[Libr-relectures] Mathias Lair / Lilith Jaywalker, par Christophe Stolowicki et Jean-Paul Gavard-Perret

[Libr-relectures] Mathias Lair / Lilith Jaywalker, par Christophe Stolowicki et Jean-Paul Gavard-Perret

février 27, 2015
in Category: Livres reçus, UNE
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[Libr-relectures] Mathias Lair / Lilith Jaywalker, par Christophe Stolowicki et Jean-Paul Gavard-Perret

 Christophe Stolowicki et Jean-Paul Gavard-Perret proposent de (re)découvrir deux livres très différents que LC n’avait pu recenser : Mathias Lair, Écrire sans sujet ; Lilith Jaywalker, Emeutia Erotika.

 

► Mathias Lair, Écrire sans sujet, Passage d’encres, collection « Trait court », 2012, 32 p., 5€, ISBN : 978-2-35855- 073-4.

Féconde la méprise sur le titre, une salve d’essais à rebrousse-dissertation serre son sujet, le desserre pour mieux le resserrer d’un cran jamais final, traque en ses implications dernières la prétention de « l’écriture assistée par ordinateur » à se passer de sujet, soit d’auteur. Par une poésie d’intelligence à cru dans un désert d’images, démontés les « mythèmes » de la religion informatique de l’impersonnel. Marqués à la culotte, les enjeux nouveaux. Dénoncé, un art contemporain institutionnellement transgressif de ne transgresser plus rien, en clins d’œil d’extension scientiste de la pensée néo-libérale. À cette épreuve conceptuelle, le sujet plie mais ne casse pas, ne cède rien sinon de soi la substantifique moelle. /CS/

► Lilith Jaywalker, Emeutia Erotika, Six Nouvelles, Editions Sao Maï, 2013, 106 pages, 10 €. « Entretien avec Lilith Jaywalker », Revue Amer, n° 6, Les Ames d’Atala, Lille, 2014.

Fille d’un Paris décadent et révolu, et pour justifier une certaine abstinence et l’odeur de souffre dont elle pare le désir, l’auteure  sait qu’à moins d’être méphistophélique « on aime l’androgyne mais on ne le désire pas au sens possessif ». Ses nouvelles sembleront néanmoins, comme le disait Baudelaire, « prendre le parti de Satan ». Le goût pour la révolte, le dérèglement, le corps et ses miasmes sont omniprésents dans une « paraphilie sociale et politique ». Elle permet surtout de plonger en l’autonomie et l’autosuffisance désirante. Mais la révolution sexuelle reste à accomplir. L’auteure prouve que la « vraie » littérature érotique doit s’opposer aux contraintes sociales afin de privilégier le plaisir, ce qui dans une époque de retour au sacré, au puritain et à l’antisexualité tient de la prouesse.

Emeutia Erotika conjugue donc émeute et plaisir. Beaucoup de ses personnages appartiennent à la mouvance parisienne autonome que l’auteure a bien connue. Une jeune fille révise son bac avec son amant déjà âgé et sa mère (dont il partagea aussi la couche). Le travail est érotique et ludique ; parlant du professeur : « Il déplora que Fourier ne soit pas étudié et continuait à philosopher quand je m’aperçus qu’elle lui pelotait les couilles », écrit la narratrice bientôt abandonnée…

La nouvelle qui donne le titre à l’ouvrage évoque la manifestation des sidérurgistes à Paris en 1979. La narratrice y participe là encore au rang des autonomes, et l’émeute ne fait que renforcer ses envies de fornication. Toutes les situations permettent en fait de les satisfaire là où les performances n’empêchent pas « l’intelligence des situations et l’inspiration ». Les nouvelles dépassent l’engagement politique. Le gauchisme et autres –ismes ne sont plus dans la norme car ils n’ont plus rien de puritain. Les contraintes sociales éclatent pour l’insurrection jubilatoire des corps. L’amour libre redevient ici l’enjeu des luttes. Preuve que ce livre est à contre courant d’un siècle qui serait,  dit-on, métaphysique ou rien. Face aux nouvelles formes d’inhibition, l’écriture de Lilith Jaywalker se fait l’enchanteresse d’une autonomie désirante presque hors saison. /JPGP/

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rédaction

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