[Création] Daniel Cabanis, Enchaînement logique des alibis (5/5)

[Création] Daniel Cabanis, Enchaînement logique des alibis (5/5)

septembre 28, 2017
in Category: créations, UNE
0 3017 10
[Création] Daniel Cabanis, Enchaînement logique des alibis (5/5)

Où Daniel Cabanis vous donne un dernier alibi tout en humour… Et bien entendu, tout cela est vérifiable ! [Lire/voir la 4e livraison]

  

Cinquo

Être suspecté me paraît flatteur. Comme si j’avais des compétences criminelles !

 

Le vendredi 26 juillet, j’étais en province, à Valence, à l’enterrement de ma tante Suzie. Je ne connaissais pas Valence. Je m’étais dit : C’est l’occasion. Après la cérémonie vite expédiée, j’ai fait un petit tour de ville. Du neuf, de l’ancien, églises, places, fontaines, vestiges romains, le tout en plein cagnard ; ça ne m’a pas enthousiasmé (toutes ces villes se valent, et la Drôme n’est pas drôle). Il y avait une brocante, l’après-midi, sur une esplanade ; c’était plutôt un vide-grenier, avec les saletés habituelles : vieilles casseroles, vêtements de ski défraîchis, romans de Guy des Cars, fers, plastiques, jouets idiots, etc. J’ai déambulé dans ce déballage, tuant le temps avant de reprendre le train. Une jeune femme a essayé de me vendre une enclume de forgeron qu’elle avait disposée devant elle sur une courtepointe piquetée d’accrocs et de taches. Belle pièce, j’ai dit, mais je n’en aurai pas l’usage. Elle est d’époque, a dit la jeune femme d’un ton moqueur. Ah, j’ai fait. Puis elle m’a dévisagé sans rien ajouter, tendue, l’air de s’interroger sur mon compte. Je vous rappelle quelqu’un ? j’ai demandé. Elle a esquissé un sourire. Elle me regardait toujours. Ça m’a troublé. Si j’avais été en état de plaire à une femme j’aurais pu croire que je lui faisais quelque effet, or je ne l’étais pas (costume noir mal taillé, barbe, cheveux hirsutes et mon déodorant m’avait lâché) ; j’ai donc pensé, pour le dire sans détour, qu’elle faisait de la retape. Le coup de l’enclume, j’avoue, m’a subjugué. J’ai trouvé ça stupide, et en définitive audacieux et subtil. Bon Dieu, j’ai pensé, la putain locale a de la ressource ! Combien ? j’ai demandé. Quoi ? elle a dit. Je suis resté sec. Puis les choses se sont recalées autrement : elle a dit qu’elle m’avait vu le matin même au cimetière et qu’elle était de la famille. Une petite-nièce éloignée si j’ai bien compris. Finalement j’ai acheté l’enclume, et j’ai passé la nuit à Valence. Tout ça est vérifiable.

, , , ,
rédaction

View my other posts

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *