Mathieu Brosseau, La Confusion de Faust, Dernier Télégramme, mars 2011, 20 pages non numérotées, 6,50 €, ISBN : 978-2-917136-45-4. [Lire les extraits parus sur Libr-critique]
"Satan, sors-moi de cette langue affreuse qui n’est que du plomb dans ma tête, qui n’est que du poids d’os. De la chose elle-même. Et c’est pourquoi les animaux ressortiront. C’est le cycle" (p. 15).
Quel diable a-t-il poussé Mathieu Brosseau du côté de chez Faust ?
L’attrait pour un certain romantisme spiritualiste : l’extase mystique, les universelles correspondances ("tout est dans tout"), la communion avec un monde animé (Hugo : "Tout vit, tout est plein d’âmes" ; Brosseau : "J’observe ici la nature, toute mouvante de mille âmes")…
L’attrait pour l’Orient, un "Orient de chair" – "Là, tout n’est qu’ordre et beauté / Luxe, calme et volupté", a dit le Poète –, contre un "occident, industrieuse mystification, pays des drogues et épouvantails"…
![](http://www.t-pas-net.com/libr-critique/wp-content/uploads/image/BrosseauFaust.jpg)
Tel le cygne baudelairien, celui qui est "humain par défaut" n’est pas à l’aise dans le monde moderne. Pour lui, le Moderne, c’est la répétition de l’Ancien : "on dit qu’on fait des formes nouvelles. On réinvestit, quoi. Mais, pardonnez-moi, sous le soleil rien de nouveau" ; le moderne, c’est la perte du sacré, du spirituel, du sens et de la conscience : "C’est surtout de ça dont on parle, du trivial dans le sacré. C’est là qu’en est la modernité, à se mordre les pieds. […] Il y a surtout des manières, on examine les façons de, les façons d’entrer en conscience mais comme il n’y a plus de conscience, il n’y a plus de façons de, sinon qu’en apparence" ; le moderne, c’est le déclin, y compris en matière linguistique : "C’est dans le langage parlé qu’on puise tous les sens pauvres de notre écriture"…
![](http://www.t-pas-net.com/libr-critique/wp-content/uploads/image/faust-f9785.jpg)
La confusion mentale du poète est liée au langage. Le verbe comme faute originelle. Aussi le Faust moderne invoque-t-il le diable pour ne plus être parlé, être délivré de la parole confuse (voir l’exergue). Que faire de cette naissance-là, celle à la parole ? La faute seconde consiste à choisir d’écrire pour faire silence.