[Dossier-entretien] Spectrographie de Sandra Moussempès

[Dossier-entretien] Spectrographie de Sandra Moussempès

mai 26, 2010
in Category: chroniques, créations, UNE
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Le 19 juin prochain, lors du Marché de la Poésie, Sandra Moussempès recevra le prix Hercule de Paris pour Photogénie des ombres peintes (Flammarion, 2009), dont a déjà rendu compte à sa façon Francesco Magris. À cette occasion, nous lui consacrons un dossier intitulé "Spectrographie de Sandra Moussempès", dont voici le premier volet : le texte de Mathieu NUSS, "Autopsie du tissage, vitrines sérielles", est suivi de "Sandra Moussempès en 14 dates".

AUTOPSIE DU TISSAGE, VITRINES SERIELLES
(note pour Photogénie des ombres peintes de Sandra Moussempès)

La voix de Sandra Moussempès semble au quotidien s’appuyer sur la mise en équation d’apparitions fugaces, de fragments de mémoire, d’obsessions, c’est une gourmande, une croqueuse d’ombre, qui laisse miroiter ça et là, dans les oasis des pages, des mirages-images, des instants faussement vrais d’une vie vraie-fausse, parce qu’elle se donne absolument tout le temps d’y revenir.

Un ballet de contractions-dilatations – celles du temps –, habité d’énergie narrative et articulé avec méthode. Il y est souvent question d’amour, de dédicace – au fils notamment –, de tentatives, d’observations – mais des observations qui en aucun cas se révèlent être de l’ordre d’une expédition de la curiosité.

Je dis "ballet", pour le travail introspectif du corps de la langue sur lui-même, pour l’autopsie figurative, pour la mise en scène singulière, mais je pourrais tout autant parler de dramaturgie du temps psychologique, car passé et présent sont un chez elle.

Collecte rétrospective qui paysage, reportage apparent. Trouble et gestion du clair-obscur s’inscrivent au cœur de son travail poétique, et la parole en retour s’abrite efficacement dans cette belle combinaison unie.

Les micro-narrations constellent d’inaccaparable, demeurent horizons à leur manière (comme regarder au fond des yeux de quelqu’un ce qui trouble la vue), fenêtres sur le temps, sériées. Chaque évocation place autant le lecteur sur une piste qu’elle l’en éloigne. Sa poésie se joue véritablement du temps et des perspectives – échos visuels aux jardins japonais qui lui sont si chers.

Micro-comas migrateurs ou laps de temps morts qui arriment entre eux deux fragments : c’est le découpage qu’il faut aussi lire, le profil qui émerge des contours, car la poésie de Sandra Moussempès n’est pas conçue pour titiller l’imaginaire, mais plutôt pour éveiller un jugement au moment précis où l’on en sort et la quitte.

Sandra MOUSSEMPÈS en 14 dates

1965. Naissance à Paris, enfance entre la rue Croulebarbe et le château de Valliguières dans le Gard.

1972. Une poupée de porcelaine lui est offerte par Annie Besnard (premier amour d’Antonin Artaud) parce que, dit-elle, elle lui "ressemble beaucoup" – alors que la mode est aux Barbies.

1979. Vacances chez Ted Hughes, poète et mari de Silvia Plath, dans le Devon en compagnie d’Olwyn. Séparation parentale.

1981. Disparition soudaine de Jacques Moussempès (on parlera de "mort naturelle") ————————————-( )——————————————————————-
(l’indicible des faits et révélations qui s’ensuivent sera évoqué ultérieurement).

1983. Passage en fac de cinéma, cours Florent, premier groupe de rock (Captain Scarlett) influencé largement par Stinky toy.

1992. Publie ses premiers textes dans Action Poétique ; chante en première partie d’un concert du groupe anglais The Wolfgang Press.

1994. Parution d’Exercices d’incendie, aux éditions Fourbis, dans la collection de la biennale internationale des Poètes en Val-de-Marne.

1995. Publie des textes dans l’anthologie de poésie 29 femmes (éditions Stock), participe en tant que chanteuse au dernier album des Wolfgang Press, Funky little demons, qui sort sur le label 4AD.

1996. Pensionnaire à la Villa Médicis à Rome.

1997. Vestiges de Fillette paraît aux éditions Flammarion dans la collection "Poésie" dirigée par Yves di Manno ; la même année sort un EP Sad Hero en collaboration avec le DJ Kinki Roland sur le label anglais More Protein, s’installe à Londres.

2004. Captures paraît aux éditions Flammarion, suivi de deux courts recueils aux éditions de l’Attente.

2005. Naissance de son fils, Virgile, à Marseille.

2009. Parution de Photogénie des ombres peintes aux éditions Flammarion, réédité six mois plus tard, qui obtient le prix Hercule de Paris 2010.

2010. Préparation d’un projet avec la poétesse américaine Kristin Prevallet sur une expérience de transmission poétique télépathique…

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