[News] News du dimanche

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décembre 29, 2013
in Category: News, UNE
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[News] News du dimanche

En ce dernier dimanche de l’année, plongeons-nous d’abord dans un essai qui a marqué ce dernier trimestre : le Jarry de Matthieu Gosztola, qui offre l’occasion d’étudier les relations entre critique littéraire et sciences en une fin de siècle et une "Belle Époque" des plus fascinantes. Nos Libr-événements vous proposeront ensuite vos premiers rendez-vous de 2014 (rencontre avec Jérôme Game à Paris ; soirée poétique à la Maison Victor Hugo ; soirée Manifesten autour de Franz Fanon).

UNE : Matthieu Gosztola, Alfred Jarry

Matthieu Gosztola, Alfred Jarry. Critique littéraire et sciences à l’aube du XXe siècle, éditions du Cygne, automne 2013, 184 pages, 18 €, ISBN : 978-2-84924-331-2.

Présentation éditoriale. À la fin du XIXe siècle, les sciences sont partout. Jusque dans la philosophie, dans ses différents courants. Il n’est que de se reporter au positivisme et au scientisme, alors tout-puissants. Même les pensées idéalistes ou religieuses empruntent au discours scientifique, dans la multiplicité de brochures qui paraissent alors, une partie de sa rhétorique, fût-elle alors transformée pour les besoins de la cause : convaincre les lecteurs du bien-fondé des théories – souvent farfelues – qui y sont exposées.
Mais, à cette époque, que peut la littérature, elle, face aux sciences ? Question que sont amenés à se poser, à un niveau ou à un autre, tous les écrivains ou presque de cette période, Paul Valéry en tête.
Quand on est écrivain mais aussi critique littéraire, une autre question alors logiquement se pose : comment rendre compte d’ouvrages scientifiques dans une revue littéraire ? Cette question, Alfred Jarry se l’est ardemment posée, en la mettant en acte, singulièrement, et ce continûment, ayant été l’un des membres les plus actifs de La Revue blanche.
Mais il n’a pas été le seul, loin de là, à se passionner pour l’irruption des sciences dans le champ littéraire.
Comme ce livre s’attache à le montrer, divers auteurs à l’aube du XXe siècle ont pu faire se rejoindre science et littérature, en cherchant à ce que l’une et l’autre grandissent de cette rencontre, en augmentant considérablement leur pouvoir d’évocation, et ce sans rien perdre de leur propre singularité – cette singularité qui définit chacune consubstantiellement, dans son champ propre.

Note de lecture

"Cet emploi d’expressions techniques et de phrases vides d’apparence scientifique
est particulier à beaucoup d’écrivains dégénérés modernes et à leurs imitateurs"
(Max Nordau, Dégénérescence, 1894).

"Dans quelques siècles […] il n’y aura plus aucune littérature, ni de prose ni de vers,
et la pensée s’exprimera selon une formule nette, sèche, purement algébrique"
(Remy de Gourmont, Les Chevaux de Diomède, 1897).

Ayant vécu sa formation en un temps où régnaient le scientisme et le positivisme, le jeune Alfred Jarry est habité par une "tentation scientifique constante" (Patrick Besnier, 2005), persuadé que la connaissance scientifique comme pouvoir d’informer le monde constitue pour l’homme une source d’émancipation. En témoigne, sitôt ses études terminées, son goût pour les ouvrages scientifiques ardus, voire hermétiques, dont il rend compte dans la célèbre Revue Blanche : contrairement aux autres chroniqueurs non spécialisés, le fameux auteur d’Ubu roi adopte résolument une posture de savant. (Est surtout examinée ici, comme exemple emblématique, la recension des Éléments d’économie politique pure, de Léon Walras, datant de 1901). Cette curiosité encyclopédique s’explique par un élitisme avant-gardiste : laissant les manuels de vulgarisation aux hordes républicaines, Jarry s’attaque aux hautes productions de l’esprit rationnel, fasciné par la beauté inhérente à l’obscurité scientifique.

L’auteur de cet essai stimulant distingue chez l’écrivain deux types d’appropriation de la connaissance scientifique : l’intégration du savoir dans l’œuvre (qu’on pourrait appeler fonction mathésique : cf. Messaline et Le Surmâle) ; la fictionnalisation du savoir même, comme dans Gestes et opinions du docteur Faustroll pataphysicien, "roman néo-scientifique"… Dans ce dernier cas, dominent les visées humoristique ou grotesque, mais également poétique : le discours scientifique est annexé pour renforcer les effets d’étrangeté. Jarry apparaît ici comme un curieux amateur de sciences, cultivant l’illogisme et la combinaison paradoxale des contraires (vrai/faux, bien/mal, présent/passé, etc.), et réfutant l’idée même de progrès.

Quoique mal organisé (deux parties très inégales, sans subdivision ni principe ordonnateur clair), cet essai vaut pour ses analyses du travail critique de Jarry – sa façon de se distinguer dans l’espace critique des revues littéraires contemporaines – et de ses rapports à Valéry comme à certains grands noms des sciences humaines de l’époque (Haeckel, Fechner, Spencer, Ribot, etc.).

Libr-événements

Vendredi 3 janvier 2014 à 19H30, Texture Librairie (94, avenue Jean Jaurès 75 019 Paris), rencontre avec Jérôme Game pour son DQ/HK, que nous avons salué dimanche dernier.

DQ/HK ou deux livres en un, comme un double-album de poésie sonore donnant à lire et entendre HK Live !, pièce radiophonique sur Hong Kong, et Fabuler, dit-il, pièce entre littérature et création sonore autour du Quichotte, réalisée avec le musicien Olivier Lamarche. Deux pièces rassemblées par une visée esthétique commune, telles les faces A et B d’une même méthode: rencontres, voyages, captations, travail en studio, montage de sons et d’images, il s’agit toujours d’écrire à même les choses, à même le document, dans le son et à travers l’image. Traversée d’une ville, saisie par les signes sonores et visuels qu’elle émet; traversée d’un monument littéraire, via l’économie narrative, cinématographique ou touristique à laquelle il donne lieu.
Remarquable préface de Jean-Michel Espitallier.
CD 1 : Fabuler, dit-il (46 min)
Texte et voix : Jérôme Game
Musique et réalisation sonore : Olivier Lamarche
CD 2 : HK Live ! (39 min)
Texte, montage : Jérôme Game
Voix : Caroline Dubois, Jérôme Game, François Sabourin
Réalisation : Marie-Laure Ciboulet
Production : les ACR, France Culture
Extrait :
On voit les choses cadrées, un peu de verdure à l’écran. / Les palmiers le ciel bleu la nuit étoilée, il fait chaud, y a du monde en terrasse. / Mais je comprends pas où tu veux en venir là, je comprends pas ce que tu dis où tu veux en venir, tu veux t’en aller tu veux partir? où tu vas monte le son, monte pas le son comme ça on s’entend plus, regarde la route où tu vas? / Tu peux pas tout laisser derrière toi comme ça, tu peux pas tout le temps tu laisses tout derrière toi tu laisses tout derrière toi c’est c’est quoi ces montagnes? tu peux monter la radio mets plus fort, mets plus fort.

EDITIONS DE L’ATTENTE :

Depuis 1992, c’est à la littérature de création contemporaine que s’intéressent les éditions de l’Attente. À la limite de la poésie, aux approches philosophiques, aux écrits d’artistes, aux essais, aux traductions et à tout ce qui anime, questionne et aventure une langue vivante innovante qui puise son inscription dans le réel ou l’imaginaire, au-delà du formel.
http://www.editionsdelattente.com/

Mardi 14 janvier, de 18 h30 à 21 h (lecture vers 19h30) : La Cime du rêve, de Victor Hugo.
 
« Tout songeur a en lui ce monde imaginaire. Cette cime du rêve est sous le crâne de tout poëte comme la montagne sous le ciel. » Cette pensée de Victor Hugo, tirée de "Promontorium somnii, II", donne son titre à l’exposition « La Cime du rêve – Les surréalistes et Victor Hugo », proposée jusqu’au 16 février à la Maison Victor Hugo.
Invités à déambuler parmi les salles thématiques – les châteaux, la nature, l’empreinte, la tache… – regroupant une cinquantaine de dessins d’Hugo et des œuvres d’Ernst, Masson, Picabia… les écrivains Suzanne Doppelt, David Christoffel et Olivier Schefer liront des textes inédits, composés spécialement à l’issue de cette visite.
 
Avant la rencontre, à 18h30, un parcours de l’exposition accompagné d’un conférencier sera proposé, dans la limite des places disponibles.
Réservation obligatoire : inga.walc-bezombes@paris.fr ou t. 01 42 72 87 14
 
Maison Victor Hugo
6, place des Vosges – Paris 4
(métro Bastille – Saint-Paul)

Mardi 14 janvier 2014, Manifesten (59, rue Thiers 13 001 Marseille), le Cabinet de lecture de l’association Plis Fôs 13 vous invite à une discussion autour du livre de Frantz Fanon : Peau noire, masques blancs.

Pour en savoir plus sur Franz Fanon :
http://coutoentrelesdents.noblogs.org/post/2013/12/13/frantz-fanon-la-vie-oubliee-du-damne-de-la-terre/

Si vous désirez participer à cette discussion, il est conseillé de lire ce livre.
Il existe aux éditions du Seuil, format poche (collection Point/Seuil) pour 5,60€
Sinon, il existe gratuitement en format pdf sur le lien suivant : http://184.22.121.32/peau_noire_masques_blancs.pdf

Plis Fôs 13 : http://plisfos13.wix.com/plis-fos13

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Fabrice Thumerel

Critique et chercheur international spécialisé dans le contemporain (littérature et sciences humaines).

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