[Revue-chronique] Il particolare, numéro 15 & 16

[Revue-chronique] Il particolare, numéro 15 & 16

septembre 14, 2007
in Category: chroniques, Livres reçus, UNE
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il_particolar.jpg Il particolare, numéro 15 & 16, 2007, 26 € ISBN : 2-87-720266-6

ipmp.jpgLancée en 1999 par le lacanien Hervé Castanet, la revue Il particolare (en italien, « la singularité d’un détail ») s’attache à la singularité d’une oeuvre littéraire ou picturale. Aussi n’est-il pas étonnant que la dernière livraison – dont la couverture vert-orange fait penser, entre autres, à Alechinsky – consacre un dossier à Mathias Pérez, lui dont la peinture, parce que dure, « ne fait pas dans le détail ». Et Jacques Demarcq de préciser : « Les tableaux de Pérez sont des natures mortes abstractisées à l’extrême, des vanités nettoyées de la vanité qu’éprouvait la peinture d’antan à raffiner ses figurations » (209). D’où le qualificatif de « primitive » qui revient sous la plume de Daniel Dezeuze et de Rémi Froger pour rendre compte d’une peinture surfaciale dans laquelle Christian Prigent voit miroiter une profondeur certaine. Car, selon le poète-essayiste, le défi de cette oeuvre est de montrer l’inmontrable, de donner à voir le corps in-figurable. C’est dans cette perspective que Rémi Froger parle de « peinture en colère » : colère « contre la représentation, contre l’image » (212).

cliquer sur le lienLes toiles de Mathias Pérez, par ailleurs responsable des éditions Carte Blanche et de la revue Fusées (1), sont ainsi habitées par l’obsession du corps sans tomber dans la « complaisance érotique » (Jacques Demarcq). Après Bernard Noël dans Mathias Pérez ou le Roman des corps (in Mathias Pérez, La Différence, 1988), plusieurs collaborateurs de ce « Cahier » mettent l’accent sur le matériau d’une oeuvre (Christian Prigent, « Corps en gloire » ; Cécile Wajsbrot, « La poursuite du corps ») qui a évolué de figures phalliques à des formes féminines – soit du temps de la montée en couille à celui des « mamelons de Mathias » (Jean-Pierre Verheggen). Ces formes, les nom et surnoms mêmes du peintre les font parler en propre : celui que Verheggen appelait Animalthias est docteur clitoris causa, mais également « gros Mathou » (Hubert Lucot), « mathias le peint-peint » (Charles Pennequin)…

Au reste, une bonne partie de ce numéro 15 & 16 porte sur la peinture. On retiendra surtout les articles de Dino Commetti, qui fait remonter à Manet et Cézanne la rupture avec la notion de chef-d’oeuvre et la naissance de l’art moderne, et de Jean-Pierre Cometti, qui souligne qu’avec la vidéo et les arts numériques on assiste à une mutation artistique selon laquelle l’antinomie figuration/abstraction cède la place à l’opposition entre horizontalité et verticalité, à savoir entre fonction référentielle et fonction différentielle de l’oeuvre (la latéralité de la référence fait s’inscrire les oeuvres dans un système de relations esthétiques) ; quant à Jean-Luc Nancy, il insiste sur la circularité qui affranchit du temps l’oeuvre musicale. Signalons enfin le poème de Pierre Le Pillouër, qui offre tout à la fois une parodie de Du Bouchet et un clin d’oeil à Prigent.

(1) On pourra se reporter à mon étude intitulée « Fusées, une revue moderne », parue dans La Revue des revues (n° 34, 2004, pp. 99-106), ainsi que, ici même, à ma présentation du dernier numéro (12).

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Fabrice Thumerel

Critique et chercheur international spécialisé dans le contemporain (littérature et sciences humaines).

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