[Chronique] Le Dieu Machin (à propos de Louis Savary, Je suis poète. Ite missa est), par Jean-Paul Gavard-Perret

[Chronique] Le Dieu Machin (à propos de Louis Savary, Je suis poète. Ite missa est), par Jean-Paul Gavard-Perret

novembre 5, 2015
in Category: chroniques, Livres reçus, UNE
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[Chronique] Le Dieu Machin (à propos de Louis Savary, Je suis poète. Ite missa est), par Jean-Paul Gavard-Perret

Louis Savary, Je suis poète. Ite Missa Est, Editions des Presses Littéraires, Saint-Estève, automne 2015, 100 pages, 15 €. [un régal que le site de l’auteur !]

 

Louis Savary est un poète atypique. Sans faire du Nadine Morano, il est possible d’affirmer que son statut d’irrégulier belge y est sans doute pour quelque chose. Son œuvre ne ressemble à aucune autre, elle n’appartient à aucune tendance, à aucun courant particulier, elle est essentiellement un questionnement récurrent sur l’existence et le poétique à travers une séries de poèmes qui naviguent entre aphorismes et poètes qui sont toujours au nombre de cent.

L’auteur fait de la poésie  son autoportrait, son paysage, son nu  mais jamais sa vanité. Non seulement il revisite les sujets traditionnels, il investigue,  décortique, casse les codes (mais jamais les couilles). Ses poèmes  défient constamment les pensées toutes faites : libres d’être, ses poèmes restent bien sûr libres d’être interprétés. Surtout lorsqu’avec le temps les fatrasies  conduisent enfin à Dieu. Sujet paradoxalement moins intemporel que d’actualité. Certes, croire ou ne pas croire en Dieu ne se décide pas. A partir de ce postulat, tout est possible. Même si certains, lorsqu’ils ne croient pas à la divinité, s’acharnent.

« Dieu j’y croirai / quand il aura réussi / à me faire rire », affirme Savary : c’est dire comme il est maladroit. A l’inverse de Dieu, nous lui pardonnerons car il nous fait rire. Le poète est poussé aux rencontres qui l’éloignent de Dieu. L’imprudence est notoire, d’autant que nul ne sait où il se cache. Mais dans sa grande clémence, Savary absout la divinité même si celle-ci ne croit pas au premier.  Il rappelle à la fois que son fils est le fruit « de la première insémination artificielle » et que  « notre » Père Premier fut enfanté par l’homme dans lequel son esprit eut tôt fait de se dissoudre. Mais il s’est bien vengé par la démesure des châtiments que des hommes ont imposés à d’autres pour sanctifier leur vue de l’esprit saint.

Dès lors, quand « l’obscurantisme / gagne du terrain / l’image de Dieu / reprend des couleurs ». C’est triste à dire, mais il est sans doute bon de le rappeler. Fantasme ou non, Dieu n’est pas fantasque. A la parole, il préfère la parabole. Mais Savary ne s’en soucie guère, et n’étant moine qu’à la manière du frère Jean des Entommeures de Rabelais, il ne fait jamais vœu de silence. Il sait, lui, qu’avant le Maître il y eut le verbe. Mais ceux qui forgèrent le premier se sont autorisés toutes les traductions même dans le langage des signes pour s’emparer du second. Pour autant, aucun mot n’a jamais atteint la divinité. En son nom seuls les maux sont maîtres. Mais si Dieu leur rend bien, le poète espère à la résurrection des seins.

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rédaction

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