Daniel Nadaud, Jean-Claude Silbermann, La langue du chat, coll. Hrdle, Editions URDLA, Villeurbanne, 2015.
Daniel Nadaud et Jean-Claude Silbermann sont des quasi duettistes de la mouvance post-surréaliste. L’amitié les réunit depuis très longtemps. Adeptes du cadavre exquis, ils pratiquent une de ses variations : « le jeu des réponses à des questions cachées ». L’un pose une question qu’il cache, l’autre répond à l’aveugle. Avec deux bémols à la règle de base : chaque réponse concerne la vie des deux auteurs « comme si cette question la mettait en cause », précisent des joueurs qui, par ailleurs, ont exclu questions académiques, futiles ou artistiques. Fidèles à l’esprit surréaliste, ils sont ainsi sortis de « l’étroitesse de la geôle mentale » pour jouir d’une « incroyable liberté ». Mais le texte vaut mieux que cette position basique de principe.
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Daniel Nadaud comme Silbermann pratiquent autant l’art que l’écriture. Par exemple, dans sa série "Les Écervelées" (inspirée par les opérations chirurgicales du cerveau), le premier a libéré les crânes et les fantasmes de plusieurs jeunes filles. Le second a multiplié les « farces » en diverses matières (dont la mousse). Leurs textes sont toujours guidés par une certaine forme d’ « automatisme » dont (on l’oublie trop souvent) le sens n’est pas exclu. Et même si les deux créateurs feignent de commencer par faire n’importe quoi. Ce dernier n‘est pas facile, ni anodin : : il finit toujours par être quelque chose.
La langue du chat le prouve en son excellence. A la question de Nadaud « Suffit-il d’écouter pour entendre et de regarder pour voir » Silbermann « répond » par un texte aussi lumineux que crépusculaire où la nudité découverte subrepticement au jeune enfant à la fin de la guerre fait qu’elle se termine pour lui « triomphalement dans le désastre, et en beauté ». Une double autobiographie se remonte par fragments loin de l’auto-fiction dans ce qui devient divers brûlots qui firent oublier aux auteurs d’être tristes. A leurs lecteurs aussi.