[Livre - chronique] Valérie Mréjen, Troisième personne, par Jean-Paul Gavard-Perret

[Livre – chronique] Valérie Mréjen, Troisième personne, par Jean-Paul Gavard-Perret

janvier 7, 2017
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[Livre – chronique] Valérie Mréjen, Troisième personne, par Jean-Paul Gavard-Perret

Valérie Mréjen, Troisième personne, éditions P.O.L, en librairie depuis le 3 janvier, 144 pages, 10 €, ISBN : 978-2-8180-4158-1.

Présentation éditoriale

On était deux, on devient trois, ce n’est pas rien… Valérie Mréjen décrit et essaie de comprendre ce bouleversement dans la vie quotidienne, mais aussi dans la perception que l’on a du monde. C’est un regard surpris, perplexe qu’elle porte sur l’enfant qui survient et, du coup, sur ce qui l’entoure : les gens comme les choses, les comportements. Tout en s’autorisant des décrochages et des digressions le texte, comme d’habitude écrit dans la plus grande simplicité et la plus belle plasticité, suit les premières années de l’enfant et ce dès la sortie de la clinique, avec immédiatement, alors que le taxi ramène chez eux la mère, le père et l’enfant, un regard très étonnant parce que très étonné sur les rues, les immeubles, les passants, les gens, les mêmes et pourtant si différents d’avant. Il est plein d’anecdotes et de moments révélateurs, de réflexions. Il est écrit dans la plus grande sidération puis une curiosité qui ne se dément jamais à l’égard de cette énigme, un enfant.
Valérie Mréjen a publié Forêt noire en 2012. Elle est aussi artiste et cinéaste.

 

Chronique de Jean-Paul Gavard-Perret

La littérature peut parfois non repartir de l’enfance mais de l’enfant. Celui qui pourra faire dire à Valérie Mréjen « C’est là que j’ai vécu » – comme écrivait Duras. Dès lors la littérature devient un « roman » particulier sans dialogue de cire mais de circonstances. Et pas n’importe lesquelles, et l’écriture en offre des sortes de réponses "militantes".

L’enfant réapprend à ouvrir les yeux, à cesser de se taire. Par sa présence il ne s’agit plus de se contenter de jouir dans l’inconfort, la rareté ou la solitude mais dans la traversée lorsque le "je" devient à la fois l’autre et le même qui oblige à prendre des allers sans retours.

L’œuvre n’est plus coupée du monde. Certes, celle de Valérie Mréjen ne l’a jamais été, mais elle trouve soudain une autre profondeur ; car il ne s’agit plus de vivre comme le reste d’une peuplade perdue dans un temps "pur". Tout petit Moïse doit être sauvé des eaux. C’est le « luxe » à lui offrir d’autant que sa présence décale la loi des prêtres, des rabbins, des mâles, des re-pères. Le corps parle soudain  une langue étrangère qui est pourtant la plus proche : celle de  la langue "maternelle".

Valérie Mréjen devient la dupe consentante du non-dupe. Ça a un nom. C’est l’existence. Mais cela mérite une écriture aussi convaincante que celle d’un tel livre dépouillé et dont les éléments créent une sorte de spirale. Il devient l’histoire de la vraie "folie" : celle de la sagesse qui contrarie le vide par celui qui fait bien plus que le combler. L’enfant imprime à la littérature une sorte de lucidité que peut-être seule une femme est capable d’exprimer et qui justifierait l’existence d’une littérature féminine.

L’auteure y refuse l’anecdotique, elle le remplace par une succession d’images de l’indicible. L’enfant devient  la source de la résistance à toute instrumentalisation du logos. Valérie Mréjen sait qu’une telle présence crée une légitimité particulière à la littérature : celle de la  profondeur, et de l’ouverture.

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rédaction

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