[Chronique] Mina Loy, Il n'est ni vie ni mort (poésie complète), par Christophe Stolowicki

[Chronique] Mina Loy, Il n’est ni vie ni mort (poésie complète), par Christophe Stolowicki

novembre 16, 2017
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[Chronique] Mina Loy, Il n’est ni vie ni mort (poésie complète), par Christophe Stolowicki

Mina Loy, Il n’est ni vie ni mort. Poésie complète. Traduit de l’anglais par Olivier Apert. Éditions Nous, Caen, septembre 2017, 320 pages, 24 €, ISBN : 978-2-370840-42-4.

De cérébralité prodigue, stature passionnelle, se jouant des avant-gardes, Mina Loy (1882 – 1966) de son nom d’auteur, née Mina Gertrude Lowy, métissée de juif et d’Anglaise comme le diamant, ballerine de l’intellect, Madame Teste. Féministes, encore un effort, dit-elle. Peintre connu, longue, délicate, spirituelle, retorse, entre futurisme et dadaïsme misant d’atout la carte de sa cristalline beauté, dans le mare nostrum atlantique à trois points cardinaux, Paris, Florence, New York, dédaignant les plus célèbres pour se lier d’amour indissoluble à Arthur Cravan le boxeur insolent, veuve inconsolée – elle se taille à vif, à facettes de poésie verticale ou abrupte un habit, un scalpel, une loupe qui découd, irradie la langue. Dans la traduction magistrale d’Olivier Apert, ainsi qu’un parfum fort en son flacon d’avers éclatant le mur de langue.

 

En hommage au père migré de Hongrie « au paradis    de la livre sterling / où le juif domestique    / au lieu / du knout    est fouetté par les langues », entée d’entame elle fait battre au pas de deux le cœur de son métissage comme seul le poème, par touches de blancs et de vif d’arythmie cardiaque ; de largesse dans la lucidité, les mots dans les yeux. « Ainsi [] la rose / qui fleurit / dans le flot rouge / au flanc du Christ /s’épine-t-elle des calculs / propres à la descendance / de l’antique Jéhovah ». De mère puritaine, « essuyant  / sa rose paralysie / sur l’aube de la raison » (l’apex du traducteur). Nantie de siècles « l’enfant ne trouve aucune nouveauté dans les choses / seulement dans les mots / mystérieux ».

 

Tout en ricochets, plus lierre que volubilis creusant d’encoches le réel ; happant la balle au bond en tessons d’intériorité, jamais peut-être la poésie verticale, lâchant son mot à mots comme d’une fronde, n’a caillouté Poucet d’aussi implacable intelligence ; pierreuse alternée de plages et de criques qui « donne chair / au mot » projectile, « Iris / translucide / qui déplace / son / interstice / irradiant » de blancs en verve, de blanc en neige floculant ; dans sa désinvolte gaîté de haut voltage, voltige à grands écarts de grand escient, sautillant de vers en vers à la marelle de part & d’autre de ses scintillants ruisseaux ; dansante boxeuse à la manière de son amour décochant les railleurs crochets d’un savoir long ; dans les aléas de la modernité frayant sa ligne d’entre-deux ô où « compromis / Entre le perpendiculaire et l’horizontal / quelque vagabond s’adosse ».

 

Quand dans un « filet à papillons de nuit / de métaphores et de miracles [] des ornithologues / observent le vol / d’Éros obsolète », une éthologie du dicible capte des limbes les traits essentiels à retentissements millimétrés, en « essuyant la sueur inflorescente ». Renonçant à retrouver Arthur Cravan vivant, à l’instar d’Hölderlin Scardanelli elle ensevelit dans un silence avare les trente dernières années de sa vie, se repliant dans une méticulosité pointilleuse à tâtons subliminaux. Dans le quartier pauvre de Bowery quelques scènes de la vie new-yorkaise aussi compassionnelles et distanciées que la parisienne de Baudelaire. Quand le « présent troque / un  réel improbable / contre la sur-évidence de l’irréel », le surréalisme mis à nu.   

 

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rédaction

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