[Libr-relecture] Brigitte Gyr, Incertitude de la note juste, par Christophe Stolowicki

[Libr-relecture] Brigitte Gyr, Incertitude de la note juste, par Christophe Stolowicki

octobre 16, 2019
in Category: chroniques, Livres reçus, UNE
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[Libr-relecture] Brigitte Gyr, Incertitude de la note juste, par Christophe Stolowicki

Brigitte Gyr, Incertitude de la note juste, Lanskine, 2014, 72 pages, 12 €, 979-10-90491-11-3.

Prise la langue par les cheveux d’ange non de comète – un écho du vécu, au plus juste. Quand le chagrin se suspend – à l’incertitude de la note juste. Le recul, la mesure, une maîtrise du deuil, comme s’il était la langue d’entrée de langue, parlée depuis toujours.

Requiem.

À la faveur de l’hommage au père musicien disparu, remontent des souvenirs posés, circonscrits dans l’élan, dans l’écran – de sillage prosaïque que le poème, de sa ponctuation minimale, passant passé de blanc en blanc à petits blancs et décalages, rend mieux que prose. M’en imprégner à loisir, me déprendre moi aussi. Avant de capter d’autres notes écouter, de « musique de / en chambre / secrète / baignée de ciel / [sinon] SchubertSchumann / BachDebussy / RavelMozart », le Piano Quartet opus 44 de Schumann.

« ensevelissement / festif / latino / erreurs de prière / dérapages légers // pas d’apocalypse // hier éternel / casals et kreisler [violonistes connus] qui t’avaient fait […] tu habites à présent / une terre brûlée / semée de grands arbres / un nocturne de Fauré / te tient compagnie / et elle qui le jouait […] un jour / elle t’a rejoint / piano violon piano violon piano viol… ». Le deuil de mère, associé en retrait.

« j’avais été / un bébé rond / un filet à papillons / et / un chien en peluche / me faisaient office de frères / pour le reste / j’imaginais / un avenir / de sucres d’orge » Souvenirs d’enfance heureuse, en bord de lac plus suisse que français, en contrebas des monts. La Suisse innommée, un espace-temps fui, non perdu.

Fui de ville en ville – cependant un deuil heureux, accompli, de juste longitude s’élève diatonique sur sa portée de sols, qui ne se dérobent pas. Un compagnonnage avec le mort, les morts, père et mère, souvenirs de grands-parents, la mort incorporée, ruisselante de vie. Espace-temps plutôt omniprésent que retrouvé, en regard duquel l’actualité (« centrales nucléaires / météo / finances / politique ») grimace : « la magnitude / du désespoir / est désormais sans limite » – s’épand tectonique. La musique d’un temps proustien (Fauré), concerté de symphonie, entre à flots par les croisées : « innocence / d’un supplément / d’âme ».

La nostalgie, par vagues précises et par vaguelettes, dessine ici ce qui échappe à sa lame de fond, à son blues : le déroulé des années glorieuses, trente ou davantage, où « les marges du fleuve / s’écartent / on est / dans l’ouverture / du corps de l’eau […] commander des billets d’avion / par milliers / des billets de train / user la voiture / l’espace / la distance / réhabilités / augmenter / notre stock de villes / Paris / New York / Berlin / Stockholm / Dresde… // une vie insoupçonnée / nous happe / jusqu’au prochain hiver ». Du parent perdu, de son aimance large émane une amplitude de vivre, une promesse tenue, la chaîne d’or de soi.

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rédaction

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1 comment

  1. Musset paul

    comment lire devient cette concession faite à la perte du sens, perte du texte, perte de dire en beaucoup en mots ce qui n’en a besoin d’un seul

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