[Livre-chronique] Françoise Khoury, Échafaudage

[Livre-chronique] Françoise Khoury, Échafaudage

mai 12, 2010
in Category: chroniques, Livres reçus, UNE
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Françoise Khoury, Échafaudage, Biro, "KB 9", printemps 2010, 48 pages (15 photographies en couleurs), 15 €, ISBN : 978-2-35119-073-9.

Échafaudage… celui de ses vies, avec ses temps et ses lieux, ses images et ses mirages… contre l’échafaud du Temps, un échafaudage de mots et de photos…

Présentation éditoriale

En regardant les photographies de Francoise Khoury, en lisant ses textes, nous nous trouvons plongés dans une série de souvenirs : amours éphémères, maternité, rencontres fortuites, retrouvailles imprévues.
Ces souvenirs s’attachent à des lieux qui sont tous des villes : Florence, Venise, Paris, Beyrouth et Montréal – les villes de l’auteur.
De 1986 à 1998, ces images enjambent le temps, établissent une continuité. En y regardant bien, nous y voyons une série d’autoportraits, à travers ombres et reflets. Ainsi se fondent les expériences vécues, lieux et épisodes d’une vie, dans une œuvre exceptionnelle.

Note de lecture

"Je cherche une image qui n’existe pas.
Quand je l’aurai trouvée
je la photographierai."

Lors des deux précédentes livraisons (KB 7 : Nombres. De zéro à onze ; KB 8 : Back Yard), nous avons eu l’occasion de saluer cette collection dirigée par Stéphane Cohen, qui fait entrer en résonance écriture et arts visuels. Cette dernière, Échafaudage, encadrée par deux clichés révélateurs, s’avère tout aussi intéressante. Le premier est composé de trois plans : à gauche, la photographe en train de photographier ; au milieu, une main en train d’ouvrir la porte de la chambre d’hôpital où dort l’enfant ; à droite, l’intérieur de cette pièce, avec, en surimpression, l’effigie de l’enfant. Le dernier est un singulier autoportrait, miniature incrustée dans un paysage urbain, entre dedans et dehors. Entre les deux, on est frappé par celui où l’ombre portée de la photographe donne sur une tombe aussi dépouillée que dégradée par le temps.

L’art moderne commence avec la prise de conscience que la représentation est impossible : pas plus que la peinture ou le roman réalistes, la photographie n’est une fenêtre ouverte sur le monde. Toute représentation se perd dans le labyrinthe des représentations de représentations. Françoise Khoury s’incrit donc bel et bien dans cette modernité, mettant en scène l’acte artistique, échafaudant les vues et visions, témoignant un art du cadrage comme de la profondeur de champ. Dans Échafaudage, l’espace comme le temps, tout s’étage par plans et strates. Entre passé et présent, entre Liban, Canada et France, sont orchestrées des épiphanies visuelles ou tympanisées : contact magique d’une main, scènes violentes dans un ascenseur, réapparition – en pleurs – de la "professeure de poésie" de l’enfance… "loup vouloir louve", "inutile de te jeter à l’eau, tu ne nourrirais que deux sardines, alors à quoi bon", "une échelle, vite une échelle" (derniers mots d’un écrivain mourant)…

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Fabrice Thumerel

Critique et chercheur international spécialisé dans le contemporain (littérature et sciences humaines).

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