[Création] Thomas Déjeammes/Antoine Simon [Dreamdrum - 16]

[Création] Thomas Déjeammes/Antoine Simon [Dreamdrum – 16]

juin 30, 2014
in Category: créations, UNE
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[Création] Thomas Déjeammes/Antoine Simon [Dreamdrum – 16]

Cette seizième contribution au projet initié par Thomas Déjeammes propose un drôle de dialogue entre texte et image, écrivain et photographe. [Lire/voir Dreamdrum 15]

 

 

Oui, bon ben, voilà, là je sens que ça va pas te plaire. Peut-être vaudrait mieux que tu fasses ton sudoku (qui porte bien son nom), ou alors que tu regardes TF1 (prononcer Tfun). Y en a qui disent qu’ils regardent Tfun pour se vider la tête. C’est faux : pour regarder Tfun il faut déjà avoir la tête vide.

Bon ben, tu vois, je fais des phrases avec des machins remâchés, des sujets, des verbes, tout le fourbi de création du monde, et alors, au lieu de rester dans l’indistinction primordiale, de macérer dans l’inconnaissance, voilà que ça prend forme. C’est drôle…

Et puis si t’es encore là, tant pis pour toi, ou tant mieux. Je ne sais pas. Je ne suis pas expert en savoir. Ce serait plutôt l’inverse En tout cas ce que je peux te dire c’est que la photo de Thomas Déjeammes me projette dans ce que la majorité verront comme un poncif : les vers de Rimbaud, tu sais Elle est retrouvée… et justement là il s’est produit un changement soudain dans ma compréhension du poème: ça fait environ cinquante-cinq ans que je le connais et j’ai toujours vu Rimbaud debout, le regard fixé sur l’horizon. Soudain j’ai vu le mec allongé sur la plage et saisi par ce qu’on peut appeler un sentiment océanique, que d’autres nommeraient satori, éveil (partiel), état de jivan mukta, ou que sais-je.

Un sentiment qui est sans doute le plus profond que l’on puisse espérer expérimenter – toute religiosité mise de côté. Sentiment peut-être bien plus partagé qu’il paraît. Mais la plupart n’ont simplement pas les mots pour le faire exister à posteriori et se contentent du j’étais bien qui fait perdre l’expérience. Une expérience que j’ai éprouvée de rares fois, et dont je me garde de garder la nostalgie, ce serait idiot. Curieusement c’est toujours pour moi à travers la nourriture et pas devant de grandioses paysages : en mordant dans une carcasse de poulet à Tolède en 1967, dans un sandwich au poisson mazouté à Istambul en 1988. Je l’ai évoqué dans Contre-Chant (Gros Textes).

J’ai aussi établi ce parallèle : Un orgasme parfois / te révèle le réel / te donne le goût / de ce que pourrait être / ta vie. Imagine que toute ta vie se passe à ce niveau de ressenti… La différence : l’orgasme n’est qu’une émotion, la plus noble sans doute, et pas un sentiment, tout comme le sous-officier ne sera jamais officier (oui, d’accord, la comparaison…). Bon, je t’avais prévenu…

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rédaction

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