[Création] Daniel Cabanis, Opportunités, accointances (2/2)

[Création] Daniel Cabanis, Opportunités, accointances (2/2)

novembre 3, 2015
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[Création] Daniel Cabanis, Opportunités, accointances (2/2)

Drôlement irrésistible la nouvelle série de Daniel Cabanis, créée à partir des lavis érotiques de Paul Vican.

 

Précipité n° 4

Pervers, qui voit de l’érotisme là où il n’y en a pas : chez Paul Vican par exemple.

 

Pas exactement professionnel

Mme Chopin (sans rapport avec Henri) me téléphone Allo-bonjour-ne-raccrochez-pas-merci et me propose ses services à domicile. Quels ? je demande. Secrétariat, comptabilité, cuisine, ménage, repassage, danse, dessin, poésie. Ça ne m’intéresse pas, j’ai ce qu’il faut. Elle insiste. Et en cas de maladie je peux également soigner, dit-elle. Ah. Manque pas d’air Mme Chopin. Suis curieux de voir de quoi elle. Bien, retrouvons-nous quelque part pour un premier contact. Oui mais où ? Elle propose les toilettes du Musée d’art moderne dimanche à midi. Pourquoi pas. Il y aura du monde, vous me reconnaîtrez à mon air absent, dit-elle. Euh, je suis pas physionomiste, ça va être compliqué, dis-je. Vous inquiétez pas, dit-elle. Bon. J’aurais préféré ailleurs un endroit plus discret, mais va pour l’art moderne. Le dimanche suivant au sous-sol du musée côté toilettes femmes, c’est l’affluence en effet. Ça va et vient, ça presse au portillon ; que des mordues de Cubisme, Fauves, Abstraction etc., mais pas de Mme Chopin. J’ai beau demander si et où, personne ne sait rien d’elle. Et quelques dames se paient ma tête. Ah, maudit soit l’art, idem les sanitaires ! Nous voilà treize heures, je vais pour m’en aller. Subito arrive Mme Chopin. Je la reconnais à, difficile de dire quoi, mais c’est bien elle. On avait dit midi, j’attaque. J’étais chez les hommes ! elle répond. Elle m’attendait. Ça se tient son histoire. Elle a dû en baver, je pense, chez les messieurs. Assez perdu de temps, dis-je : allons-y chez moi. On y va au lit. Et Mme Chopin sait y faire. Elle a de l’expérience.

 

 

Précipité n° 5

Paul Vican répugne aux lavis à l’eau de rose, lui c’est plutôt poix goudron plumes.

 

Pas exactement équitable

Mme Genette (aucun rapport avec Gérard) me contacte en vue de. Elle aimerait que je lui accorde un entretien. Elle a lu mon dernier essai, La vocation des sources à se tarir (lu en diagonale dit-elle), et maintenant elle voudrait en savoir plus. Relisez-le, dis-je ; et pas de temps pour un entretien, trop de travail, et mon roman Bel anus à finir. Elle tousse au téléphone, et puis relance. À la fin de La vocation des sources, dit-elle, vous tirez des conclusions en forme de sonnette d’alarme ; ça fait peur, non ? Ah, l’infâme charabia de journaliste ! Que dire à Mme Genette ? Je ne dis rien. J’ai envie de la raccrocher. Mais elle relance encore une fois. Et ce roman, de quoi ça parle, hein (elle rit), et si on s’en causait ? Ah. Charabia et familiarité à présent. Qu’est-ce qu’elle imagine ? Elle subodore un scoop. Scabreux, je suppose. Eh bien non, Bel anus est un polar, chère Madame, situé dans le milieu maffieux de la collecte et du retraitement des déchets ; à l’origine, ce roman s’appelait Le traitement des ordures coûte cher mais peu à peu j’ai craint la confusion possible avec un essai écologique et j’ai changé de titre ; Bel anus est plus clair, je crois, plus romanesque aussi ; qu’en dites-vous ? Elle approuve. Elle a maintenant très très envie de lire Bel anus. L’environnement, la crise énergétique, la fin de l’eau potable, tout ça ne l’intéresse plus. Elle me demande l’exclusivité pour son hebdo des bonnes feuilles de Bel anus. Je refuse. Elle insiste. Elle veut me voir. Écoutez, dit-elle, je vais vous faire une offre que vous ne pourrez pas refuser. Et en effet, je lui cède. 

 

Précipité n° 6

L’érotisme chez Paul Vican est elliptique, essentiellement elliptique ; presque rien.

 

Pas exactement imprévisible

Mme Herzog (sans rapport avec Werner) loue depuis un an le local du rez-de-chaussée de l’immeuble. Elle y a ouvert un cabinet d’astrologie & voyance. Évidemment, sa présence dans nos murs déplait beaucoup aux rationalistes jaloux et une rude cabale s’est formée pour chasser la sorcière. Mme Herzog a deviné (ou a vu) les agissements fébriles de la copropriété et y a répondu par le mépris. Son affaire marche bien. Elle ne reçoit que du beau monde : notables, hommes politiques, crétins du showbiz, sportifs et footballeurs. J’imagine que cher doit être le thème astral et ruineuse la prédiction mais, curieux, je décide de m’offrir une consultation chez elle. Rendez-vous est pris. Un mardi. Je me présente à l’heure dite et Mme Herzog (Ah, c’est vous ! dit-elle) me fait entrer. On s’est croisés souvent sous le porche, elle sait qui je suis (personne). Alors, on vient m’espionner un peu ! Elle rit. Euh, je dis ; non, bien sûr que non, évidemment non, vous savez moi hein etc. Je sais, dit-elle. Et elle demande si projets, soucis, peines de cœur, problèmes de santé ou d’argent ? Rien, je dis. Sur le plan sexuel par exemple, comment ça va vos érections, toujours aussi, oui, ou non ? Rien remarqué, je dis ; vous êtes médecin ? Déshabillez-vous, que je vous examine. Ah. J’avais pas prévu ma mise à nu. J’ai peur. Je me tremble dessus. Allons-y, dit-elle ; pour vous la consultation sera gratuite. Eh bien ! Si on m’avait dit que. Qui ça on ? Dorénavant, je lirai mon horoscope. Mme Herzog est une artiste ; c’est une chance qu’elle se soit installée dans notre immeuble.

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Fabrice Thumerel

Critique et chercheur international spécialisé dans le contemporain (littérature et sciences humaines).

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