le (petit) milieu poétique moderne ? Comment s’est passé cette transition de la (toute relative) marge à la (toute relative) reconnaissance ? T’es-tu déjà dit (et as-tu mis en pratique ce principe ?) que pour être suffisamment lu et bien édité, il fallait mettre un peu d’eau dans son vin ?

    C’est ce que Tarkos me disait. Il déplorait que certains écrivains chez POL avaient mis de l’eau dans leur vin. Ne prenaient plus de risques. Parfois, ça peut freiner, certes. En ce moment ce n’est pas le cas pour moi. Je poursuis des choses à travers les textes et je me soucie peu de ce qu’on pense. Ce que pense les autres, c’est toujours à mille lieues de ce qu’on imagine de toute façon. Quand je lisais mes « Spots », de manière frontale, brutale, je ne me rendais peut-être pas toujours compte de l’effet que ça pouvait produire. C’était moi, point ! Mais maintenant j’ai travaillé ça, le son, la voix, c’est devenu un instrument et c’est une vraie liberté, qui peut me permettre d’aller beaucoup plus loin. Mais comment veux-tu que je mette de l’eau dans mon vin ? quand je reviens de ces lectures justement, après avoir passé des soirées agréables avec de charmantes personnes qui vous aime bien, et qu’après je reprenne mon métro, je me tape douze heures hors de chez moi par jour pour aller bosser ? l’adage « Métro-boulot-dodo » peut s’appliquer à ma vie actuelle ! Et tu voudrais que je mette de l’eau dans mon vin ?

    11. Que t’inspire cette phrase de Julien Blaine : “Si on enlève le risque à la poésie, ça devient de la littérature” ?

    C’est la vérité.
    On m’a offert un livre de Jorge Semprun, « l’écriture ou la vie », et il y a peu j’ai lu le livre de Robert Anthelme intitulé « l’espèce humaine ». Ce dernier livre, plus que le premier, est un livre dur. Il maintient aussi en haleine. C’est-à-dire qu’il fait un peu actionner les petits mécanismes de la littérature. Mais ça reste discret, parce que c’est bien fait, tandis que chez Semprun ça pue le roman à plein nez. Certes, ce sont des expériences de la viequi sont uniques, inouïes. On n’en revient pas indemne et il faut qu’il y ait des témoignages sur les camps de concentration, il faut bien y mettre des mots. Mais comment faire une fiction qui soit proche de ces horreurs en utilisant les ficelles habituelles du roman ? Je trouve ça dégueulasse de roublardises (le style c’est dégueulasse, comme dirait Céline !). On pourrait comme ça comptabiliser les anecdotes qui sont dans les autobiographies, même les plus dures, où finalement l’on se sent complice, où l’on se sent du même monde que celui qui nous parle et nous tend en quelque sorte la main !…
    La poésie par contre, c’est plutôt une affaire personnelle. Un gouffre. Lorsque j’ai lu Artaud la première fois, j’ai vraiment eu la sensation d’un corps. Son écriture était physique, je la touchais. Un organisme vivant avec toute sa bizarrerie face à moi. Les textes comme les siens on aurait plutôt tendance à les repousser. C’est fait pour. C’est ça, la Leçon Artaud. Et pour ma part, je voterai mille fois pour Reznikoff et son « Holocauste » que pour « l’Ecriture ou la vie » ! Dans la littérature, on transcrit les choses de la vie, tandis que dans la poésie c’est la vie même, c’est un art à part entière, comme la peinture, qui se fout de savoir comment le lecteur recevra ça. Les écrivains écrivent en pensant tout d’abord au lecteur et font aller les mécanismes qui lui plaisent, où il se sent en sécurité. La poésie c’est le risque, bien sûr. Cependant, tous les poètes ne disent pas la même chose. Un jour, j’ai envoyé mes poèmes à une grande maison d’édition. Le poète qui tenait la boutique m’a écrit en me disant qu’il avait lu d’un bout à l’autre, sans répit et sans que ça ne lui tombe des mains. (comme c’est souvent le cas me précisait-il !). Mais il ne pouvait pas publier. C’était trop abrupte pour lui. Parfois trop violent. Ou alors, il aurait fallu que je mette des explications autour de chaque poème, dire pourquoi je raportais des propos racistes par exemple, ou des choses de la télé. Je lui ai répondu que si les gens tombaient dans mes poèmes comme dans des trous c’était tant pis pour eux, mais que je n’allais pas pour autant mettre des pancartes devant.

    12. Je sais que la télévision t’inspire beaucoup, tu parlais tout à l’heure aussi de musique pop; le monde de la poésie contemporaine semble relativement fermé aux différentes formes de culture populaire (à quelques exceptions près, à moins que cela soit une énième posture), qu’est-ce que tu y cherches, qu’est-ce que tu y trouves, qu’est-ce qui arrive à nourir ainsi ta réfléxion et ton écriture qui ne vienne pas forcément des livres ? (tu peux citer bien sûr des exemples)

    La télé c’est le mot que j’utilise pour ne pas dire continuellement « trou du cul ». Mais ça reste ça. Ça m’inspire pas ! Comment s’inspirer d’un trou du cul ? Hormis cette plaisanterie, j’écris souvent par réaction, comme s’il me fallait récupérer le flot de paroles et les retravailler, les digérer et les ressortir, faire ressortir ce qui parfois me révolte ou me séduis. Dans la parole il passe du désir. Les mots ne sont pas anodins. Donc : ce que j’entends à la télé, la radio, mais aussi au boulot. Un collègue, par exemple, me parlait des problèmes avec son fils, de l’admiration qu’il avait pour son père. Son fils qui ne mangeait que des saussices et son père maton super-raciste. Ça finissait par m’obséder ses réflexions et ses visions très simplistes de la vie et du monde. Il m’a fallu re-simplifier encore plus ! rendre plus monstrueux, par l’étrangeté des poèmes, leur coupure, leur rythme donnant une véritable force comique ! Je n’insiste plus malgré tout sur cette sorte de cut-up, parce que pour beaucoup c’est maintenant leur fond de commerce. Le poids des mots, le choc des images et les analyses poético-philosophiques là-dessus, c’est tellement devenu monnaie courante que pour ma part j’ai complètement abandonné. Ça n’empêche que je lis de plus en plus, à travers les bruits des machines et les voix désincarnées des messages électroniques, une pensée en marche pour une nouvelle barbarie, et que donc il y a certainement de quoi faire de ce côté là, avec la poésie !

    13. La poésie, dit Christian Prigent, peut peu. On le voit constamment quand on regarde le tirage d’un livre de poésie (même chez les grands éditeurs !) qui ne dépasse guère les mille exemplaires ou pire quand on regarde les chiffres de vente. On le voit aussi très bien dans le peu d’estime des journalistes ou des scribouillards de toute zone envers la poésie, ce qu’elle dit, ce qu’elle fait, ce qu’elle pourrait dire d’un point de vue politique, éthique ou sociale. Qu’en penses-tu ? Dans le même sens que penses-tu de cette phrase de Jean-François Lyotard : “L’importance d’un texte ce n’est pas seulement ce qu’il fait et ce qu’il fait faire mais ce qu’il dit. Ce qu’il fait: la charge des affects qu’il détient et communique, ce qu’il fait faire les métamorphoses de cette énergie potentielle, ce qu’il dit: la réinstauration d’une éthique la (ré)affirmation d’une politique.” ?

    Je publie pour dégager de le terrain, pas pour regarder les chiffres, faire de la compta. Dégager le terrain c’est faire table rase devant soi et avancer. C’est des gestes quasi guerriers ces nettoyages de zones qu’on doit faire pour la tête. Je ne cherche pas à dire : « je fais un texte politique ou érotique ». On ne prépare pas un discours ! Si Lyotard pense ça tant mieux, moi je produis. Je fabrique des poèmes, comme dirait Tarkos. Ou plutôt : l’écriture c’est ma seule réponse. Je prends la vie sur le coin de la gueule et je n’ai que ça pour m’exprimer (ceci dit je peux m’estimer heureux, un autre n’avait que son pet !). J’apprends à écrire en écrivant. C’est une thérapie pour l’existence, la mienne. Le fait que j’existe m’étonne. Ecrire sans doute réaffirme une politique, si le politique dépasse ce qu’il recouvre aujourd’hui comme sens. C’est l’histoire des humains qui passe par soi, l’histoire de son humain à soi, du fait qu’on est sur terre et qu’il nous semble parfois qu’on n’a rien à y faire. Et puis pour moi l’écriture c’était mon expression, la seule, et pourtant il me semblait que ça m’était interdit. Motus ! A chaque fois que j’écrivais c’était pire que de me branler dans les draps ! C’est ce que je pensais. Ou c’est ma mère qui le pensait. Elle me faisait dire, finalement, qu’écrire c’est le pire de tout. Honte sur toi ! Tu t’es branlé dans les draps ! J’avais la honte, la honte de moi cachée dans mes doigts ! C’est pour ça qu’il y a aussi du politique, parce qu’il y a la trace incompréhensible de l’être dans l’écrit. Les journalistes ne peuvent pas comprendre ça. Quand on leur parle de vérité, c’est comme si on disait un gros mot, ou plutôt une incongruité !

    14. Pour conclure, quels sont tes projets d’écriture et de publications ? Sur quoi travailles-tu en ce moment et qui va éclore bientôt ?

    Je viens de publier Bine, au Corridor, puis Bibine chez l’Attente. Bientôt je vais faire Bobines, à moins que ça ne s’appelle Je me jette. Ça commence par : « la vie commence ici » ! Je le proposerai à P.O.L. J’ai de quoi faire, l’important maintenant est de savoir quelle forme cela pourrait prendre pour gagner en intensité et pour faire livre. Il y a aussi ce projet avec les dessins de Pascal Doury, qui est décédé en septembre 2001. J’avais une relation rare avec cet artiste. Il me parlait de Cézane ou de Robert Walser comme personne. Un homme très cultivé, qui vivait dans son petit appartement de Bagneux, envahi de livres et n’ayant qu’une toute petite table pour dessiner. J’aime beaucoup les gens comme lui, ou comme Lucien Suel, qui ne font pas de bruit mais qui continuent imperturbablement de creuser !

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